Mort-aux-rats chantée

A-t-il pu exister une époque et une vie de société sans coup de griffes? N'en ayez crainte, il n'y en a eu aucune. La seule distinction qui puisse se remarquer est la pointe plus ou moins acérée et la cicatrice que laisse le coup de griffes. Ainsi parcourant, désoeuvrement oblige, les grandes bibliothèques de l'Internet, je suis tombé sur "Lutèce: lettres sur la vie politique, artistique et sociale de la France Henrich Heine, Lettre XXVI, Paris, 6 janvier 1841," et  p. 153, je vous donne la référence non tronquée pour montrer que je suis, n'en doutez pas, avisé, et pour inviter quiconque  soupçonneux à vérifier par lui-même dans sa propre bibliothèque, virtuelle ou pas. Le nom de Heine ne m'était pas étranger ("Romancero"), et cet écrivain m'a accompagné plus d'une fois, en vers comme en prose. De cet Orfila (1787-1853), dont il rabat, vous verrez le caquet, j'ignorais tout, qu'il sera médecin et l'inventeur, peut-on dire et on l'a dit avec plus de vénération que de mépris, l'inventeur de la toxicologie, qu'il fut étudiant à Paris, loin venu des Baléares, chanteur, épris puis époux d'une certaine Gabrielle Lesueur (1793-1864), fille d'un notoire sculpteur du même nom, et qu'ils ouvrirent  salon dans le Paris des romantiques. Mathieu était le prénom de cet Orfila (qui a des rues un peu dans toutes les villes de France). Orfila et sa fiancée, puis Mme Orfila à partir de 1815, chantaient. Présent à l'une de ces soirées artistico-mondaines, Heine fut le témoin auriculaire d'un de leurs tours de chant avec accompagnement de piano -très prisés dans les intérieurs d'une bourgeoisie collet monté et d'une aristocratie continuant de papillonner. Heine n'en eut sans doute pas pour son attente, et ne goûta guère - ce qui lui épargna d'appaludir- le filet de voix de Monsieur, exécuté comme suit: "M. Orfila chevrote de nouveau des romances les plus impitoyables, de la mort-aux-rats chantée. Après la musique, on présente de l'eau sucrée tiède et des glaces salées et l'on danse."

Lulu attendant Lili

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