La vie chiche à Cadiz

Dans une de ses lettres François de Fossa donne un aperçu de son train de vie, tout particulièrement chiche, à sa soeur. Il est hébergé depuis de nombreux mois chez un Birotteau qui a un frère et deux soeurs qui vivent à Perpignan. Il est en quelque sorte chez un pays auquel il verse une partie de sa maigre pension de militaire retraité, au retour du Mexique et...en attente d'une place.  François s'est convaincu que son hôte gagnait sur sa nourriture et en fait la démonstration pour éclairer sa correspondante. (Ce fragment de lettre est un document précis sur la vie alimentaire journalière d'une famille modeste, mais non misérable, au tout début du XIX° siècle en Espagne)

"La livre de chocolat divisée en 16. prises lui coute 35. sous (7 réaux): cela fait un peu plus de deux sous chaque prise. Voilà mon déjeuner. A diner on met au pot une livre de viande et bien souvent trois quarts de livre. La viande coute 25 sous: nous sommes à la manger B., sa femme, trois enfants, une servante et moi; en ne comptant que pour un les trois enfants, nous sommes cinq personnes qui mangeons chaque une cinq sous de viande. Les autres ingrédients du pot, comme verdure, pois chiche, et petit salé lui coutent tout au plus 20 sous: j'en mets 25  et cela fait encore 5 s. par personne. Le defsert pour tout le monde lui coute tout au plus de cinq à six sous: voilà notre diner.-Notre souper consiste en un peu de salade crue où il n'entre pas une cuillerée d'huile pour l'afsaisonner; et ordinairement de la salade cuite en sus, quelquefois un ragout de pommes de terre, très rarement un morceau de poifson, et jamais de la viande. Je veux pourtant croire que nous mangeons chacun pour la valeur de dix sols, ce qui est impofsible d'après de que m'ont dit des personnes qui ont vu notre train de vie; et voilà notre souper fini, car nous n'avons point de defsert le soir.-Je mange trois petits pains par jour, qui lui ont couté dans les commencements à raison de deux sols et demi chacun, et qui sont meilleur marché depuis quelques mois. Je bois un doigt de vin après la soupe, même quantité après diner, et tout autant à la fin du souper. Cela ne fait rarement pas un verre de vin par jour, et ne saurait couter au-delà de cinq à six sous. Additionne toutes ces quantités partielles et tu formeras un total de 36 ou 37 sous: mais songe que j'ai fait le compte en gros et que d'après la quantité et la qualité de nos mets je jurerais sans scrupule que je ne mange pas au dela de 30 sous: Quant au charbon tu sais bien qu'on n'en dépense pas plus pour quatre personnes que pour cinq! Et quand tu voudrais ajouter cette dépense, je sais qu'elle est pour toute le monde de moins de dix sols par jour."

Lettre de Cadiz du 24 mars 1807

xxx