Et chacun y est allé
Et chacun y est allé
avec ses yeux plus ou moins
mouillés,
nous ne pleurons pas tous
les mêmes larmes,
et chacun y est allé
avec son coeur plus ou moins
abîmé,
car, au coeur, tous et toutes
avaient frappés,
et chacun y est allé
avec ses silences
entendus,
les griffes des mots
rentrées,
les colères des poings
bridées,
et chacun y est allé,
enfants, parents,
grands-parents,
de mémoire et d'espoir,
le front de chacun
et de chacune
digne, à la bonne hauteur
d'amitié résistante,
les joues gonflées de désirs de vie,
les regards exempts de haine,
et chacun a marché,
et tous ont marché,
des centaines, des milliers,
petits pas à petits pas,
"Je suis Charlie",
et l'empreinte disait
solidarité, et l'écho
lui répondait liberté
et un peuple inouï
s'était fait fleuve
et fraternisait ,
fraternité joyeuse des crayons,
dans le crépitement des mains,
sans psaumes ni versets
ni anathèmes,
et ce peuple fleuve,
coulait sans outrances ni marées,
entre rangées bien étonnées
de maisons et d'arbres,
et ce peuple,
fleuve enfin éveillé,
enfin à l'empathie rendu,
cadençait son flux aux
reliefs pentus de la ville,
et ce fleuve peuple,
avait les couleurs d'un
magistral NON collectif
AUX INSUPPORTABLES TRAGÉDIES
et les senteurs d'une
bonté nouvelle
SANS VIES ET LIBERTÉS ABATTUES.
SANS TACHES DE SANG.
xxx