Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Met Barran
21 avril 2015

Et j'entends siffler le train

Malgré la forte densité de nos moyens d'information et la capacité réactive du monde réticulaire, je n'apprends qu'à cette heure-ci, la mort d'une idole yé-yé: Richard Anthony. Et me viennent à l'esprit une remarque et un souvenir. Je le croyais plus jeune que moi, ce n'était pas le cas. Ensuite, le "et j'entends siffler le train" se met à trottiner dans ma tête et me conduit à Perpignan, dans une étroite rue la rue Abbadie, ou se trouvait le local de l'A.G.E.P. (Association général des Étudiants de Perpignan). Un local plus convivial, festif que syndical. Avec bar, bénévoles et fumées abondantes. Un lieu à guinche et à drague, où revendiquer ou comploter contre le Président des présidents ou l'un des trois présidents de corpo (ration): Droit, Lettres et Sciences était plutôt  une erreur de stratégie de conquête. Les actifs s'activaient avaec sa chacune ou son chacun. Les passifs berçaient des utopies plus ou moins réalistes de corps-à-corps avec la gent, que l'on savait, d'un sexe opposé. Non, non, je ne m'égare pas, le train d'Anthony passait effectivement par cette station A.G.E.P, de nos jours disparue,  mais alors bien réelle et en surpopulation les samedis soirs ou lors certaines soirées spéciales, lorsqu' en petites bandes ou en solitaires, on cherchait l'évasion (adieu maths, lettres et lois). Une simple excursion pouvait suffire. Mais, au tirage au sort, ou selon les affinités, un plus long voyage était espéré. On montait, on descendait du train d'Anthony. En sueur ou en pleur. On se trompait rarement de compartiment ou de quai. Le social comme le physique se nichent dans un visage. On n'avait pas besoin d'un quelconque contrôleur pour s'entendre dire que ton ticket (qui nous paraissait gagnant) n'est pas valable. "Et j'entends siffler le train". La voix du chanteur portait, s'insinuait, des épaules aux genoux. Les corps des bienheureux danseurs se tentaient. Les autres, restés de tapisserie, perdaient les couleurs de l'espoir. La réussite n'arrivait pas toujours, gagner est parfois un mystère, même pour les bien partis, les bien placés. Demi-justice! Que voulez-vous réussir tout à fait avec la seule argumentation d'un lait-fraise et d'un bégaiement, dont on ne savait s'il était avance ou excuse. Et on voyait, des têtes joyeuses et d'autres mélancoliques,  des garçons et des filles (le sexe n'y était pour rien) en rade. "Et j'entends siffler le train". En salle d'attente, ils temporisaient, ébouriffés ou, déjà plongés dans un pionçage plus réparateur que l'accumulation godets qui suivait rejets grossiers ou stylés (cela revenait au même), rebuffades sèches ou plus molles, et autres "niet(s)" -l'époque ne boudait pas le russe- encaissés sans gémir. Des gémissements qui, d'ailleurs, n'auraient eu guère de chance d'être perçus comme tels dans le brouhaha du frottis frotta des volumes  tournant, glissant, sautillant. Frottis frotta au stade des premiers émois, aboutis sur un pacte du joue-à-joue, sur le point de l'être. On ne dira jamais assez, et sans tout le monde ne sait pas ce que la mélodie d'une chanson et le rythme d'une danse pickupuisée ou transistorisée pouvaient rapprocher des couples, les consolidaient ou les empêcher de s'éterniser. Un baiser trop anticipé, un piétinement trop lourdaud, une main indisciplinée.  "Et j'entendis siffler le train". Une fois, deux fois, trois fois. Bien plus encore...On en redemandait  de l'Anthony et de la bande des yé-yé. Même celles et ceux qui n'avaient pas le pas bien cheminot. Richard était le grand souverain (il surpassait bien de ses pairs) de ces fêtes formatrices de patriotisme sensuel, de ces sauteries étudiant.e. s, dont post-septuagénaires et pré-octogénaires le sifflet du chef de gare sur les lèvres,  se souviennent avec une larme à l'oeil. C'est l'effet Anthony.  Richard Anthony, c'est vrai, était sorti des grands radars de la mode, on l'avait perdu de vue (mais personne ne s'était obligér à lancer un avis de recherches). Et, comme le "people" le suggère, son embonpoint (il y avait finalement du "King" en lui, cet Elvis du yé-yé ) en était davantage la cause que son solide talent, garant lui d'un travail toujours en circulation, en qualité comme quantité de royalties. Le local de l'A.G.E.P.  (à coup sûr, qu'il existe des vieux qui s'en souviennent!) se trouvait presqu'à mi-longueur de la rue Abbadie, dans un bâtiment adossé au mur du vieux -ah, ce vieux, ce vieux qui s'obstine!- lycée Arago qui n'avait pas encore été démoli. Cette rue existe toujours, elle menait et donc mène de la rue du Dr Zamenhoff à la rue du Pont d'en Vestit (ou l'inverse). J'entends siffler le chef de gare. Est-ce un nouvel arrêt? Est-ce un nouveau départ.

xxx

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Met Barran
Publicité
Archives
Publicité