Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Met Barran
27 juillet 2015

Le col de Panissars sous le ciel guitare de François de Fossa

Dans le cadre des manifestations plus ou moins spontanées qui ornent le 240 ème anniversaire plus associatif qu'institutionnel  de la naissance de François de Fossa (il voyait le jour à Perpignan le 31 août 1775), le Fort de Bellegarde, au Perthus accueillera ce 31 juillet un concert de J.-F. Ortiz dédié au compositeur et à ses amis Aguado & Sor. Ce n'est pas un concert parmi d'autres. C'est un concert donné par l'un des premiers guitaristes de France et d' Europe à avoir incorporé à son répertoire et à sa discographie ce compositeur -tout juste redécouvert au début des années 1980.

C'est ainsi que furent enregistrées les 15, 16 et 17 janvier 1996 à la Casa Pairal du Castillet, à Perpignan, les oeuvres suivantes de Fossa: 1) Divertimento N° 1 Op 13; 2) Cinquième fantaisie sur l'air des Folies d'Espagne Op 12; 3) Divertimento n° 4, Op 13; 4) La Tyrolienne variée Op 1; 5) Recuerdo (souvenir de son ami Dionisio Aguado);  6) Ouverture de l'opéra Le Calife de Bagdad (de F.-.A. Boieldieu). La prise de son fut assurée opar "Radio France Roussillon" avec Jocelyne Le Ménach et Jérôme Wahart. Le maître Ortiz joua sur une guitare M.G. Contreras, de 1979. Le livret d'accompagnement réunissait un portrait peint de François de Fossa et une photographie historique, signée Philippe Rouah, immortalisant cet enregistrement historique (CD OCTAVE) dont ni le CeDACC de Perpignan la Catalane ni la Région Languedoc-Roussillon, pourtant partenaires, prirent toute la mesure. Un peu plus d'une heure de musique inédite.

Depuis lors Juan-Francisco Ortiz, mis sur la belle voie Fossa par Matanya Ophee (son découvreur et éditeur) est l'un de ses principaux ambassadeurs. Mais ce concert du Fort de Bellegarde prend une autre signification si l'on rappelle que François de Fossa y résida durant quelque temps en 1823. Venu en semestre, fin 1822, à Perpignan, sa ville natale, notamment pour pouvoir entourer de son affection sa soeur Thérèse Campagne, atteinte d'un cancer (elle devait s'éteindre le 16 janvier 1823, à 6 heures du soir, à l' âge de 55 ans), fut en quelque sorte, de par la proximité Perpignan-Le Perthus, réquisitionné pour assurer le commandement de la place, dans le cadre des préparatifs à l'entrée en territoire espagnol de l'Armée des Pyrénées des "Cent Mille Fils de Saint-Louis" pour rétablir sur le trône madrilène Ferdinand VII. Une mission lui fut en effet confiée par une lettre de Strasbourg, le 21 février 1823, et signée notamment par le colonel de Gournay.

Fossa qui avait été très affecté par la perte de celle qu'il ne cesse d'appeler dans sa correspondance "ma chère amie", qui fut pour lui plus qu'une seconde mère,  et que, aujourd'hui soldat, la perspective d'un retour, d'un jour à l'autre, en Espagne n'enthousiasmait guère, n'eut sans doute ni le coeur ni le temps pour " pincer de la guitare" (selon une de ses expression favorites) au Fort. On ne sait d'ailleurs pas s'il avait une guitare avec lui. L'imaginer n'est pas cependant absurde. La femme n'étant pas le seul repos du guerrier, et la musique pouvant en tenir lieu de très honorable façon. La correspondance de François de Fossa (consultable aux archives départementales, à Perpignan) contient suffisamment de preuves manuscrites pour bien concrétiser cette présence et marquer des fonctions exercées par le capitaine de la place. Parmi ces preuves, se trouvent des consignes lettres, billets, reçus, listes, tableaux, à lui adressés (ou brouillons de sa propre main). Échantillon;

-Un document recensant les "services faits sur le pied de Guerre" indique que François de Fossa: “retrouve l' Espagne lors de la campagne de Catalogne avec Louis Antoine de Bourbon, Duc D'Angoulême (1775-1844), du 20 avril 1823 au 4 janvier 1825.”

Combien de temps François de Fossa reste-t-il au Perthus? D'un mois et demi à deux mois.

-Lettre du Perthus 21 avril (1823)

"Je profite du départ de mon hôte pour t'annoncer, mon cher filleul, que je suis détaché ici avec deux compagnies. J'ai passé la dernière nuit au bivouac avec les deux Iers bataillons que je rejoignis hier soir. En passant au Boulou, j'ai dîné pour mon argent, chez un parent de M. Candy. Le 3ème bataillon passe en ce moment, les deux premiers viennent de partir en avant. Je reste ici à garder le magasin et je désire d'être bientôt relevé. Adieu. J'embrasse ton papa et ta soeur et je suis à toi. F.F." (Cette lettre est adressée "à Monsieur François Campagne, vis à vis la Fontaine de la Pincarde")

-Consigne du Perthus 29 avril (1823)

* Consigne particulière relative à la défense des magasins du Perthus, donnée par le Cpne. Commt. le Détachement qui y est stationné pour cet objet, et indépendante de celles de M. le Lieutenant du Roi de Bellegarde relativement à la haute police.

1° La force du poste aux ordres de M. l'officier de garde sera, à compter d'aujourd'hui, d'un sergent, deux caporaux, un tambour et dix-huit fusiliers.

2° Ce poste fournira quatre factionnaires: un devant les armes, un devant la maison Martin Taulère, un 3e à la porte du magasin, un 4e à la barrière. Celui-ci aura la consigne d'interdire le passage par le sentier conduisant à la maison espagnole, à tout fusilier, caporal ou tambour, et de ne point les laisser sortir hors de la barrière sans permission de l'officier. Un 5e factionnaire sera placé pendant la nuit au-dessus du magasin.

3° Demi-heure avant la retraite un caporal & 4 hommes se détacheront du poste de la place et iront s'installer dans la maison Martin Taulère où il leur sera défendu de faire du feu: ils y demeureront jusqu'à la Diane. Le factionnaire placé pendant le jour devant cette maison sera placé pendant la nuit sur le plateau au-dessus de la maison espagnole, n e laissera passer aucun militaire par le sentier qui y conduit, surveillera avec soin ce qui s'y passe et avertira le caporal s'il s'y introduisait des étrangers du côté de la montagne. Ce poste est encore destiné à soutenir celui de l'avancée de gauche s'il était forcé de se replier ; alors les deux postes réunis contiendraient l'ennemi aussi longtems que possible en se retirant sous les murs du Blockause.

4° A la même heure, les deux postes d'avancée de droite et de gauche, composés chacun d'un caporal & six hommes iront recevoir le mot de ralliement de M. l'officier de garde qui voudra bien donner la consigne suivante. L'avancée de droite placera deux factionnaires, l'un pour surveiller tout ce qui viendrait par la grand-route du côté de l'Ecluse, l'autre tout ce qui s'avancerait par la gorge au dessous du fort.-L'avancée de gauche placera également deux factionnaires qui auront l'oeuil sur les deux sentiers de la montagne, devant & derrière le poste./ En cas d'apparitiion de troupes ennemies, les deux postes enverront de suite un homme pour avertir l'officier de garde et se retireront lentement en contenant l'ennemi au moyen de leur feu, celui de droite sur le poste de l'officier, celui de gauche sur la maison Martin Taulère & de là sous les murs du Blockause.

5° M. l'officier de garde est invité à faire battre à la nuit tombante un roulement qui puisse être entendu de tous les logemens et à permettre à l'un des offers. du détachement de recevoir dans son corps de garde les appels particuliers qui auront été faits à ce signal par chaque chef de chambrée. Il est également invité à faire faire durant la nuit au moins deux patrouilles qui aillent s'assurer de la vigilance des gardes avancées, & fouiller le terrain à quelque distance au devant de ces postes. / Perthus le 29 avril 1823./ Le Commt. du Détachement.

- "Direction de Perpignan. Reçu de M. Fofsa commandant un détachement du 3 e Régiment d'Infan. de ligne au Perthus soixante dix balles. bellegarde le 6 mai 1823. Le garde d'artillerie. paraphe illisible (sans doute Caillet)."

-"Le 8 mai 1823, un ordre signé par le Baron de Daumas l'appelle à Peralada. Le 11 mai, il reçoit un ordre du lieutenant colonel d'Etat Major de Nougarède pour se rendre à Gérone (écrit "Gironne". François de Fossa est dans cette ville -qu'il connaît bien-, fin mai et le 6 juin il écrit à son filleul. On y lit notamment "Tu ne m'as jamais dit si M. Massot du Perthus avait remis à la maison un paquet d'affaires dont je débarrassai mon portemanteau que je trouvais trop lourd."

(Note: Deux habitants du Perthus sont nommément cités par François de Fossa, ce M. Massot et Martin Taulère.)

Il est assez émouvant d'anticiper, de voir, d'entendre, les notes  de François de Fossa, Haydn de la guitare pour les uns, maître de Perpignan pour d'autres planer au-dessus de la cour du Fort de Bellegarde, aller et venir sur le col de Panissars. Non, François de Fossa -qui finira sa carrière comme chef de bataillon et major- ne faisait pas de la musique militaire, il nourrissait en revanche par de très  belles pages la musique préromantique de salon dont il est sans conteste un pionnier, à l'ombre des garnisons.

Le Perthus-Fort Bellegarde. Vendredi 31 juillet. 21 h. Conférence-Concert "François de Fossa et ses amis" par J.-F. Ortiz.

xxx

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Met Barran
Publicité
Archives
Publicité