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Met Barran
27 juin 2008

NEUF CHEVAUX ET LE SOLEIL

Ils étaient adolescents fous, enfiévrés par le rêve à quatre balles et le jeu à huit sous ; ils roulaient dans une voiture décapotable. Cette dernière avait des crissements de Ferrari et des cahots de paradis. Ils y croyaient dur comme fer bien forgé à leur évasion. Un chariot de feu zigzagua dans le ciel, puis s’immobilisa comme pour laisser descendre un passager. Mais lequel ? Quelque passager invisible, sans doute invisible. Des chevaux, neuf au total, comptés sur les doigts de la main droite, trottaient les oerilles au grand vent comme pour une parade, puis, sans attendre la détonation ou le claquement de fouet règlementaire, se mirent à galoper, galoper…Jusqu’où ? Il est encore tôt pour le dire. Le moindre élément de l' hypothèse de destination n’a pas été recueilli. La bride et le mors ostensiblement oubliés à l’écurie, tout juste sellés pour pouvoir si indispensable aider une étoile auto-stoppeuse en détresse, les neuf chevaux –dont le plus petit aurait bien aimé avoir une petite cavalière et ses chaussons sur le dos- poursuivaient leur manège. Car le manège, ne faisait aucun doute; on avait beau tourner en rond, supputer çi supputer ça, il était bien là, mûrissant tel un furoncle. Les hénissements répétés des équidés n’autorisaient pas oublier la puissance du manège. Le ciel, une fois passée la Ferrari, était tout rouge, par un mystère que l’on ne lèvera peut-être pas de sitôt. Rouge de ce gros rouge qui jadis tachait la chemise de soie blanche ou la robe de blanche hermine et que plus personne, aujourd’hui, ne sait élever à son ancienne et très regrettée dignité. On entendit comme un battement d’ailes et des coassements de simplet. Le Soleil, rapporta un éclair qui ne s'attarda guère ayant mieux affaire ailleurs, de l'autre côté des montagnes vertes, le Soleil avait pété un plomb, ou deux, ou trois. Aucun électricien n'avait avancé de pronostic.  Le Soleil se tapait les côtes, éberlué par toutes ces crinières frappant du sabot comme si elles voulaient l’attendrir -les juments, elles surtout!, ou l’amadouer. La tendresse leur lancait-il en silence je n’en veux pas, faites-en votre fourrage, quant à m’amadouer c’est vous, mes poussins à quatre pattes, qui vous brûlerez les duvets à mes rayons. Et il sautait et chantait, un vrai Trenet. Il ne cessait de se battre flancs et côtes comme s'il voulait à tout prix dérider Benny Hill. De l'inédit à douze carats! Il n’avait jamais vu, depuis qu’il jouait le rôle –une charge aristocratique ironisaient les envieux- de la Boule de Feu, non, jamais –et on pouvait le croire il avait lu toutes les critiques- pas un spectacle pareil. Mais doté encore de quelques gouttes de doute, il se frotta les yeux pour les déciller complètement et le vérifier. La première vue est bien des fois trompeuse. Il vit foison d’images car le manège avait accéléré sa rotation à cause de la gratuité,  et il entendit un ramdam babélique de thèses et contre-thèses sur elles. Les neuf équidés tourneboulés, grisés autant par la vitesse des tours (le petit cheval, comme fait exprés, arrachait tous les ponpons) que l’air des hautes cimes, s’étaient arrêtés, crinières dépenaillées, de la luzerne étoilée enfin sous les dents. A présent, ils s’abreuvaient à satiété au petit affluent bleuté de

la Voie Lactée

: ils lapaient comme des petits chatons déjà sevrés de petit lait. C’était leur eau- de- vie à eux les chevaux. Le Soleil, mal en point, n’en finissait pas de se tordre le bas-ventre de rire , ses intestins dansaient la java, on aurait dit qu'il hébergeai des tics et des tacs…Une Ferrari, une auto-stoppeuse, des chevaux,  de la luzerne étoilé, du lait non écaillé, deux adolescent… « Mais que se passait-il donc dans mon royaume ? A quel vicieux auteur devait-il cette scène qui l’immergeait dans le ridicule : car le soleil qui rit et se bat les côtes c’est toujours grotesque, risible. L’immerger dans le ridicule, soit, mais pour lui faire avouer quoi. Que pouvait-il détenir comme secrets, lui, le Soleil." Puis, tout à coup, l'orange passa au rouge, et le rouge devenu cramoisi se fixa sur le noir : il venait de comprendre qu’il était fait. Les premiers crissements de Ferrari auraient du lui glisser une  puce au moins dans l’oreille gauche, oui l’alerter sur quelque chose de « pas bon du tout » venant à sa rencontre. Trop rapidement il s'était laissé éblouir (lui dont le métier est d’éblouir les autres, lui cet acteur primordial, radieux et incontournable, du moins l'avait-il à cru jusqu'à ce jour de peine) par les neuf chevaux...Non, il n'y avait pas d'alezan, ni non plus de percheron...J'ai dit neuf chevaux, ça ne vous suffit pas? Neuf chevaux, maintenant ragaillardis, hauts sur jarrets, l’encolure luisante et disposée à bouter hors tout harnachement destiné à sa soumission, qui, d’un soudain commun accord cernaient le Soleil. On aurait dit un feu de camp de l'époque scout sans scout mais avec de longues queues chasse-mouches. Soleil (c'était le nom du Soleil) se savait piégé, encerclé, sacrifié. Le plus- haut ne bougerait pas son plus petit doigt. Un bien mauvais coucheur le plus-haut, se souvenait  Soleil presqu’entièrement enseveli dans ses propres flammes, qui ne mérite ni implorations ni imprécations. Rassasiés, l’œil glissant sur leurs robes défroissées, les crinières mises en plis sans chichis, les neuf chevaux, se dressèrent sur leurs jambes de derrière et de concert observaient une minute de silence autour de la défroque cendreuse du soleil. Comme était-ce possible ? s’écria Lune en descendant de

la Ferrari. La passagère invisble était-ce déjà elle? Lune

ne pouvait croire en cette triste fin fumeuse. On lui cachait certainement la vérité."Je vous prie, dites-moi, qu’est-il vraiment arrivé ?" Retombant sur ses pattes, un petit cheval s’éloigna du cercle et vint vers Lune, il avait été chargé par tout le manège de lui répondre. Lune devait avoir toute la lumière d'ores et déjà disponible sur le fâcheux drame. Petit Cheval (c'était le nom du petit cheval, le délégué syndical du manège) lui dit : «  C’est tout simple ! C’est ineffaçablement bête ». On entendit alors le bruit de trente six sabots qui martelant le chemin de retour aux stalles de l’écurie. -Ton con de texte, vois-tu je voulais déjà l’abandonner en cours de route, j’ai hésité à le lâcher une première fois à la troisième ligne, mais chacun ne mérite-t-il pas une deuxième chance? J'ai continué car j'aime les chevaux...Mais à la quinzième ligne je n’en pus plus, je lâchait tout au diable les petits chevaux qui trottent dans ton crâne, c’est de l’escroquerie...Non ça ne vaut pas tripette cette affaire de deux adolescents. Je ne te l’achèterai ni pour quatre balles ni dix sous." -Et l’ami... au-revoir; ne reviens pas si c'est ton chox, mais sache que tout le monde n’écrit pas Génie. Mon écriture est une écriture de mouche, alors ne louche pas sur elle, fiche lui la paix."

(Totalment inédit et inachevé de Yvan le pas Terrible)

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