Le prix Jean Morer à Didier Goupil

Didier Goupil vient de se voir décerner le prix Jean Morer des Vendanges littéraires 2016. Ce n'est pas bien sûr un prix de consolation. Et, jusqu'à ce jour -preuve de la culture et de la sagacité de ses membres- le jury n'a pas fléchi sur la qualité littéraire de ses choix. Il est inutile dé dérouler la liste de ses précédents lauréats pour plaider un tel à-pros et d'une telle constance dans l'à-propos. Prix bien mérité que celui de Didier Goupil et pas seulement parce que son livre primé, "Journal du caméleon" est centré sur la figure de Roger Cosme Estève, peintre roussillonnais. On sait que les Vendanges littéraires sont nées en 2003 à Rivesaltes, ville qu'un aéroport, un mémorial, un maréchal Joffre et le meilleur des sangs de la terre ou des vignes du seigneur tiennent sur un pavois médiatique. Ce que sans doute l'on sait moins, c'est que le nom d'un des 4 prix attribué est celui d'un Rivesaltais, Joan Morer (1922-1978), viticulteur de son état à ses heures écrivain en langue française (celle de ses correspondances locales pour le journal L'Indépendant) et en langue catalane, dans ce catalan roussillonnais qu'il chérissait et en faveur de l'épanouissement social duquel il milita. Au point qu'il avait co-fondé avec d'autres rivesaltais (jeunes et moins jeunes) une association dénommée "Llavor" (mot qui, dans la langue de J.-S. Pons (1962) et J.-P. Cerdà (1920-2011) dont il se réclamait, signifie: graine), qu'il publia en catalan ou en bilingue plusieurs recueils : "Defensa i pèrdua d'Altariba" (1973), "Bestiari i bestieses" (1979), "Coloms entorn" (1982) l'une des premières publications des, alors, tout jeunes Trabucaires), "Corberes de cara al mar" (1983), "La terre, laTerra (1996) qu'il collabora régulièrement à l'"Almanach Català Rossellonés", publication du "G.R.E.C." et à "Sant Joan i Barres". Poète et conteur, passionné par les comptines du monde l'enfance et de la nature, écologiste de première heure, ouverts aux arts plastiques, peinture, sculpture et gravure. Preuve de son incontestable sensibilité catalane et de sa proximité avec le mouvement culturel catalan (fustigé par d'aucuns par le suffixe iste), ses amitiés avec les poètes Joan Cayrol, Jordi Mas, Joan Pau Giné, ses poèmes mis en musique par le groupe (aujourd'hui doyen du paysage nordcatalan) L'Agram (avec son noyau dur rivesaltais: Remember: "Lydia, l'idiota") et par les deux grandes dames de la chanson de ce côté-ci des Pyrénées, Gisela Bellsolà (1947), dès 1979, elle grave huit poèmes dans Salut a la poesia. et Teresa Rebull (1919-2015) dont cette magnifique "Oreneta de primavera", enregistrée en 1981 (Edigsa). Même Jordi Barre (1920-2011) l'a enregistré. Distinguant une œuvre qui illustre la formule de Miguel Torga ("L'universel c'est le local moins les murs"), le prix Jean-Morer, créé en 2010, a récompensé depuis Charles Juliet, Javier Cercas, Mireille Calle-Gruber, Marie Rouanet, Jaume Cabré et Régine Detambel. Non, le prix Jean Morer (100 bouteilles des meilleurs crus Rivesaltes) n'est pas un prix de consolation. Mais qui peut dire que Joan Morer n'aurait pas été heureux de voir "un premi de les molts simpàtiques Veremes literàries de Ribesaltes atorgat a una obra escrita en català i no pas, ocasionalment, a un autor català traduït al francès".

Les lecteurs de Didier Goupil -de plus en plus nombreux et ils le seront bien davantge demain encore- seront heureux d'apprendre la prochain sortie en librairie (18 août) de son tout dernier roman "Traverser la Seine", il paraît comme le "Journal du caméleon" aux Editions Le Serpent à plume. Ce dernier titre, croyons-nous savoir, sortira à la rentrée prochaine aux éditions de l'Aube. Le Ier et 2 octobre 2016, lors des remises des prix aux lauréats, il n'est pas interdit de se rapprocher de votre champion couronné à Rivesaltes, il y aura peut-être un ou plusieurs petits verres à vous jeter dans le goser.

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