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Met Barran
1 août 2017

Perpignan 1817: Fossa, société et coterie.

A Bordeaux et à Blaye, le capitaine de Fossa a une occupation musicale qu'il énonce, mais ne développe pas, à laquelle (excepté, lorsqu'il sera à Lyon) n'a aucun aboutissement concret. Des lettres faisant, peut-être défaut, pour savoir exactement l'évolution positive, négative des actions engagées: "J'ai en outre l'organisation de notre musique, la direction de l'école régimentaire " (Bordeaux-  8 octobre 1816.) "J'ai été chargé de rédiger et de mettre au net en double expédition les engagements de tous nos musiciens."  (Idem- 7 janvier 1817).

Hors de la caserne, qu'en est-il de son intérêt musical? Ne connaît-il aucun musicien, notamment guitariste? Ne rend-il visite, en passionné et curieux, à nul marchand de musique? Dans le Bordeaux des années 1816, 1817 et 1818, Fossa  n'y ne possède-t-il pas quelque relation dans le milieu des réfugiés espagnols? Par exemple, Francisco Borja de Riquer y de Ros (1768-1849), le marquis de Bénavent, une veille connaissance de la Famille de l'Avocat Fossa, qui, dans les année antérieures à la Révolution, passa de nombreuses années auprès de son grand père maternel le Comte de Ros. A Perpignan, il y suivit des cours de guitare. Plus âgé de sept ans, que François de Paule Raymond Jacques de Fossa, il est peut-être celui qui l'initia à l'art de pincer les cordes d'une guitare. José- Ma Mangado y Artigas, le biographe du Marquis guitariste, ne va pas jusque là, mais constatant la simultanéité des présences à Bordeaux conclut "lo que nos hace suponer que tendrán algún contacto durant ese años". Ce qui ne peut être mis en doute, à lire la lettre de François de Fossa de 1847 ou 48 à Louis Picquot (1804-1870), concernant une souscription pour l'édition en 1817 de douze quintettes de Luigi Boccherini 1817 par P.- et J.-J.- Le Duc.

La Ruche d'Aquitaine, Journal de littérature et de Sciences, de Bordeaux, publie dans son cahier du 15 octobre 1817 un long article sur la méthode d'enseignement de M. Pierre Galin (Bordeaux 1786-Paris 1822). Parti de Bordeaux le 5 octobre, N'a sans doute pas eu le temps de lire l'article de presse. Mais si le nom et la personne l'auteur lui sont peut-être connus, il ne peut de toute manière avoir eu entre les mains sa fameuse "Exposition d'une nouvelle méthode pour l'enseignement de la musique" qui paraîtra courant 1818. Est-il encore en congé à Perpignan (début 1818), est-il revenu à Bordeaux, est-il (depuis septembre 1818) à Lyon, sa nouvelle garnison. Difficile de répondre avec exactitude, mais le lecteur de la correspondance François de Fossa/ Thérèse Campagne, constatera que le nom de ce musicien autodidacte et "théoricien" de la musique, revient plusieurs fois sous sa plume comme une autorité du moment (saluée à Paris) dont il fera l'éloge, qu'il conseillera comme meilleur pédagogue que les bons maîtres de Perpignan, tel ce Coste ou Costa dont sa nièce Théresette est l'élève.

             Sur le plan musical, quelle est la situation de sa ville natale?  En se fondant sur la Bibliographie musicale de la France et de l'étranger, César Gardeton, publiée en 1822 on peut tener de "reconstituer" le milieu musical du Perpignan du séjour de Fossa. Nous y trouvons: Ancessy, violon; Artus1 (Pierre), cor; Artus (père), luthier, marchand de musique et professeur; Artus fils ainé, violon, marchand de musique; Artus (Joseph) alto, Artus (Pierre) cor;  Barrère (père), basse, organiste à la cathédrale; Barrère fils, basse; Bombes2, basse; Coste3 père, chef de musique d'église, contre-basse, Coste fils aîné, professeur de chant, cor, chef de l'école d'enseignement mutuel de la musique, Coste (François) premier violon; Coste (Joseph), professeur de guitare, de flûte et de basson; Gallay4, premier cor, compositeur; Garret, flûte, hautbois, facteur d'instruments à bois; Lafforgue (père), hautbois et flûte; Mouchoux (Henri), professeur de guitare, première clarinette, compositeur; Rimbau, clarinette; Vinals Esteban, professeur de piano, harpe et harmonie, compositeur dont il est également indiqué qu'il chevalier de l'Eperon d'or 5 et organiste à Saint-Jacques ".

La ville est donc loin d'être un désert musical. On y joue de la musique. Que l'on écoute, chante, et danse. On y fabrique des instruments, etc...Dans sa lettre du 4 novembre 1817 à Mme de Marguerit, le Perpignanais ayant rejoint ses Dieux et Pénates lui propose un tableau de la vie culturelle à Perpignan, où la musique tient une belle place et qui lui fera peut-être regretter de se trouver si loin d'elle à Blaye. Voici un fragment de l'épître qui pourrait se regarder comme un bel exemple valorisant de papier de presse écrite ou  évident de communication touristique positive.

"D'abord il y verra un jardin botanique assez bien tenu: une vaste et superbe promenade créée comme par enchantement avec de jolis accessoires tels qu'un labyrinthe, une pépinière etc...une bibliothèque publique, bien composée où quatre fois par semaine il pourra converser avec les savants de tous les genres et de tous les siècles: une très jolie salle de spectacle 6 où il ne manque hélas! en ce moment qu'une troupe, qu'on nous fait espérer sous peu. Notre voyageur aime-t-il la politique? Il lui sera facile de se faire présenter par un des sociétaires dans un beau local, place de la Loge, où il trouvera gratis les journaux de tous les partis, bon feu, bonne compagnie et -ce pour son argent- tous les rafraîchissements qu'il voudra. Veut-il fréquenter les sociétés? Il en aura deux très brillantes chaque semaine, chez le Préfet 7 et le receveur-général 8 , où on sait faire autre chose que pâlir autour d'une table de quadrille; et presque tous les soirs des coteries particulières, dans des maisons très honnêtes lui fournissant les mêmes agréments sans l'embarras d'une toilette recherchée. Si cet étranger a du goût pour la musique, il trouvera ici quelques professeurs passables 9 et un nombre considérable d'amateurs des deux sexes, surtout pour le piano et la guitare, dont quelques uns possèdent des talents distingués.

Je connais une demoiselle Bajet, jolie comme une Vénus, parlant français comme à Paris, ayant le ton de la meilleure compagnie, chantant comme une Catalani 10 et s'accompagnant à la guitare comme un Carulli. Je vais connaître une demoiselle Roca, qui possède, dit-on, presqu'autant d'agréments et dont les premières sociétés ont éprouvé le charme. Je me suis trouvé naguère dans un salon où j'ai vu réunies plus de trente personnes toutes musiciennes, et ce n'est qu'une petite coterie.

Vous avez une charmante nièce, Mlle de Bonnefoi 11 ; à qui la nature a fait cadeau d'une voix très juste, agréable et sonore, qu'elle sait déjà faire ressortir par les accords de sa guitare. Le goût de la musique est en un mot dans toutes les classes de la société. Appelé dernièrement, pour affaires, à la paroisse Saint-Jacques dans la maison d'un pagès 12 dont l'entrée, qui était l'écurie, présentait un assez drôle assemblages de poules, cochons, mules, boeufs, vaches, etc, on m'introduisit dans un salon bien meublé, où je ne fus pas peu surpris de trouver un piano, une guitare, une flûte, une riche collection de musique, et mon étonnement fut au comble lorsque madame la pagèse et sa fille me parlèrent un français plus que passablement correct. Je sus que la jeune personne avait été élevée à une bonne pension, que deux de ses frères recevaient l'éducation à Sorrèze 13 et que le père était officier en retraite. Tout cela me paraissait un rêve."

Combien de temps est-il resté à Perpignan.? Toute la durée de son semestre. Ce qui a du le porter jusqu'en mars 1818. Il n'y a pas de correspondance entre une lettre du 4 octobre 1817 et une lettre du 16 septembre 1819. Cette dernière de Lyon,, où il se trouve depuis septembre 1818.

1: Jean Capeille dans son Dictionnaire des Biographies roussillonnaises cite un Artus (Pierre), né au Boulou en 1761 et décédé à Perpignan  le 10 janvier 1846, le présente comme "Violoniste distingué, jouissant d'une popularité justement acquise, il fut le boute-en-train des soirées musicales de Perpignan, durant la première moitié du XIX siècle" et indique  qu"il fut attaché à l'orchestre de Perpignan durant plus de cinquante ans, comme premier violon.". Est-ce la même personne que ce "Coste fils aîné...chef de l'école d'enseignement mutuel de la musique? Notons qu'une"Société de musique classique de Perpignan" sera fondée bin plus tard en 1880 par Gabriel Baille (1832-1909), qui fut le chef de l'orchestre.

2 : Peut-être un rapport avec la famille noble des Bombes, de Millas.

3 : Sans doute le seul Coste-sans prénom- que cite Capeille "maître de chapelle à la cathédrale de Perpignan, auteur d'un opéra comique en trois actes "La quenouille de la reine Berthe".

4 : Jean-François Gallay (Perpignan 1795-Paris 1864). Ce dernier avait donc vingt ans de moins que Fossa. En 1817, il a 22 ans, il est encore à Perpignan. En 1818, il  sera nommé à la tête d'une société musicale nouvellement crée. En 1820, à l'âge de 25 ans s'inscrit au Conservatoire de Paris. Fossa connaissait-il ce futur grand corniste?

5 : Ordre de chevalerie papal également connu comme ordre de la Milice Dorée. Distingue les propagateurs de la foi catholique. Wolfgang Amadeus Mozart (1756–1791), compositeur, en fut chevalier à l'âge de 14 ans.

6 : Sans doute évoque-t-il le nouveau théâtre qui a été inauguré en 1813, moins dee quatre ans avant son retour à Perpignan.

7 : Paul Etienne de Villiers de Terrage (1774-1858). Nommé Préfet des Pyrénées-Orientales en juillet 1815, il quittera le département pour le Doubs en 1818.

8 : Joseph Larivière de Saint Léger, en sera le receveur général du 4 juin 1811 jusqu'en 1820

9 : Voir sur la liste César Gardeton.

10 :  Fossa, bien que sa correspondance n'en dise rien, a pu l'applaudir à Madrid ou à Paris. A Paris, en 1806, un désaccord avec l'Empereur la fit migrer à l'étranger. Elle y revint avec le retour de Louis XVIII. "De 1816 à 1818, c'est le théâtre italien, confié à Madame Catalani, qui s'efforce de relancer la mode des concerts spirituels."- écrit Olivier Morand dans sa thèse école des Chartes (2002) "Les derniers feux des concerts spirituels parisiens (1816-1831)". Elle fut directrice du théâtre et prima dona assoluta. Angelica Catalani (1780-1849) est une soprano d'origine italienne, chanteuse d'Opéra, mariée à un officier français Paul Valabrègue, surnommée "la cantarice des rois". (Elle qui mourra à Paris, du choléra, le 12 juin 1849, neuf jours après de Fossa). "La Revue des deux mondes" e 1849, lui rendant hommage par la plume  plutôt critique de Paul Scudo écrit: "bel oiseau de paradis dont le ramage égalait la magnificence du plumage, Mme Catalani fut plutôt une merveille de la nature qu’un produit de l’art. La chanteuse avait ou inspirera certains musiciens, dont une guitariste Athénaïs Paulian, laquelle par son talent, sa beauté ou sa générosité mérita que Dionisio Aguado et Fernando Sor lui dédient, chacun ,une oeuvre, ce qui fait dire avec un bort taux de probabilité que la soprano faisait partie du cercle de l'hôtel Favart. D'ailleurs Eugène Paulian, le frère d'Athénaïs, dédiera pour sa part une oeuvre à...Sophie Vautrin, laquelle est la future épouse de François de Fossa, mais au début de novembre 1817, il ignore tout de cet encore lointain lendemain sentimenal qui  devait  être couronné par un mariage, à Strasbourg, le (jeudi) 29 décembre 1825...

 

11 : Le compositeur Ferdinando Carulli (1770-1841) s'est installé à Paris en 1808 où il vivra jusqu'à sa mort, le 14 février 1841. Fossa ne parle guère de lui mais il est vraisemblable qu'il l'ait vu jouer à Paris. En citant ces deux noms d'artistes, il se montre au fait et à la page de la musique qui se fait à Paris, où il a résidé de la fin décembre 1813 à la mi janvier 1816, un peu plus de deux ans.

12 : Naguère: Entre la mi-octobre et ce 4 novembre datant sa lettre à Mme Marguerit.

13:  Dans une lettre de Lyon, du 19 javier 1820, il dit à sa soeur qu'il vient de dédier une oeuvre à Thérèse de Bonnefoi, nièce de Mme de Marguerit. " Une oeuvre, précise-t-il, de charmants duos pour deux guitares extraits des oeuvres de l'immortel Haydn" [nda : Haydn est mort en 1809]."Je ne sais pourtant si l'éditeur Meissonnier* qui me demande toujours ma musique, se décidera à graver celle-là: ils sont tellement accoutumés à la mauvaise qu'ils savent difficilement apprécier la bonne". Ici (mais ne l'oublions pas c'est une confidence épistolaire Fossa se montre plutôt dur envers le milieu éditorial à Paris. Il  l'avait été tout autant (dans le même secret de la correspondance) à Madrid où il avait fait connaître "des quatuors" qui lui valurent d'être qualifié de "Hayden de la guitare"...et relevé "la jalousie des compositeurs espagnols, qui heureusement jouissent de peu de crédit en Europe" (13 octobre 1807). Ce Madrid où il s'était plu à relever "qu'ils n'est pas un seul morceau de musique passable dans le genre moderne" (9 mars 1808). Le moins que l'on puisse conclure est que ce Fossa de 32 ou 45 ans a une claire conscience de sa valeur et de la "modernité" de ce qu'il fait.  

14 : Emerge ici un sentiment de classe sociale: pagès. L'emploi du mot catalan, affirme l'enracinement au pays, à la terre, le distinguant de la classe des "bourgeois honorés", dont il est issu. Comme de l'urbain face au rural.  Un regard un tant soit peu paternaliste mais à la fois adouci par la reconnaissance d'une situation de possédant et d'une position d'intérêt grâce degré d'éducation et de culture, notamment dans la pratique de la langue française. On sait que Fossa a insisté auprès de sa soeur pour que François son filleul/neveu ne fasse pas usage du "baragouin" du pays. Le baragouin est donné par le Larousse du XIX s. comme synonyme de patois (et d'argot).

15 :  Sont signalés de Perpignan sur les registres de Sorrèze via internet: André Joseph (1816-1822) et André Pedro-Etienne (1816-1822) mais sont-ils frères? ou Andrieu Etienne et Andrieu Joseph (1816-17). Même question. Ces deux saint-jacquois sont-il  des André ou des Andrieu?

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