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Met Barran
13 mars 2015

1815: François de Fossa a 40 ans et il est à Paris.

(...) Après l'abdication , le 6 avril 1814, de Napoléon, François de Fossa (1775-1849) se considérant, alors, plutôt comme un "réfugié espagnol", ne fait pas immédiatement le pas vers Louis XVIII. Sans doute espère-t-il  alors revenir en Espagne avec son protecteur Miguel Joseph d'Azanza Duc de Santa Fé dans l'hypothèse d'une amnistie par Ferdinand VII. Mais  la situation politique n'évolua pas dans le sens souhaité. Et à une situation politique instable s'ajoutent des difficultés économiques. Le besoin d'un emploi va se faire de plus en pressant. 

Le 20 avril, Napoléon quitte l'île d'Elbe. Le Ier mars, Napoléon débarque à Juan les Pins.

Confronté à l'incertitude et à la précarité, Fossa qui vit à Paris depuis décembre 1813 s'est fait plus pragmatique, plus opportuniste. Ainsi le voit-on offrir -par une lettre adressée le 7 mars au Ministre de la Guerre- "au Roi ses services dans les momens présens".  (Fossa habite alors “rue de la Victoire N° 50”)

Au Roi/ Sire. “François de Fossa, Gentihomme Emigré, Premier Aide-major d'Infanterie par brevet de la Junte Espagnole représentant Ferdinand VII,1 a l'honneur de présenter à Votre Majesté son extrait de baptême, état de services et pièces justificatives. Privé par la perte de tous ses biens, vendus en France par suite de son émigration, de tout moyen d'existence, et brûlant de zèle d'employer au service de Votre Majesté le reste d'une vie qu'il lui avait consacrée dès son enfance

Il supplie humblement Votre Majesté de vouloir bien, pour prix de ses services, ordonner qu'il soit porté, avec le même grade, sur le tableau de l'armée.

Daignez encore, Sire, agréer l'hommage du très-profond respect avec lequel il a l'honneur d'être De Votre Majesté Le plus dévoué, le plus obéissant et le plus fidelle sujet. François de Fossa.”

Ce seul plaidoyer est-il suffisant pour que sa S.M. daigne poser un regard bienveillant sur sa requête? Il ne le semble pas. Fossa se voit contraint à réitérer son offre dans une nouvelle lettre:

Sire, François de Fossa, gentihomme Emigré professant la religion Catholique, Apostolique, Romaine a l'honneur de présenter ci-joint à Votre Majesté son extrait de baptême, état de services et pièces justificatives qui prouvent qu'il est entré au service en 1793, en Roussillon, dans une compagnie composée d'anciens Officiers ou de Gentilhommes français, qui faisait partie d'un Corps d'Emigrés formés, d'après vos ordres, à cette époque, par M. Le Comte de Pannetier, pour coopérer au rétablissement de la Dynastie légitime en France. La paix de Bâle étant malheureusement venue ajourner l'exécution de ce noble projet, il resta au service du Prince de Votre Auguste Famille qui occupait le trône de l'Espagne, et il était parvenu au grade de Premier Aide-major d'infanterie lorsqu'il fut fait prisonnier en 1810. Privé par suite de son émigration de tout ce qu'il possédait en France, il ne saurait se plaindre des nombreux sacrifices qu'il a faits, puisque le but vers lequel ils se dirigeaient est atteint par l'heureux retour de Votre Majesté. Il se flatte Sire, que ses services à Votre auguste maison le rendent digne de vos bontés.

Il supplie donc humblement Votre Majesté de daigner lui accorder la croix de St Louis comme une récompense honorable de ses services; et il ne cessera de faire des voeux pour la conservation de vos jours, si chers au peuple dont Votre Majesté est le père, si nécessaires au bonheur de vos enfants.

C'est avec ces sentiments qu'il ose se dire Sire De Votre Majesté Le très-dévoué et très-fidelle sujet François de Fossa”.

Cette deuxième lettre paraît bien plus explicite. Il s'y présente comme Catholique. Il y souligne l'importance de tous ses services et ses sacrifices. Autant de choses, qui, dans son esprit, mériteraient une marque de  reconnaissance. S. M.  continue-t-elle à faire la sourde oreille ou a-t-elle des questions bien plus urgentes à traiter? La réponse, en tout cas, tarde. Fossa, lui, ne se décourage pas, il reprend sa cour. Cette fois-ci, prenant prétexte de la grande menace l'insécurité politique (Napoléon est en marche), il s'adresse au ministre de la Guerre.

 

"Le bruit public, confirmé par les deux ordonnances publiées dans le Moniteur de ce jour, m'apprend que la tranquillité de la France est menacée. C'est un devoir pour tout bon Français de se rallier autour du trône. Il a été décidé le 18 février dernier par la commission chargée de vérifier et constater les services des anciens officiers, que je serais porté pour la croix de St Louis et pour le brevet de Capitaine. Mais aujourd'hui ce ne sont point des grades ni des honneurs que je sollicite. J'ai encore deux bras que je puis employer à défendre ma patrie et mon souverain; et cette lettre n'a point d'autre but que de les offrir au Roi par l'organe de votre excellence, dans quelque grade que Sa Majesté daigne m'admettre à son service/ En, attendant que Votre Excellence veuille bien me communiquer ses ordres, j'ai l'honneur d'être avec le plus profond respect".

 

La soumission de Fossa à Louis XVIII est aussi claire que l'eau de roche. Mais, de fait, que fait-il ? sinon de se rappeler au bon souvenir de la famille Bourbon. Sa cour épistolaire  finit par tourner à son avantage, voici ce que l'on peut lire sur un document (postérieur à cette date)

 

Le Lieutenant Général Chef de la 2 Division certifie qu'il résulte du procès verbal des séances de la Commission créée, par ordonnance Royale du 31 mai 1814, pour l'examen des services de MM les anciens Officiers, le dit procès verbal en datte du 17 février 1815, que M. De Fossa (François) porté sur le 22e tableau n° 36 a été jugé susceptible d'obtenir le grade de Capitaine pour prendre rang du 20 avril 1804, et qu'il a été reconnu avoir dans ce grade dix ans six mois sept jours de service y compris quatre campagnes, et huit mois vingt huit jours de séjour aux colonies. Fait à Paris le 16 septembre 1815. Signé Bon d'hastrel” 

Et voici, notre gentilhomme émigré revenu au pays, captitaine au service de Louis XVIII sous l'uniforme d'un Volontaire Royal de Vincennes“. Il le gardera "du 9 au 20 mars 1815”. Un certificat, donné le 5 octobre 1815 et signé par le Colonel Commandant les Volontaires Royaux à Charenton, le Marquis  Joseph Payan de L'Estang,  atteste qu"il servit “dans les Volontaires royaux de Vincennes en qualité de Volontaire de la Compagnie du 4 Bataillon organisé par M le Comte de Vioménil, Lieutenant Général des armées du Roi et qu'il est resté à son poste jusqu'au 20 mars au soir, époque du licenciement dudit bataillon par M. le Marquis de Puyvert, Commandant la Forteresse".  

Nous sommes pour l'heure le 9 mars 1815,  François adresse un courrier à Monsieur le Chevalier de Foucauld, major du Génie.

“Monsieur/ Vous avez eu la complaisance de m'annoncer le 18 février que j'étais porté pour la croix de St Louis et le brevet de Capitaine. Je m'imagine que depuis lors je dois être passé au ministère de la guerre, et que le moment est arrivé de retirer les pièces originales jointes à ma pétition (n° 13774). Veuillez avoir la bonté de les faire tenir à mon adresse, ou m'indiquer le jour & l'heure que je pourrai me présenter dans vos bureaux pour les retirer moi-même. Quoique sans recommandation auprès de vous, et sans autre titre que celui que donnent le bon droit et le malheur, je m'enhardis à vous prier, Monsieur, de vouloir bien me faire connaître le numéro et le tableau sur lequel je suis porté, tant pour la croix de St Louis que pour le brevet de capitaine. Cette condescendance de votre part serait le complément de vos bontés; elle me mettrait à même de me faire expédier avec moins de lenteur au ministère de la guerre, et obtenir enfin, pour prix de tant d'années de services et de malheurs dans une patrie où je ne possède plus rien, une existence honorable vers laquelle vous avez bien voulu me frayer la route en contribuant à la décision favorable de la Commission à mon égard. Cependant je ne me permettrai point d'insister sur cette demande, pour peu qu'elle vous semble indiscrette. Je ne vous en serai pas moins reconnaissant pour l'accueil gracieux que j'ai obtenu de vous toutes les fois que je me suis présenté, et je n'en ajouterai pas moins les sentiments d'une sincère gratitude à ceux de la profonde estime et de la considération respectueuse avec laquelle j'ai l'honneur d'être / Votre très-humble et très-obéissant Serviteur F. De Fossa (et en parenthèse en plus petit fois de paul, jacq raymond). 

Toujours de Paris, mais cette fois-ci le 15 mars 1815 (c'est-à-dire cinq jours avant le départ de Louis XVIII), Fossa rédige la lettre suivante à l'intention de “Monsieur le Chevalier de Foucauld”

 “Monsieur/ J'ai reçu hier au soir les pièces originales que j'avais présentées à la commission, et j'ai été surpris d'y trouver également mes deux pétitions. C'est peut-être un effet d'inadvertance de la part de celui que vous avez chargé de me faire cet envoi; et comme ces pétitions me sont inutiles, et que d'ailleurs je crois qu'elles doivent rester dans vos bureaux, je m'empresse de vous les renvoyer pour que vous en fassiez l'usage que vous jugerez convenable.

Je vous remercie, Monsieur, d'avoir bien voulu me faire tenir les autres pièces; je suis enchanté de pouvoir les emporter avec moi partout où je pourrai être envoyé par M. Le Ministre de la Guerre, que j'ai prié depuis le 7 courant d'offrir mes services au Roi dans quelque grade que Sa Majesté veuille m'admettre à son service.

Agréez, Monsieur, les nouvelles assurances de la profonde estime & de la considération respectueuse avec laquelle j'ai l'honneur d'être Votre très-humble et très obéissant Serviteur. F. De Fossa.”

Une autre actualité s'impose.  Le débarquement de Napoléon a été annoncé, confirmé, commenté. Il avance. Son retour dans la capitale se précise, dans la capitale on se précipte. Le 20 mars Louis XVIII s'exile. Fin de la Première Restauration et  début des Cent Jours: période s'étend  retour de Napoléon de l'île d'Elbe (20 mars 1815) à sa seconde abdication (22 juin 1815)-. Le 18 juin, Wellington et Blücher ont remporté la bataille de Waterloo contre Napoléon. N'ayant jamais eu en adoration l'Empereur, Fossa n'avait nullement épousé lla nécessité de se rallier à lui avec les courbettes d'un grand ministre de l'ex roi Joseph Ier, à Madrid. Le 8 juillet, Louis XVIII et inaugure la Seconde Restauration. Une période dont le nouveau capitaine François de Fossa  n'aura pas (trop) à se plaindre.

 

Louis XVIII ayant retrouvé sceptre et trône, Fossa se voit admis "au service de la France" avec un brevet de “capitaine d'infanterie”.  Il sera d'abord capitaine en disponibilité et, dans une deuxième temps, capitaine en activité. Le 25 septembre 1815,  il se voit remettre la Croix de l'Ordre de Saint-Louis. François vient d'avoir quarante ans.Il est toujours garçon et habite “rue St Hyacinthe-St Honoré n°4”. Le passage de la disponibilité à l'activité va traîne des talons. C'est pourquoi le 4 novembre Fossa envoie à “Mgr le Duc de Feltre, Ministre de la Guerre” la suivante supplique qui montre bien que notre "gentilhomme" n'est pas sorti d'affaire en matière d'emploi.  "Ne possédant plus rien en France, où tous mes biens ont été vendus par suite de mon émigration, je n'ai, pour subister, d'autre ressource que les appointements que la bonté du Roi daignera m'accorder avant que j'obtienne d'être employé activement dans un corps, comme je ne cesse de le demander".

N'ayant obtenu aucune réponse, sept jours plus tard, le 11 novembre, 1815, il réécrit au Ministre.

"Après avoir passé presque toute ma vie au service de l'auguste maison des Bourbons en Espagne, lorsque le noble but auquel j'ai sacrifié ma fortune en France fut atteint l'année dernière par les souverains alliés, je m'empressai d'offrir au Roi mes services par l'organe de la Commission qui me jugea susceptible de la croix de St Louis et du grade de Capitaine...."??? à des émigrés, anciens et dévoués serviteurs qui, après avoir tout sacrifié à la cause de leur souverain légitime, ont constamment servi les Princes de son illustre famille, et qui, rentrés dans une Patrie où ils ne possèdent plus rien que le souvenir d'avoir toujours leur devoir, seraient condamnés à y mourir de faim si on leur refusait le solde d'un grade qu'ils ont acheté au prix de leur dévouement, de leur sang et de leur fortune."  Certifié par le Colonel Auguste de Juigné  qui “ propose F. De Fossa, officier émigré pour occuper un emploi de Capitaine dans la Légion de Seine et Oise. M. De Fossa a déjà été nommé à un emploi de son grade dans la Légion de l'Allier. Il demande aujourd'hui a être employé sous les ordres de M. Le Comte de Juigné de qui il est avantageusement connu”.

 

 

 

Dans un rapport particulier, daté du 25 novembre et présenté par le colonel de la Légion en Seine et Oise pour faire partie de la dite légion en qualité de Capitaine, on peut lire (à la suite des données d'identité, services et campagnes) cette appréciation sur Fossa"bon officier; moralité: sentiments distingués, principes: surs et confiants, fortune: anéantie par l'émigration; non marié, physique: tournure militaire, taille moyenne." C'est là, en quelque sorte, sa première fiche militaire française.  

Militaire, soit. Il espère toutefois que ses désirs et démarches pour obtenir Légion de l'Oise vont être couronnés de succès. 

 

Le 10 décembre 1815, François  de Fossa écrit à M. de Frêne, chef de bataillon de l'Infanterie, pour en obtenir "un certificat qui atteste que moyennant les pièces déposées au bureau de l'infanterie (il a) des droits à la solde de non activité jusqu'à ce qu'il soit employé". 

 

Sa mise en disponibilité  s'achève le 12 janvier 1816.  En marge d'un rapport fait au ministère en date du Ier février 1816 on peut lire et comme réponse à sa demande de Légion de l'Oise "le laisser où il est". Il ne recevra officiellement la réponse du ministère que le 21 mars 1816. Déçu, il va devoir rejoindre la Légion de l'Allier à laquelle  il avait été, initialement, affecté. La Légion de l'Allier se trouve à Moulins, en Auvergne. Il est capitaine en activité à la Légion de l'Allier, devenue depuis 13 janvier 1816, le Régiment 3ème de LigneC'est donc à Moulins, où il arrive le 31 avril 1816. que va commencer la carrière militaire hexagonale de François Fossa, capitaine d'infanterie.

Fossa aura vécu à Paris de décembre 1813 à avril 1816 pendant dix sept mois. La correspondance entretenue avec sa soeur Thérèse Campagne Fossa ne nous dit pas grand chose sur sa vie musicale à Paris. Toutefois peut-on imaginer, ce compositeur et joueur de guitare n'ait eu aucune relation avec des milieux de la capitale intéressés par la musique: luthiers, éditeurs, marchands de partitions, journaux, et endroits où l'on écoute et joue de la musique. Difficile de ne pas supposer que durant ce long séjour, il ne noua pas ces contacts qui plus tard devaient être utiles à la publication de certaines de ses oeuvres. A Paris, il y a vécu sous Napoléon et Louis XVIII  une période de transition, fut-elle plus militaire que musicale? Elle ne dut pas être exempte en tout cas de relations et peut-être d'amitiés.  

(Mise en garde. Ce qui précède ne sont que des notes, elles sont incomplètes, mal documentées  et peuvent paraître désordonnées. C'est un travail encours)

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