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Met Barran
13 juillet 2015

Port Barcarès Ave Mustica

Pendant des siècles et des siècles, les moustiques règnent en maîtres sur le territoire entre mer et étang, trottant seuls sur un désert sablonneux, où des vents du pays s'amusaient à monter et déplacer des dunes. Les couleurs de l'étang et celles de la mer étaient ce qu'elles étaient, des ondines changeantes. Devant soi -c'est un moustique qui parle, une ligne d'horizon. Derrière soi- c'est le même moustique, aïe, qui explique-la ligne brisée d'une montagne et sa grosse bosse, on dirait qu'elle tient du dromadaire. Les moustiques allaient et venaient, se nourrissaient du peu que la nature leur consentait. Ils avaient soif et nombreux crevaient la gueule ouverte, non pas que les eaux de l'étang et de la mer soient polluées (même Gaïa n'avait jamais entendu prononcer ce terme), mais qu'ils ne trouvaient pas cette boisson à leur goût, trop fade ou trop salée, ils l'auraient aimée plus colorée, et consistante, d'un rouge, d'un noir, ou d'un rosé qui tâche. Un jour un homme passa, et son odeur allécha un escadron de moustiques. Il fondit sur lui. Et chacun piqua de plus belle pour boire son soûl. Il en tomba, qui ne se relevèrent plus. Pas seulement éclopés, mais écrasés. Mais, des plus résistants, de ceux que la chance dorlote, en redemandèrent, et persuadés que là où un homme est  arrivé d'autres suivront, ils se postèrent aux avant-postes et s'y relayèrent, dans un silence où  l'on n'entendait pas mouche voler, jusqu'à ce l'un d'entre eux, chefaillon ou en tenant lieu, battit des ailes, recroquevilla ses pattes, faisant mine de s'envoler mais ayant le temps d'alerter la compagnie : « Ils arrivent ». Ils ne firent pas de quartier. L'humanité n'était pas dans leur logiciel archaïque.  Et  l'un  vise le nez, et un autre la joue la joue, et le menton, et le front et les lèvres. Touché à l'épaule, touché à la cuisse. De si minuscules gaillards, très hardis et parfois bien insouciants. Une claque les fait passer de vie à trépas, mais il y a, partout, des candidats au martyre. Les plus astucieux de cette gent diptère défendant ce pré-carré entre étang et mer, qui étaient épargnés par la contre-attaque, optaient pour une retraite. « Je reviendrai, et cette fois, mon gars, je t'aurai. »  Et, il revenait, seul ou escorté, affronter la férocité manuelle de l'homme voué -croit-il- à la tranquillité. La préférence stratégique du moustique était la tombée de la nuit. Peut-être parce que l'homme, trop gros mangeur, sommeille déjà ou, trop fûté, se croit tiré d'affaire. On ne saura cependant pas le dernier mot de l'histoire. Ces « drôles de guerre » à peine croyables n'ayant jamais produit de chroniqueurs (aucun Commynes ou Muntaner)  pour nous les conter, à moins que nos archéologues et paléographes, reporter à quatre sous de la couleur locale, ne nous les aient passé sous silence. Il semblerait néanmaoins qu'il fut un temps, un longtemps du temps, où les moustiques (dès les premières altercations renseignés par des fourmis) firent reculer et désespérèrent les hommes, des bipèdes moins aguerris , pâteux, boiteux, la vue encore basse et l'ouïe de même, conseillés par des limaces qui n'avaient pas encore l'intelligence suffisamment leste pour se protéger par une coquille dorsale. Cet âge d'or des moustiques cependant ne dura pas éternellement et le choc entre les moustiques et les hommes, que les moustiques appelaient les géants, se reproduisit et tourna au désavantage et au carnage des premiers. Oh ! Ce n'est pas par la seule force de ses mains que les hommes triomphèrent des moustiques mais des « produits » utilisés par les plus cruels et expéditifs des hommes. Ces « produits » (des gaz peut-être, des solutions aqueuses) seraient toujours en cours d'analyse mais, quoi qu'il en soit, leur efficacité fut redoutable. Surtout dans ce coin de terre qui porte un nom assez mystérieux, mystère célébré avec l'autorité d'un grand géologue et océanographe, de Port-Barcarès. Cette guerre, elle, plus proche de nous, est beaucoup mieux documentée que toutes celles qui l'ont précédée, restées dans les limbes ou sorties au forceps. Les Homère, les Jules César et les autres Rabelais du littoral qui pourlèche la Méditerranée  l'ont retenue sous l'expression de « La Démoustication». Une désignation pas plus jolie qu'une autre, mais pas plus laide non plus et nullement grotesque. Ainsi fut pacifiée cette bande de terre, désolée, sauvage, entre étang et mer -même un chien errant n'y poussait pas trop loin son museau.  Un paquebot (non ce n'était pas celui de Christophe C.) vint même s'y échouer pour aider la civilisation à y prendre racine et à s'y propager, verticalement et horizontalement. Il n'y a plus de nos jours, jours heureux, chez les tribus qui, par intermittence,  peuplent les environs, de cri de l' humain qu'un moustique pique, cri que l'on peut préférer au cri du cochon que l'on égorge ou de l'ennemi que l'on occis. Où sont passés, demande un envoyé de la BBC ou de l'Agence Reuter -ce n'est pas écrit sur son front- les fils, petits-fils, arrière-petits-fils des survivants de cette guerre de « La Démoustication » qui tant exalta et passionna les premiers scouts de l'écologie, faisant la chasse aux nuisances ? Hier, Port-Barcarès ce n'était rien...Un no man's land. Et la déesse Lydia (altière mais pâle réplique navale de la bonne Rita des Saintes-Maries) sua sang et eau pour en faire ce qu'il est aujourd'hui. Cette  capitale presque planétaire des.... musiques électroniques d'une « Electrobeach attitude » dont les DJ sont les « coachs » et les "stars". Les moustiques de notre nostalgie, pour quel Éden Culicidae, se sont-ils faits empailler ?

Ave Mustica

xxx

 

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