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Met Barran
30 avril 2008

DE LA TENDRESSE COMME LARCIN

"[...] Je prévoyais d'avance , ma chère amie, une partie de l'effet que devoit produire dans une imagination aussi vive que la tienne la nouvelle de mon mariage (prétendu).je jugeois ton coeur d'après le mien: je n'avois pas oublié ce que j'avois souffert dans le tems, & ce qu'il m'en avoit couté pour me soumettre aux décrets du destin lorsque ces engagements avec Lacroix m'inspiraient tant d'allarmes; quoique ma délicatesse me fit alors un devoir de t'en déguiser une bonne partie. La qualité de Beau-frère est un degré d'alliance qui n'inspire ordinairement rien moins qu'une amitié parfaite: tu avais beau me rassurer, je craignois que celui qui alloit devenir le mien ne regardât à la fin ta tendresse à mon égard comme un larcin que tu faisois à l'amitié conjugale. Les autorités les plus sacrées ont soumis l'épouse à l'époux: lorsque celui-ci veut faire valoir tous ses droits, il peut exiger bien des choses qu'une femme prudente et vertueuse sera peut-être obligée de lui accorder pour le bien de la paix, quoique son coeur gémisse en secret et se révolte même contre le despotisme que lui arrache un sacrifice aussi douloureux qu'impie. Mes craintes ne cessèrent qu'à la nouvelle de ton refroidissement; mais les tiennes sur mon compte sont beaucoup moins fondées.

Outre que mon mariage est encore loin de se faire, come je te l'ai dit dans mes précédentes, quand même les circonstances changent au point de le rendre nécessaire, je reste après tout le maître: & si jamais une épouse, quelle qu'elle fût, vouloit s'aviser d'empietter sur les droits que tu ne peux cesser de conserver sur mon coeur, elle perdroit dès ce moment tous ceux qu'elle eût pu acquérir sur mon amitié & sur mon estime: tu peux en être sûre.[...]

Acapulco 16 juin 1802.

Lettre du perpignanais François de Paule de Fossa à sa soeur Thérèse. En ce temps-là, le courriel n'existant pas les échanges étaient plus giboyeux et le style faisait le beau comme un cygne sur le lac, entre jolis nénuphars. Le document ci-dessus est tiré des Archives départementales des Pyrénées-Orientales.

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