Un point mystique et soufi
Alors que l'on "s'écharpe" sur le grec, le latin ou l'allemand, nous avons pensé faire un point de paix, avec deux poètes mystiques et soufis considérables, Ibn Arabî (Murcie 1165-Damas 1240) et Rûmî (Balkh 1207- Konya 1273) dont nous donnons, traduits de leur langue d'origine1 en français, les poèmes ci-après que nous pouvons comparer ou pas, mais suffisamment intenses, l'un et l'autre, pour nous inciter à réfléchir sur les mots excessifs et belliqueux de certains de nos contemporains.
I
Mon coeur est devenu capable
D'accueillir toute forme.
Il est pâturage pour gazelles
Et abbaye pour moines!
Il est temple pour idoles
et la kaaba pour qui en fait le tour,
il est les Tables de la Thora
Et aussi les feuillets du Coran!
Je crois en la religion de l'amour
Où que se dirige ses caravanes
Car l'amour est ma religion et ma foi.
Ibn Ârabî, L'interprète des désirs
Cette traduction est tirée du livre L'Harmonie parfaite d'Ibn Arabî avec des calligraphies de Hassan Massoudi (Albin Michel)
II
Je ne suis ni d'Orient ni d'Occident, ni de la terre, ni de la mer je ne viens pas de la nature, ni des ciels dans leur évolution, je n'appartiens pas à la terre ou à l'eau ou à l'air ou au feu.
Je ne suis pas Indien ou Chinois, je n'appartiens pas au royaume d'Irak, ni au pays de Karasan.
Je ne suis pas de ce monde, ni de l'autre.
Je ne suis pas du paradis, ni de l'enfer, et je ne viens pas d'Adam, d'Eve, de l'Eden ou de Rizwan.
Ma place est d'être sans place, ma trace est d'être sans trace; je n'ai pas de corps ou d'âme puisque
j'appartiens à l'âme du Bien Aimé.
J'ai renoncé à la dualité, j'ai vu que les deux mondes ne sont qu'un.
Un je cherche, Un je connais, Un je vois, Un j'appelle.
Jallal ad Din Rûmî, Diwan i Kebir
Cette traduction est tirée de MONADES, Cultures, Spiritualités et Tradition, Bimestriel N°1 mars/avril 2003, p. 63
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1: L'arabe pour Ibn Arabî.
2: Le persan (farsi) pour Rûmî