Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Met Barran
23 octobre 2014

François de Fossa et fleurs de lys

Il y a juste deux cents ans, voici ce qu'écrivait François de Fossa (1775-1849), rentré en France après le retrait des troupes de Napoléon et les "afrancesados". Il n'a pas encore trouvé d'emploi malgré les recommandations, les audiences et les promesses. Il n'est pas encore très sûr de ce qu'il va pouvoir faire. Et se montre attentif à la moindre opportunité à son avantage qui pourrait s'offrir. Fidèle a sa passion épistolaire et à sa "passion" pour sa soeur qu'il n'oublie d'informer de rien de ce qui le touche, il correspond de plus belle avec sa soeur, Thérèse Campagne, à Perpignan. Des lettres précieuses qui renseignent sur énormément de choses et par exemple sur des figures perpignanaises à Paris, ou faisant le voyage Paris Perpignan, Perpignan Paris.  (Voici lettres datées, dont les originaux se trouvent à Perpignan, aux Archives départementales des Pyrénées-Orientales.).

21 8bre 1814

     "Je commence, ma bonne amie, par relever une erreur de ton n) 56; tu me dis de voir souvent la tante du ministre, tu crois donc que j'ai été présenté à cette dame; or tu sauras que je ne la connais pas. M. ferriol ne lui parla pas même en personne, ce fut par l'entremise de M. folmont qu'une note de moi lui fut remise, et ce fut encore par celui-ci que nous sûmes que la tante avait remis la note à son neveu et lui avait parlé en ma faveur; le tout avec un air de mystère et d'importance dont il n'est pas pofsible en Province de se faire une idée. Je témoignai beaucoup de désir de remercier cette Dame mais on me fit tant de difficultés pour parvenir jusqu'à elle que je commençai à m'imaginer que sa recommandation était un être de raison; il est afsez commun à Paris de faire croire aux gens qu'on leur a rendu service pour s'en débarrafser honnêtement.

      Je suis très surpris que Gavilanes ne m'ait pas reconnu à mon portrait; il est vrai que le changement de costume peut y avoir influé.

      Comme je sais que M. le  Cher de Fontanes a dit chez Mme Tardieu qu'il trouvait très extraordinaire, ainsi que M.le Duc de Berri, que l'on fit tant de demandes pour le fleur de lys, et que ce ne fufsent pas ceux qui la désirent qui la fifsent eux-mêmes, j'ai demandé par une autre voie celles pour les deux Vicens et pour Costet. Ce dernier devrait l'avoir; il a appartenu au bataillon de St Laurent de Cerdans, et l'ancien commandant Noëll est autorisé à la donner à tous ceux qui servaient dans ce corps.

      M. de fontanes est effectivement le fils de l'ancien major de la Citadelle.

      Rappelle-toi toujours ma bonne amie, que sans des protections bien décidées on ne réussit pas. On doit s'attendre, lorsqu'on sollicite, à un non plutôt qu'à un oui; une réponse négative ne désespère jamais quelqu'un qui connait les Cours; et il se tourne d'un autre côté, et voilà tout.

      Je crains bien que les réfugiés espagnols ne rentrent que très tard dans leur patrie et surtout dans la pofsefsion de leurs biens. Le grand Turc n'est pas plus despote que Ferdinand; celui-ci ne reconnaît d'autre loi que son caprice; l'autre a au moins un Divan qu'il respecte et qui entrave un peu ses actes arbitraires. Les Ministres espagnols, tout en ramenant ce malheureux pays à l'ignorance du moyen âge, ignorent l'art de gouverner; ils n'ont pas le sou, et leur avidité, ainsi que leur défaut de délicatesse leur fera faire main bafse sur les biens de ceux qui se sont comportés mieux qu'eux, quoique d'un parti différent.

      Adieu; je ne suis pas plus long parce que j'ai entre les mains un travail pour mon digne chef. Quelle modération dans les principes chez cet homme impafsible! Je ne suis pas comme lui: j'appelle un chat un chat & Rollet un fripon.

Le 23

      Je rouvre ma lettre parcequ'on a oublié de la mettre au courier avant-hier. J'ai reçu ton n° 57. Les brevets du lys que je t'ai envoyés sont tellement en règle, que c'est M. de fontanes lui-même qui les a remplis de sa main. Tu remarqueras qu'ils portent sa signature & non pas une gryphe. Le numéro n'y fait absolument rien; la plupart de ceux que j'ai vus, tous ceux qui étaient signés à la main, n'en portaient pas.

      Nous n'avons plus rien à faire avec Picard; il est décidé à partir avec un congé qu'il espère lui être prolongé d'une manière indéfinie et il s'attend aufsi que dans quelques mois on lui afsignera une pension  de la moitié de ses appointements. Je sais bien qu'il se trompe; mais il n'est pas facile de convaincre un animal de cette trempe, car il est bête plus qu'il n'est permis à un homme de l'être. La pension que je lui ferais me deviendrait bien moins à charge si j'obtenais par la suite un emploi plus lucratif.

     Les militaires espagnols jouifsent, non pas de la moitié de leur solde, mais du traitement de prisonniers, ce qui est un peu différent; il parait que le Gouvernement va s'occupet des employés civils; un chef de Division du Ministère des affaires étrangères a fait demander hier au soir à M. le Duc une personne de confiance sachant bien les deux langues, et au fait de la chose, pour les aider dans ce travail moyennant une gratification qu'on lui donnera. Je vais dans deux heures m'y présenter, et si je suis agréé, me voilà une occupation pour quelque tems! Je vais être présenté par M. le Duc lui-même . Adieu"

Le 30 8 bre 1814

     M evoilà, ma bonne amie, depuis huit jours travaillant au Ministère des affaires étrangères, extrêmement charmé de cette occupation temporaire qui me prend à peu près tout mon tems, non pas tant par la gratification qui doit être le prix de mon travail que par la manière dont j'espère qu'il influera sur le sort des réfugiés en général. Je suis malheureux en tout; il fait maintenant un tems affreux, et je suis obligé de faire près de deux lieues par jour dans la crotte pour aller et venir de chez moi au Ministère; mais enfin je travaille et je suis dans mon centre.

     Je n'ai point vu de lettre de M. ferriol et si on n'a pas l'intention de faire quelque chose pour moi on ne me l'enverra pas.

    Chiquet jaume m'a écrit. Je lui répondrai le courier prochain ainsi qu'à mon ami Comte.

    Je m'occuperai incefsamment de la liste de ton confefseur, mais je désirerais que tu ne te chargeafses plus de ces commissions-là. J'ai besoin pour les faire, n'étant pas en relation immédiate avec ceux qui distribuent des fleurs de lys, d'employer des aboutifsants que je voudrais ménager pour quelquechose de mieux.

     Je verrai M. Mejanez.

     On nous parle d'un pardon général en Espagne; je ne sais encore s'il faut y ajouter foi.

     Mlle Tardieu est arrivée. (la phrase suivante a été embrouillée, ce n'est sans doute pas par François de Fossa)

     Legendre est fou de me demander une liste de tous les vendeurs de liège à paris; il n'y a presque pas de boutique où on ne vende des semelles.

     Je ne verrai M. Verges que dans le cas que le tems change un peu; car je ne puis aller dez lui qu'après 7 heures du soir et il est impofsible de courir les rues à cette heure là par le tems qu'il fait.

     Ce M. Canclaux restera donc toute sa vie en route!

     Je suis charmé du rétablissement de Marigo. Je répète que je ne puis croire que toutes ses bonnes intentions à notre égard puifsent se réaliser.

      Je n'ai plus vu l'animal de Picard; puisqu'il fait des façons pour se décider je n'ai plus rien à démêler avec lui.

      Adieu; je n'ai pas le tems d'être plus long. Embrasse pour moi Campagne & tes enfants.

xxx

     

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Met Barran
Publicité
Archives
Publicité