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Met Barran
2 juillet 2008

UNE ASCENSION DU CANIGOU EN 1925

Kurt Tucholsky (1890-1935) est l'un des premiers écrivains allemands dont les nazis brûlèrent les livres. Il publia en 1929 -sous une couverture avec un photomontage de Sasha Stone- "Deutschland, Deutscland uber alles" (qu'il n'est pas utile de traduire). En 1925, Kurt Tucholsky avait fait un voyage dans les Pyrénées dont il tira un livre. La version originale parue à Berlin en 1930. La première traduction française, faite par Jean Bréjoux, ne paraîtra chez Privat que cinquante ans plus tard, en 1983, sous le titre "Un livre des Pyrénées". Dans ce livre qui ne fait défaut à aucune bibliothèque de pyrénéiste, il évoque joliment le Canigou, ce mont qui passe pou être le Mont sacré des Catalans. Voici cette évocation  (pp 215-217) :

   

[...] C’est de Vernet que l’on grimpe au Canigou.

            Je fis une marche au milieu des montagnes, comme dans un livre d’images.

            Le veilleur ouvre l’hôtel de bonne heure ; dans mon sac à dos, j’ai mon petit déjeuner, car je  ne sais pas quand je redescendrai. Au bout de huit heures à peine, je suis en haut. On m’avait promis que je verrai la mer depuis le sommet, mais tout le pays était voilé de nuages. Ce n’était d’ailleurs pas mon véritable but. La montée était bien plus belle que l’arrivée au sommet. En chemin, je trouvai de longues herbes qui avaient un goût tout spécial- on ne saurait marcher sans brin d’herbe dans la bouche. Je me trouvai aussi un troupeau de bêtes à cornes, vaches et boeufs, portant des clochettes à leur cou. Les petits veaux me fuyaient, mais je liai conversation avec leurs pères, de solides gaillards, et nous nous mîmes d’accord pour ne pas nous faire de mal. Le chemin était fermé par une palissade pour que les bœufs ne descendent pas trop tôt dans la vallée, mais tous voulaient venir avec moi et ils me suivirent longtemps des yeux. En chemin, je rencontrai trois sources, chacune plus fraîche que l’autre. Je remplis ma bouteille thermos à la plus haute d’entre elles et redescendis dans la vallée, je pus boire encore une eau bien glacée. J’étais seul, aussi chantai-je de belles chansons, et entre autres une chanson de soldats que j’avais apprise dans un véritable livre de guerre, intitulé Gaspard :

                                   Paraît que la cantinière

                                   A de tous côtés,

                                   Par devant, par derrière,

                                   Des tas de grains d’beauté.

                                   Elle en a des pieds jusqu’aux seins ;

                                   On raconte un tas de machin…

                                   Vous n’y qui qui

                                   Vous n’y com com

                                   Vous n’y comprenez rien.

            Et tous les arbustes de crier : «  Encore ! » en me voyant passer. Alors je chantai encore et encore. En bas de petites villes s’étalaient sans la vallée, et Prades et le chemin de fer. Et comme je savais que c’était ma dernière excursion dans les Pyrénées, je savourais mon bonheur par tous les chemins et buvais mon eau glacée- peu s’en fallait que je ne casse ma canne. J’étais très heureux. [...]

(Communiqué par un pyrénéiste anonyme  "et qui tient à le rester". Nous ne le trahirons donc pas.)

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