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Met Barran
21 juillet 2014

Rutebeuf, Massé et clopinettes

Depuis le temps, depuis que tant de gens aux aguets et twitters au bout des doigts tirent le signal d'alarme...et personne ne réagit. Serait-ce que l'alarme est inaudible parce que défectueuse ? Serait-ce que nous sommes tous, nos vies bouffées par nos fictions sur ordonnance,  devenus sourds et que les appareillages sonotones que l'on nous vend ne valent pas tripette? Pendant ce temps, les voyous l'emportent sur les sages et des pluies rocailleuses font saigner plaines et coteaux. Le signal d'alarme le réparera-t-on à temps et nos oreilles seront "réparées" à temps?

xxx

Un prénom, un pseudo, un sobriquet

Rutebeuf

Rustebuef

Rustebués

Rudebués

et...ce n'est pas fini,

comme on le dit à la télé.

Rude et boeuf

Rudèce

Rude oeuvre,

et alors, s'éverva-t-il?

Un nom, une signature sûre, c'est bien

mais une oeuvre, une belle oeuvre, c'est mieux!

La sienne, toujours nécessaire, qui secoue,

"QUI TANT ESTES GRANT VIANDIER,
QUI FAITES DIEU DE VOSTRE PANCE."

On n'a pas fini

de la lire et de la relire,

dans la langue vivante d'hier aujourd'hui étrangère,

dans la langue vivante d'aujourd'hui de timbre et écho différents.

On n'en a pas fini

parce qu'il y a

la complainte mélancolique

de Léo Ferré,

"ce sont amis que vent emporte

et il ventait devant ma porte"

et, surtout,

parce que cette nous prévient,

nous les impatients,

"N'EST PAS TOUT OR QUANQUE RELUIT",

et nous les séduisants,

"QUI BARAT QUIERT, BARAZ LI VIENT"

-ce qui, traduit d'un premier français en un français plus nouveau,

signifie

"qui cherche à tromper récolte la tromperie".

Amis, je vous laisse à vos cigalons plagistes,

et je retourne à l'année RUTEBEUF.

xxx

Écrire, me dit-il avec un fort accent de terroir, est pour moi une façon de me camoufler, je veux dire, de cacher ma parole, ma voix, mon accent. Écrire, pour moi, c'est tenter une cure de purisme, de me faire central, d'oublier mes périphéries sonores. Celui qui écrit, et le nerf comme la couleur de son style, ne le contredisent pas, est plus lisse, moins chaotique et poussiéreux que celui qui parle, même quand ce dernier a appris à faire le singe ou le perroquet savant.

xxx

Je conçois mon poème comme une fourmilière, si  mauvais architecte je n'y parviens pas, je le déchire en pièces menues, comme il m'arrive de disperser d'un coup de talon vengeur une fourmilière exemplaire.

xxx

Ta phrase poussive, ou bien tu lui donnes aussitôt à boire un demi seau d'eau fraîche pour une reprise de collier, ou bien tu la ramènes cahin caha à l'écurie où tu la prives de vert fourrage pour bien lui montrer que c'est toi, mon beau, qui tient les brides et non elle, l'indomptable, qui ne fait que ce qui lui traverse la tête pour t'embêter, mais oui pour nuire à ta carrière et à tes lauriers. Elle doit être de mèche avec quelqu'autre phraseur.

xxx

C'était un grand sportif, je veux dire qu'il poursuivait avec plus de succès un lièvre qui venait de détaler devant lui qu'une idée qui s'envolait de son imagination.

xxx

Quelqu'un d'aphone passe rarement pour une personne muette. Il y a toujours un ou deux gestes qui le trahissent, la nostalgie d'un tic.

xxx

" E sai ben far de galh capo" dit le troubadour occitan. Prouvez-le, lui crie Michel D. depuis son rouge divan mais qui se moque des anciennes langues de civilisations. Et le troubadour, qui le sait, ne lui répondit pas.

xxx

L'écrivain Ludovic Massé (1900-1982) avait une juste connaissance de la langue français qu'il servit par une série de romans étincelants d'écriture et d'observation humaine. A le relire, on relève parfois des mots soit que nous avions trouvés comme allant- de- soi, soit que nous n'avions pas vu, lors d'une première lecture. Cette fois-ci, disons trente ou quarante ans après, notre oeil les coche comme rareté, perle rare, paillette baroque. Nous pensons au mot "ruette" que notre auteur utilise plusieurs fois dans "La flamme sauvage", titre qui vient d'être réédité par Encrage. "Ruette" plutôt que "ruelle". "Ruelle" peut sembler plus spontané, mais ne se pressa pas au bout de la plume au moment de la rédaction. Massé balança-t-il un instant entre les deux termes? Malgré le timbre poétique que recèle"ruelle", celui de"ruette", terme apparemment moins usité, tinte à notre sens d'une sonorité plus rare, plus personnelle et  hypocoristique. Massé est épris de la langue française, il a le goût des mots justes sans préciosité, il en recherche les subtiles saveurs. Sans doute, ne rejette-t-il pas "ruelle", mais il l'éloigne, préférant blottir, contre son coeur, cet alter ego "ruette" par ce que moins galvaudé et d'allure moins citadine, et parcequ'il lui permet de "fixer" une couleur plus rurale et villageoise (le roman est situé au coeur de la micro-région roussillonnaise des Aspres, dans l'avant seconde guerre mondiale) et de lui insuffler un air du parler local, le catalan, que connaît l'auteur (il l'entend autour de lui et le parle sans l'écrire) et qui, pensons-nous le rattache à l'intimité du vocable "carrerou" "ou carrer pitit" (la petite rue). Ce mot "ruette" nous a touché, plu et fait gamberger jusqu'à un forum.futura-sciences.com qui livre quelques  réflexions sur lui en s'appuyant sur un ouvrage de Stéphane Gendron, La toponymie des voies romaines et médiévales, les mots des routes anciennes.(Edition errance, Paris 2006).

P. SEUDO & CO

xxx

 

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