Fossa: Ecuyer... sans particule

Rentré en France après l'expédition des Cent Mille Fils de St Louis, le chef de bataillon François de Fossa s'est mis en tête de se faire reconnaître comme "écuyer" et d'avoir le droit de faire précéder son patronyme de la particule "de". Tentation ou récupération nobiliaire. Voici ce qu'il écrit de Paris  le 9 octobre 1826 à S. Exc. Monsieur le Marquis de Clermont-Tonnerre, Pair de France et secrétaire d'Etat au département de la guerre.

"Profondément blessé d'une suppression (note: la particule "de" effacée devant son nom) qui tendrait à me faire regarder comme un imposteur, c'est mon honneur compromis que je mets sous la sauvegarde de votre excellence".

Par cette lettre, il forme une demande " a effet d'être reconnu comme étant en possession de la noblesse et d'être dénommé dans le certificat ad hoc qui...serait d'écrire "de fossa" ainsi que son père et lui se sont appelés, ainsi, depuis 1786, époque de l'anoblissement du premier, ayant toujours pensé l'un et l'autre que la qualité de noble donnait droit à faire précéder son nom de la particule de".

François de Fossa père (1725/6-1789) avait été le premier en 1760 a prononcer l'éloge du Roi. C'était le plus ancien des professeurs de droit de l'Université de Perpignan. Il était considéré comme «l'oracle du barreau perpignanais” (V. Aragon).  Louis XVI l'avait anobli par lettres données à Versailles en décembre 1786. Quelques jours auparavant, le 22 novembre, son épouse Thérèse Fossa de Beauregard venait de s'éteindre. Leur fille Thérèse avait 18 ans et leur fils  François avait 11 ans.

On ne sait pas précisément à quelle date, il a engagé ses démarches? Il semble que ce soit avant son mariage, fin 1825. Mais nul doute que son nouvel état ne l'ait persuadé de les soutenir jusqu'à satisfaction. Du moins l'espère-t-il.  Dans un fragment de lettre, "Paris le cinq août 1826", "François de Paule Jacques Raymond de Fossa" fait mention "d'une autre expédition du même acte de naissance qui se trouve en ce moment, avec les lettres de noblesse originales et autres pièces à la Commission du Sceau où le Soussigné, Chef de Bataillon au 23e Régt de ligne, les a fait présenter par M. de Laumoy, Référendaire, à l'effet d'impétrer une décision qui constate sa qualité."

Voici l'acte de baptême de François.

"Le trente unième août de mil sept cent soixante quinze, Nous soussigné Curé hebdomadier de l'Eglise Majeure et Paroissiale de St Jean Baptiste de cette ville de Perpignan, avons baptisé selon rit et forme de notre Sainte Mère Eglise Catholique Apostolique et Romaine, François de Paule, Jacques, Raymond né le susdit jour, fils légitime et naturel de Mr François Fossa avocat en la cour, Professeur en la faculté de Droit, et de Dame Thérèse Beauregard, son épouse; ont été parreins le Sr Jacques Beauregard, chirurgien Major de l'hopital militaire de Collioure et la demoiselle Marie Thérèse Fossa qui n'a su signer. Le parrein et le père du baptisé ont signé, de ce par nous requis. En foi de ce ont signé à la minute Fossa, Beauregard, Jean Rossell, Prêtre & curé hebdomadier de St Jean."

Il est manifeste et logique que la particule n'apparaît pas puisque l'annoblissement est postérieur, il est de 1786

Parmi les pièces évoquées, figure une attestation émanant du maire de Perpignan, en date du 3 avril 1824.

"Nous, Maire de la Ville de Perpignan, encien Magistrat, chevalier de la Légion d'honneur, Certifions à qui il appartiendra qu'il est de notoriété publique et à notre connaissance particulière que postérieurement à la naissance de François de Paule, Jacques, Raymond, son père obtint de Sa Majesté Louis XVI, pour prix de ses travaux littéraires, des lettres de noblesse et le cordon de St Michel, et qu'à l'époque des États-Généraux M. De Fossa père concourut aux assemblées de la Noblesse. Fait à Perpignan à l'hôtel de la Mairie le 3 avril 1824."

Ici la particule est bien donnée.

(Le maire de l'époque est le Baron Joseph-Etienne Xavier Després (1753-1834). Elu maire en octobre 1818, il le resta durant huit ans jusqu'en mars 1827. Nommé maire et fait baron par Louis XVIII, il démissionna sous Charles X.)

Il ne suffisait pas à François de Fossa de mettre la bague au doigt de la strasbourgeoise Sophie Vautrin, il lui fallait lui offrir également la particule. Peut-être envisageait-il d'en faire son premier cadeau d'anniversaire de mariage ou de baptême de leur premier enfant, Victor, né fin 1826.

Fossa va-t-il gagner la bataille administrative de la particule?  C'est la Commission du Sceau qui prend sa décision en la matière et, ensuite,en donne avis à M. le Marquis de Clermont-Tonnerre. Elle le fit dans les termes suivants.

"La décision porte sur le premier point: que cet officier supérieur est effectivement fondé à prendre la qualité d'Ecuyer; et sur le second: que le droit de prendre la particule de n'existe pas, attendu qu'elle n'est nullement inhérente à la noblesse et qu'elle n'est point mentionnée sur les actes de naissance produits" (Signature illisible)

Demi-victoire, par conséquent.. La qualité d'Ecuyer ("sait-on que le premier Bourgeois de Perpignan qui ait osé s'arroger cette qualité, qu'il n'avait pas le droit de prendre" s'appelle... Hyacinthe Rigaud?) est confirmée. Un Gentilhomme, mais sans "de". (Toutefois son fils aîné Victor se fera appeler Victor de Fossa de Beauregard!)

Le 30 mai 1827, François (de) Fossa demandera à son colonel le Comte de Montboissier de pouvoir permuter les fonctions de chef de bataillon avec celles de major qui lui conviendraient mieux. Le colonel soutient la demande de son subalterne. Le Ministre accorde la permutation le 21 juillet de la même année.

Ces années où il redore, en quelque sorte, son blason, années heureuses tant sur le plan personnel (il se marie, il devient père) que sur le plan militaire, coïncident avec une période de  forte fécondité musicale, si l'on en croit les dates d'édition des pages conservées de lui. François n'a pas oublié sa passion pour la musique, comme compositeur et comme interprète de guitare.

xxx.