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Met Barran
9 septembre 2008

LA LITTERATURE C'EST DU VENT...OH! SI!

*Petit bouquet offert par "Le Chapardeur des Lettres Oubliées ou Perdues".

Renée-Laure Portet, écrivain catalan, s'explique très physiquement avec la tramontane dans Château noir- son premier recueil de nouvelles : 

    

« Elle  s'y dirigea. Il soufflait une forte tramontane, mugissant par dessus le déferlement des voitures par dessus les toits et les cheminées, et les antennes de télévision, libérant les grosses masses grises et blanches des nuages qui se poursuivaient se chevauchant comme d'abstraites constructions de plâtre sur la plage froide du ciel...Les feuilles desséchées des platanes, affolées sous l'hystérie contaminatrice du vent lui fouettant, ailes rouges d'oiseaux féroces, le sommet de la tête, les joues, le nez, la pulpe tendre des lèvres, éveillant  en elle une perturbation qui ne lui déplaisait pas. Au moment de s'arrêter à la porte d'entrée pour présenter son argent au guichet une rafale autoritaire de vent la projeta au-delà et elle se laissa aller à cette catégorique incitation à poursuivre plus loin le long du boulevard. Elle cédait, cédait, cédait à l'aventure du vent. Balai rageur, la tramontane lui frictionnait les jambes, la bousculait, l'étrillait, curait sauvagement les recoins autour d'elle et la chassait, l'expulsait en avant, toujours en avant, on ne pouvait résister à sa force, on ne pouvait retourner en arrière. Pour lui faire front il fallait aller de l'avant. »

         

André Héléna, écrivain audois, l'a fait aussi intervenir dans le récit policier ou d'espionnage. Elle y joue un rôle qui pour être moins sensuel n’est pas du tout second. Dans "Les salauds ont la vie dure", où elle ouvre, brutalement, le roman.

      « La rafale passa en hurlant au-dessus de ma tête, une poussière d'or, arrachée aux petites boules de mimosas, flotta un instant dans l'air, comme un rêve, et disparut. Mais on entendait toujours le vent siffler dans les amandiers maigres. Les rangées de cyprès dont les maraîchers avaient entouré les jardins ne parvenaient pas à arrêter sa course malgré leur feuillage serré. Ils ployaient majestueusement, comme une tragédienne à la grande scène du trois, avec des gémissements lugubres.

         Hé ben ! Monsieur ! le type qui avait inventé le vent il devait être né dans le pays. Qu'elle tornade! depuis huit jours que j'étais là ça n'avait pas cessé, au contraire, ça avait pris de l'ampleur chaque jour

        (...) Ah! Que la vie aurait été belle sans ce vent maudit qui arrivait sur moi du bout du monde, à la vitesse d'un train express ».

          Dominique Bona, romancière française avec des attaches méditerranéennes, l'invite à son premier roman:  Les heures volées. !

« C'était un jour de tramontane. Il avait plus à Perpignan mais le vent des Pyrénées, dieu tutélaire des lieux, avait déjà chassé l'air marin et donné à la ville sa plus profonde respiration de terre catalane. Aussi pur et glacé que les neiges parmi lesquelles il naissait, par-delà les monts, il venait jouer avec le soleil et disputer aux nuages sa terre d'élection. Le Roussillon, son royaume et sa proie, subissait depuis quatre jours comme depuis des siècles ses caprices, ses étreintes, ses hurlements. Dia de vent, dia de turment murmuraient les sages Catalans. Jour de vent, jour de tracas...car le souffle divin, fidèle à sa légende, versait de sa folie dans toute la région. Bras nus, les cheveux serrés dans un foulard, Anacleta tenait à deux mains une jupe que le vent arrondissait en coquelicot. Elle traversait  la place de

la Loge.

»

          

Joseph Delteil était un grand ami du vent.. Dans son texte Perpignan, il rend à la tramontane un hommage vitaliste :

     « C'est un des grands vents du monde, le propre frère du mistral. Quiconque l'a senti dans ses jambes et dans ses mollets du côté du pas de Salses un jour de choix, il en gardera le goût jusqu'au fond de l'éternité. J'ai pour le vent plus que de l'amour: une passion de proie. J'aime qu'il me secoue les os, qu'il me balance les tripes, j'aime qu'il me lave l'âme au bord de la mer, lui dont les sources sont au coeur même du firmament. Toujours plus! On dit qu'il déprime, il me saoûle; qu'il enfièvre, il me rengorge. Il complète, nourrit couronne. Il est l'accent tonique de la vie. Souffle et âme sont un même mot. D'où qu'il vienne, qu'il vienne dur et mâle; je ne jauge sa valeur qu'à sa puissance. Ah foin de brises et autres brisettes! Je ne prise que le vaste fils des espaces, l'ouragan".

           Joan Lluís Lluis, auteur d'expression catalane, met en scène la Tramlontane dans son troisième récit publié "Cirera" (dont nous traduisons ci-dessous un court fragment).

.

     " Car la tramontane ne soulève pas les jupes, elle les arrache. Elle les déchire comme du papier cadeau et les emporte vers la mer jusqu'aux îles, qui doivent en faire une belle cueillette, là-bas, parmi les plages et les oliveraies. Ainsi donc, avant que les homes n'aient porté des pantalons, le vent d'ici, qui était peut-être un peu plus fort que de nos jours, mais guère plus, arrachait également les appareils génitaux...Tu avais beau te mettre à l'abri, si la tramontane te coursait il n'y avait rien à faire, elle t'entourait, t'enveloppait, te nouait au point de ne pouvoir t'en séparer, tout à coup elle te donnait une poussée plus forte et crac! elle venait de tout t'arracher. Et ce n'était pas un spectacle rare de voir des vits qui s'élevaient par-dessus les toits, et s'envoler vers le sud, le sud-est, et disparaître, popursuivis en vain par un homme qui n'était déjà plus un homme, pleurnichant sur sa gloire perdue..."

     [Original en catalan:    « Perquè la tramuntana no aixeca faldilles, les arrenca. Les  esparraca com paper de regal i se les enduu cap a la mar i fins a les illes, que en deuen fer una bona collita, allà, entre platges i oliveres. Bé doncs, abans que els homes portessin pantalons, el vent d'aqui, que potser era un xic més fort que ara, pero no gaire més, també arrencava els aparells sexuals...Ja podies posar-te a recer, si la tramuntana t'empaitava no hi havia res a fer, t'envoltava, l'embolicava, s'entortolligava que no podies despendre-te'n, tot d'una donava una empenta més forta i xascc!ja t'ho havia arrencat tot. I no era pas un espectacle rar, doncs de veure vits enlairarar-se per damunt dels teulats, volr cap al sud, sud-est, i desapareixer, perseguit en va per un home ja no home, somicant per la seva gloria perduda... »

                                                                                                                 XXX

Note: Il vous est possible de retrouver sur le net l'éditeur, et l'année d'édition ou de traduction des ouvrages cités. Nous nous refusons en revanche à donner le n°o des pages d'où les fragments proviennent.

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