L'odeur de mon pays
"L'odeur de mon pays était dans une pomme.
Je l'ai mordue avec les yeux fermés de somme,
Pour me croire debout dans un herbage vert.
L'herbe haute sentait le soleil et la mer,
L'ombre des peupliers y allongeait des raies,
Et j'entendais le bruit des oiseaux, plein les haies,
se mêler au retour des vagues de midi.
Je venais de hocher le hocher le pommier arrondi,
Et je m'inquiétais d'avoir laissé ouverte,
Derrière moi, la porte au toit de chaume mou...
Combien de fois, ainsi, l'automne rousse et verte
Me vit-elle, au milieu du soleil et, debout,
Manger, les yeux fermés, la pomme rebondie
De tes prés, copieuse et forte Normandie?...
Ah! Je ne guérirai jamais de mon pays!
N'st-il pas la douceur des feuillages cueillis
Dans leur fraîcheur, la paix et toute l'innonce?
Et qui donc a jamais guéri de son enfance?..."
"L'Odeur de mon pays" est extrait de "Ferveur" (1802) livre
Lucie Delarue-Mardrus
(1880/1945)
poème que nous avons lu, appris et tant récité -jadis. Merci à Gilberte et Juliette, nos maîtresses de 1950. De Roussillon , de Normandie ou d'ailleurs nous avons toutes et tous un pommier dans le jardin de nos mémoires.
Cette écrivaine un peu oubliée de nos jours, résumait ainsi sa pensée sa pensée citoyenne.
"La vérité, pour nous, est le synonyme de la liberté, et le mensonge s'identifie à la captivité".
Une "devise" à méditer en nos temps pré-électoraux, gaulois ou pas, où l'on se crêpe le chignon et s'arrache la chemise, avec ces deux mots et leurs postillons de chiffres plein les bouches.
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