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Met Barran
6 avril 2009

GIGINTA ET LE SPECTACLE DE LA MISERE

On commence  à connaître de mieux en mieux l'oeuvre de Miquel de Giginta, chanoine d'Elne, connu pour sa participation au grand débat du seizième siècle sur la réforme de la bienfaisance, la lutte contra la pauvreté et  la mendicité. Deux colloques internationaux, à Perpignan, puis à Elne, ces dernières années, n'y sont pas peu contribué même si l'on est toujours en attente de la traduction en français et en catalan, par exemple des principaux ouvrages de cet auteur (disciple de J-L Vivés et découvert par Michel Cavillac).  Nous pensons surtout au "Tratado de remedio de pobres" réédité en l'an 2000 chez Ariel à Barcelona par le professeur Félix Santolaria.

Giginta -dont la pièce maîtresse de sa réforme était la Casa de Misericordia- s'est vu interrogé de nos jours (cinq siècles après ses "batailles") aussi bien par des penseurs et des acteurs du social que par des théoriciens et des aménageurs la ville, en termes de surveillance, de théâtralisation.  C'est le cas de Pedro Fraile* (Université de Lleida) qui intervenant à Montréal dans un colloque international sur "La régulation sociale entre l'acteur et l'institution" de l'Université de Québec en mai 2003 devait justement évoquer Giginta à propos des "débats sur la pauvreté et le travail lors de la mise en place du capitalisme". Fraile y relevait entre autres choses  que le XVI siècle espagnol à une mentalité propice à l'"Giginta était très sensible à cette mentalité. Il désirait d’ailleurs convertir la ville en un immense décor et considérait la vie quotidienne comme l’équivalent d’une pièce de théâtre." Et, non sans cependant une certaine audace d'interprétation, il parlait de mise en scène de la misère par un déploiement  très étudié de la mendicité dans la ville. Mendicité qui devait servir au financement de la Casa de Misericordia. "Finalement -dit P. Fraile- la stratégie de Giginta était d’organiser un « spectacle », jouant ainsi sur les émotions des spectateurs, pour susciter la charité du public avec le plus d’efficacité possible. Son projet de réforme s’appuyait sur une analyse des horaires et des lieux de mendicité, de même que sur une étude de l’habillement et de la typologie du mendiant, afin d’impressionner le plus possible le public par le spectacle de la misère. De cette sorte, la Casa de Misericordia se manifestait dans la vie quotidienne des citoyens, se plaçant devant leurs portes, de même que dans les églises, les marchés et les lieux les plus fréquentés. A chaque endroit et à chaque moment correspondait donc une figure précise de la mendicité." Et Pedro Fraile d'affiner son analyse sinon de nous communiquer plus précisément  la substantifique moëlle de la pensée du chanoine d'Elne par les propos suivants. "La ville était le lieu qui rendait possible cette représentation d’un drame dont l’objectif était d’éduquer par la commotion que devait provoquer le spectacle de la misère. Pour que tout cela fonctionne, il était indispensable que le spectacle soit omniprésent, en tout lieu et à tout moment, afin que personne ne puisse échapper à cette grande représentation de la misère." (publié in La régulation sociale entre l'acteur et l'institution. Pour une problématique historique de l'interaction", PUQ, 2005. Le texte de l'intervention du sociologue de Lleida se trouve pp 462-483)

*Pedro Fraile était présent au colloque d'Elne.

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