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Met Barran
1 août 2015

CLAUDE CYMERMAN (1932-2015): Une sommité des études ibéro-américaines.

Une sommité de l'histoire des littératures nous a quittés ce dernier mois de juillet. Il s'agit du très discret argelésien Claude Cymerman, homme de eux continents, décédé à l'âge de 83 ans. Hors de ses proches et de ses voisins qui le connaissait, qui connaissait l'étendue de ses intérêts et de ses connaissances? De ce savant, de ce professeur honoraire des Universités.   Après avoir brisé le silence recueilli d'une retraite bien gagnée par un ouvrage sur un écrivain roussillonnais, passé aux oubliettes dont il donna à lire "La prodigieuse verve verte de Carlos de Lazerme" (Presses Litéraires). Modeste contribution à la littérature locale que ce Carlos de Lazerme qui fut cependant, en terre catalane l'un des premiers à poser le bon oeil sur Picasso (du Céret cubiste) et à conseiller à son ami André de Richaud (poète, dramaturge et romancier, né -sans lendemains- à Perpignan) à voir son style du côté de Joseph Delteil plutôt que de Marcel Proust. Joli geste de Claude Cymerman envers sa terre natale!

Claude Cymerman, homme d'études plutôt que de tribune (une chaire n'a rien de la tribune à éclat démagogique) se fit connaître dans les enceintes universitaires en France et sur le plan international. Universitaire de haut-vol (Paris, Buenos-Aires ou Rouen, l'Université de Haute-Normandie, où il a fait, dans les années à partir des années 1980 une partie de sa carrière, peut en énumérer les mérites et les titres). Créateur de centres de recherches (séminaires, colloques et congrès). Directeur et co-directeur de collections. Initiateur et collaborateur de revues, où sont disséminés les très nombreux articles portant cette signature, aussi respectée que stimulante, aussi brillante dans la langue de Molière et de Paul Veyne que celle de Cervantés ou d'Unamuno.. Parmi les revues: "Rio de La Plata", qui s'intéressait au triangle "régional" de l'Argentine, au Paraguay et à l'Uruguay (fondée en 1985, cette publication a cessé de paraître en 2007), "América. Cahiers du CRICCAL" , "Les Cahiers du C.R.I.A.R.", etc.

Il n'est pas un étudiant d'histoire, de langue ou de civilisation ibéro-américaines qui ne connaisse son nom, ses écrits et son travail passionné de découvreur, et de pionnier didactique. Claude Cymerman a été l'un des premiers explorateurs des littératures de voyages ou de migrations, entre l'Espagne et l'Amérique du sud. La "ida y vuelta" (le "vai i vè" comme l'on disait à la cité des "granyotes"!) il connaissait et avait su adapter les effets "boomerang" à la création et à la culture littéraires.  Lecteur et analyste, il a approfondi de nombreux pans des livres et des oeuvres d'outre-Atlantique: thème de l'exil, exotique mais aussi politique, questions de langues, d'identités, de formes et d'idéologies narratives, sensorialité et sensualité, imaginaire et histoire, etc. Les plus grands auteurs sud-américains de langue castillane qui lui ont été contemporains l'ont lu et apprécié, même lorsqu'il se montrait très critique à leur égard. Notre connaissance franco-européenne de la littérature hispano-américaine de la deuxième moitié du  XX° siècle lui doit beaucoup- ainsi bien sûr qu'aux équipes avec lesquelles il aimait travailler et aux maîtres desquels il fut un passeur d'amour et de méthode.  Sans dresser le bilan exhaustif de ses activités, rappelons toutefois qu'il a fait connaître l'argentin Eugenio Cambaceres (1843-1889), l'auteur de "Pot-pourri", et dont il réédita, à Madrid, "En sangre" (1984), "Sin rumbo" (1999). Au fait et en accord avec le renouveau de l'histoire littéraire, ses concepts et ses méthodes, il a apporté des éclairages inédits sur le "Martin Fierro" de José Hernandez (1834-1836)  et la "littérature gaucho". Il a écrit sur un Vicente Huidobro (1893-1948) mais aussi sur Pablo Neruda (1904-1973), celui de "Espana En mi Corazon". Il n'est passé à côté ni d'un Jorge Luis Borges (1899- 1986) ni d'un Julio Cortazar (1914-1984) ou d'un Augusto Roa Bastos (1917-2005).

Apparaissent également sous sa plume, à l'occasion d'un sujet de communication pour un colloque, d'une conférence publique mais polémique, d'un article singulier ou d'un tableau de littérature, qui se veut le plus précis possible sinon le plus exhaustif, d'une situation (presque sartrienne) des lettres, des auteurs tels la cubain Alejo Carpentier (1904-1980), l'uruguayen Mario Benedetti (1920-2009), le chilien José Donoso (1924-1996) et le colombien Gabriel Garcia Marquez (1927-2014). Il présente, non sans risques, emporté sans doute par les chaleurs de la découverte d'un nouveau style d'écriture, et comme en témoigne l'ouvrage qu'il coordonna avec Claude Fell (" Littérature hispano-américaine de 1940 à nos jours", Paris 1999, 2001) des auteurs contemporains, méconnus ou moins connus "qui seront peut-être les figures dominantes de demain" mais qui fit écrire à Ramon Chao dans une note de lecture paru dans Le Monde Diplomatique (mars 1999): « Mais ne tient-il pas de la prophétie que d’envisager une destinée historique aux écrits de l’Argentin Mario Goloboff ou de la Cubaine Zoé Valdés, pour ne citer qu’eux ? ». Mario Goloboff, l'auteur de "La Chronique de la Colombe", né en 1939, et Zoé Valdés, l'auteur de "Danse avec la Vie", née en 1959, n'en déplaise à Ramon Chao n'étaient pas des erreurs de prophétie.

Claude Cymerman (4 février 1932-19 juillet 2015) n'est plus. La littérature hispano-américaine et les lettres en général sont en deuil d'un observateur participant de très haut et bel esprit, rigoureux et perspicace.

I. RECORD.

xxx

 

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