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Met Barran
26 juillet 2016

Merci à M. d'Déé (1929-2016)

Avec la disparition de M d'Dée, à l'âge de 87 ans, c'est tout un pan d'une certaine histoire culturelle d'Eus qui s'éloigne. Celle qui fixa dans le roc du village le plus ensoleillé "de France", haut-perché dominant la Têt, deux noms qui ne sont pas des moindres dans l'histoire, du spectacle, du disque et de la chanson. Jacques Canetti (1909-1997) le découvreur des plus grands artistes à texte du XX° siècle (mais aussi jeune frère d'un prix Nobel de Littérature) et Boris Vian (1920-1959), l'écrivain alias Vernon Sullivan qui a été pour la France du jazz son véritable Pygmalion. Jacques Canetti en 1965 y établit une de ses demeures, créant le "café de la place". Lieu ô combien jalousé de la plaine et du littoral, puisque certains auront la chance d'y apercevoir un Félix Leclerc (1914-1988) comme une Magali Noêl (1931-2015) ou ce jeune montant du nom Jacques Higelin (1940). Boris Vian, emporté par la mort le 23 juin 1959 ne connaîtra pas cette place souriante, avenante et parfois dérangeante, mais Ursula, sa veuve, la danseuse de Béjart et de Petit, la comédienne de Louis Malle (1932-1995) et d'Agnès Varda (1928) et ce, bien sûr,  grâce à l'ami Jacques Canetti. Ursula Vian Kübler s'installa, à "La Casa Pascuala", non loin de chez lui. D'abord classique alternance, Paris Cité Véron, Pyrénées -Orientales Eus. Ensuite le charme provincial  a gagné. Si la seigneurie culturelle d'Eus sous Jacques Canetti fut d'assez courte durée, celle d'Ursula  ("mon ourson, l'Ursula" si chère au coeur du poète à la trompinette) se déploiera sur trois décennies, arborant le nom et l'oeuvre de Boris Vian, le promouvant et le défendant par l'édition et l'exposition mais surtout en fomentant une vie artistique surtout visible en été, mêlant genres d'expression et créateurs locaux et extérieurs, en diffusant son pollen non-conformiste et pataphysicien. Ce fut d'abord, le Festival "Nits de canço i de musica", lapidairement nommé aujourd'hui  "Nits". Au coté d'Ursula, qui fut une femme déterminée, aidante  mais discrète, un artifex plus audacieux et fougueux,  d'Dée, M. d'Déé, Charles d'Déé, homme de conseil et de continuité, prévoyait et agissait. Ce dernier partageait avant tout -avec Ursula- l'affection pour Boris, qu'il connut avant elle, à ses tous débuts de musicien et qu'il lui arriva même d'accompagner en tournée. d'Déé reconnu, respecté et louangé par Boris Vian, que l'on se reporte au fameux "Manuel de Saint-Germain des Prés", écrit en 1950 mais publié aux éditions Le Chêne en 1974, rappela d'Dée à Jérôme Dupuis un journaliste de l'Express qui l'interviewait le 1er avril 2009.« Un teint de jais, mince et souple, haut comme trois pommes. Il peut danser une heure sans donner un signe de fatigue."  La danse est l' autre point commun entre les d'Déé et Ursula, les deux figures des Nuits d'Eus. Le jeune d'Déé n'avait-il pas été remarqué, à l'âge d'or des Claude Luter (1923-2006)  et Claude Abadie (1920), du Lorientais et du Tabou, comme "danseur existentialiste"? N'avait-il pas encore, dans l'après- Libération, dansé dans un film de 1949/50, dont le nom du réalisateur et le titre ne disent plus grand chose ("je n'aime que toi" de Pierre Montazel) mais dont la distribution comptait Luis Mariano et Martine Carol, Annette Poivre (Raymond Bussières ne devait pas être loin) et Pauline Carton...ainsi que Louis de Funés et Jean Carmet et les danseurs du Hot d'Déé et d'Déé. Ce d'Déé qui signera en 1982, la chorégraphie pour le Bal d'Ettore Scola, dont le scénariste est Jean-Claude Penchenat du Théâtre du Campanol. Un couple scellé par un socle chorégraphique et par leur fidélité à la mémoire de celui qui aura été, en sa trop brève existence, l'un des plus parfaits semeurs d'esprit libertaire. Avec Noël Arnaud et Ursula Kübler, d'Déé a contribué au précieux livre "Images de Boris Vian, cantate eikonographia",  édité en 1978 à Paris par Horay. Sans doute le couple échouera-t-il dans grand projet qu'il portait à son arrivée la création d'une "Fondation Boris Vian" à Eus (l'Administration et son ballet d'autorisations et de subventions dressant un temple où de vivants symboles vous agrippent et... finissent par anesthésier) et de l'excitant aménagement d'une sorte de théâtre antique, à la périphérie de leur maison, dans le flanc même de l'éperon rocheux granitique) mais il réussit et ce, à partir de 1981 et grâce à un heureux dialogue de "parisiens" téméraies avec des locaux méfiants, de belles programmations estivales de musique, théâtre et chant. L'esprit professional qui ne craint pas l'espièglerie y a toujours mis K.O. un esprit mercantile qu'effarouche n'importe quelle boîte à malices. Le risque de aventure créative y a toujours été préféré à une bonne soupe aux légumes de saison, la "Found'Action Boris Vian" s'y est employée. Création, professionnalisme,  c'était la double barrière posée par d'Déé et Ursula- Mme Kübler. C'est l'éthique en deux articles à laquelle n'a pas dérogé Michel Maldonado, en prenant voici quelques années la responsabilité artistique. Un artiste et compagnon d'artistes s'en va. Un bon conseil. (Difficile de ne pas mentionner parmi les premiers jeunes peintres défendus sur les cimaises de la "Casa Pascuala": Roger Cosme Estève, Serge Lask, Line Rochon...). Mais, depuis le décès le 19 janvier 2010 du bel ange de la Cité Véron at Eus, et avançant lui-même en âge, d'Dée qui avait trouvé un regain de jouvence dans les sonnets de Shakespeare pour lesquels le chorégraphe de notre Catalogne avait été sollicité en 2004,avait décidé de décrocher, lâchant la barre mais -disent quelques habitués- gardant l'oeil. Le Festival "Nits de Musica i de Canço", étalé sur août et septembre,  qui avait été leur principale raison d'être dans ce si beau village, pentu, à l'orgueil indévissable de clocher tétant les étoiles, a semble-t-il pris une autre résonance sans renoncer à ses fondamentaux, se déracinant peu ou prou de la "Maison du Temps libre" qui s'éleva, surplombant la vallée de Pardes, dans la foulée des succès d'un festival d'abord limité à la "Casa Pascuala", à ses terrasses et à la placette, juste au-devant de la maison. "Casa Pascuala" avec des airs (aujourd'hui envolés) de Saint-Germain des Prés. Je (des fidèles anonymes) retiendrai de M. d'Déé la spontanéité de son contact, l'agrément de sa conversation (où ne transpirait rien flatteur ni de frimeur), l'élégance de sa simplicité vestimentaire, avec parfois un ornement baroquisant. Un vieux Monsieur s'en est allé, demeure son legs d'honnêteté. Merci!

xxx

 

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Commentaires
L
Triste d'avoir perdu mes amis, Ursula et d'Dée, ils me manqueront toujours, merci pour ce bel hommage, Line Rochon
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Met Barran
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