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Met Barran
26 octobre 2008

OFFICIERS PRISONNIERS ET LAPINS AU FORT DE VILLEFRANCHE

Lors d'un voyage dans  les Pyrénées, l'écrivain allemand Kurt Tucholsky [1890-1935] visite le fort de Villefranche- de- Conflent et il raconte dans son livre sur les Pyérénées ce qui suit

« Nous étions donc dans le fort vide. C’est une petite ville en soi, avec des casernements, des bâtiments réservés au commerce, des salles de garde, des tours. C’est là qu’on avait mis les Allemands. Le 9 octobre 1916, on fit donner le canon d’alarme : douze prisonniers s’étaient évadés. Ils avaient creusé un souterrain sous les latrines. ç’avait été un travail de plusieurs mois, on peut encore en voir les traces. Vers dix heures du soir, ils s’étaient laissé glisser le long du rocher au moyen d’une corde confectionnée avec des draps- et les voilà sur le chemin ! De là, ils étaient descendus dans l’obscurité. L’un  d’eux, qui suivait la voie ferrée, fut repris aussitôt. Les autres furent retrouvés dans les montagnes. Un seul, à ce que me raconta la fille du concierge, a pu franchir la frontière. Savoir qu’elle tête elle ferait si je lui disais tout de go : « Eh bien, mademoiselle, c’était moi ! » Mais ce n’était pas moi. Les prisonniers furent emmenés à la forteresse de Cette.

            Je parcours les pièces où habitaient ces Allemands ; sur une porte il y a encore un papier avec l’inscription : « Lieutenant Kieffer ». Et ça, ici, c’étaient leurs  plates-bandes de légumes- ils élevaient même des lapins ! Drôle de camp de prisonniers. !

            C’était un camp d’officiers, et voici que ma curiosité est presque éteinte ! Mon Dieu, ils avaient leurs ordonnances, ils allaient en civil à la ville acheter leurs provisions ; ils avaient toutes sortes de libertés- même s’il ne venait à l’idée de personne de les dire heureux. Leurs chambres, fort passables, n’avaient rien de commun avec les baraquements des grands camps réservés aux hommes de troupe. Car cette classe rend les honneurs qu’elle a créés elle-même et, en plus, protège les collègues de la maison concurrente, sans lesquels elle serait incapble de justifier sa propre existence. Que ce soient des armées populaires qui s’entretuent sur l’ordre des commanditaires, de cela ils n’ont cure. Ils continuent à jouer les lansquenets, et les officiers prisonniers élèvent des lapins, cultivent des plates-bandes. En vertu de la discipline. Les récits des simples soldats prisonniers en France rendent un autre son. »

(La version originale allemande fut éditée à Berlin en 1927, et ce n'est qu'en 1983 que les Editions Privat de Toulouse  publieront Un livre des Pyrénées. L'extrait cité est localisable pp. 214-215)

Communiqué via l'UNESCO par le Seconde classe Grattetout-Onçéjamet

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