LA VIE ASSOMANTE DE PARIS

« Tu ne peux pas te faire une idée de la vie assommante que je mène ici. En vérité je ne conçois pas quel plaisir on trouve à fréquenter la société de ce pays-ci. Toujours des formes, toujours des compliments, toujours des révérences, toujours de l'étiquette, enfin toujours de l'ennui. Quelle différence des sociétés du pays que j'ai laissé et où je brûle de retourner! Là on n'est pas obligé de regarder sa montre si quelques minutes de plus ou de moins ne rendraient pas une visite incongrue; on n'est pas obligé de réfléchir en s'habillant si l'on doit être en négligé du matin, en frac négligé, en frac habillé ou en costume; si les bottes doivent être à revers ou à la Sougarov*; s'il faut prendre ou ne pas prendre la canne, le chapeau rond, le chapeau à clake, ou le chapeau habillé, etc, etc.. On s'habille comme on veut pourvu que l'on soit propre, on va voir les gens à l'heure qu'on veut et ont est sûr de trouver de l'amabilité, de la confiance, de l'amitié même. Il ne faut pas même pour cela être ancien dans la maison. Un étranger fusse un hottentot, y trouverait les mêmes avantages au bout de trois jours qu'il serait présenté. Ma foi, vive ce pays-là, et je n'en donnerais d'autre châtiment à ceux qui oseraient préférer celui-ci que d'y vivre rongés d'ennui, quoi qu'ils ne voulussent peut-être pas l'avouer. Ce qu'il y a de très sûr, c'est que je suis las de faire des courbettes, et de répondre à des compliments par des compliments. J'ai passé bien des moments chez moi avec des livres[ hélas! Nous ne savons pas ce qu'il lisait?] que je prends par abonnement, lorsque je n'ai rien de mieux à faire; mais je t'assure que jamais je ne me suis trouvé seul qu'aux promenades publiques et dans les sociétés. Aussi je ne les fréquente plus»

(François de Fossa- Paris, lettre 22 août, Lettre à sa soeur Thérèse à Perpignan).