Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Met Barran
27 août 2017

Sur la piste du géant perpignanais François Frion

On ne peut qu'être surpris d'apprendre qu'un historien d'art du septentrion ait vu un tableau du Musée d'Art H. Rigaud, à Perpignan, en train d'être fini. Cela se passait à Paris et c'était au tout début du XIX eme siècle.  

In "De levensloop van Adraan van der Willigen (1766-1841) een autobiografie uit een tijdperk van overgang. Edite Lia van der Heijden en jan Sanders) consultable https://books.google.fr/on trouve ces quelques lignes qui se rapportent à un Perpignanais: François Frion (1773-1819).

"Den 27 april ging ik met een vriend iemand bezoeken die men hier Le Giant noemt. Indedaad, het is een reus, zijnde 6 voet 6 duijm, Fransche maat, lang. Zijn naam is Frion. Hij nis hier geëmployeert in een bibliotkeek. Hij was nu 23 a 24 jaaren oud, welgemaakt, een niet onbevallig woorkomen en zagt en vriendelijk in de omgang. Hij was zeer netjes gelogeert en nodigde ons om hem dikwijls te komen bezoeken, zijnde naar hij zeijde geen groot liefhebber van veel uit te gaan, omdat hij zoo wierd aangepaapt en somtijds door de kinderen op straat gevolgd. Hij gaf mij ook een briefje aan de schilder Vien fils, Gallerie du Louvre, om zijn portrait dat gemelde schilder zeer wel getroffen had, te gaaan zien.

Den 29 dito gingen wij bij gemelde schilder en ((april 1803/ 81)) zagen er het zeer wel gelijkende portrait van de heer Frion levensgroote, dog in eene zitten-de gestalte. De schilder had eene bevallige houding gekozen. Frion verbeelde uit het water te komen en bezig te zijn met zig aan te kleeden. Men ziet zijne reuzevoeten, die nog nakend zijn. In het verschiet ziet men enige swemmers. Het stuk kwam mij voor vrij wel geschildert te zijn." (2010, p. 397)

"Le 27 avril, je suis allé chez un ami pour visiter quelqu'un appelé Le Géant. En vérité, c'est un géant, de 6 pieds 6 pouces, mesure française, de haut. Son nom est Frion, il est employé dans une bibliothèque. Il est âgé de 23 à 24 ans, accueillant malgré un deuil cruel, doux et amical. Il est très attentionné et il m'a invité à lui rendre souvent visite, lui n'est pas un grand amoureux des sorties, parce qu'étant étrangement habillé il est parfois suivi dans la rue par les enfants. Il m'a également remis une note pour le peintre Vien fils, Galerie du Louvre, pour voir son portrait que le peintre avait beaucoup travaillé.

Le 29, nous sommes allés voir peintre le peintre (avril 1803/18) avons vu le portrait d'une taille similaire à celle de M. Frion, quoique sous la forme unilatérale. Le peintre avait choisi une attitude gracieuse. Imagineant Frion sortant de l'eau et occupé à se rhabiller. On voit ses pieds géants qui sont encore nus. Dans l'image, se voient aussi des nageurs. Le tableau m'a paru entièrement achevé " (traduction approximative).

-Le Géant était appelé dans sa ville natale Picard, du fait des origines picardes d'une partie de sa famille.

-La Bibliothèque où travaille le Géant est celle du Conservatoire National des Arts et Métiers.

-Né en 1773, Frion a alors 30 ans..

-Le Vien dont il est ici question est Joseph Marie Vien (1762-1848), dont l'atelier se trouvait rue Bellechasse, N° 6.

-Un tableau était-il déjà expoé, Gallerie du Louvre, mais non encore totalement abouti dans l'intetion du peintre?

Adriaan van der Willingen est un historien d'art, né à Rotterdam, connu comme l'auteur d’une "Histoire de la peinture néerlandaise depuis la deuxième moitié du XVIIIe siècle" et dont le premier tome parut en 1816. L'historienne française Annie Jourdan qui a travaillé sur cet auteur hollandais et son oeuvre, dite incontournable par de nombreux spécialistes nous apprend entre autres choses que:

"Le voyage de Paris de 1802-1805 donnera du reste matière à une publication en trois volumes sous le titre de Paris au début du dix-neuvième siècle (Parijs in den aanvang van de negentiende eeuw, Haarlem, 1806-1807). Un ouvrage qui sert encore de référence aux historiens qui souhaitent en savoir plus long sur la capitale du Premier Empire." (in Annales historiques de la Révolution française janvier-mars 2013,cf http://ahrf.revues.org/12706)

Des dates précieuses sont ici rappelées qui confirment que la visite à François Frion et la viste à l'atelier de Vien ont bien eu lieu entre 1802 et 1805. Précisément en 1803, les 27 et 29 avril. (1803 est l'année du décès à Carcassonne de Jacques Gamelin le 22 voctobre, Gamelin auteur d'un portrait de Frion en habit Directoire, archiconnu de ceux qui n'ont pas froid aux yeux et la côte régionale fêlée). Le tableau qu'évoque Adriaan ven der Willingen est-il celui que Vien le Jeune présentera au salon de 1804, salon organisé par Dominique Vivant Denon (1747-1825), le premier directeur général des Musées, et tableau dont le modèle est notre Frion (et qui, comme le tableau de Gamelin, appartiennent aux collections du Musée d'Art H. Rigaud, à Perpignan (qui ne leur manifeste peut-être pas toute l'affection méritée).

Ainsi sont bien confirmées la présence à Paris et le travail d'un Perpignanais, âiné de deux ans et ami du quartier Saint-Jean de François de Fossa, lequeli en ce temps-là n'est pas encore à Paris mais qui plus tard l'y retrouvera.

Il n'est pas impossible que François Frion soit redevable de son placement à Bonaparte ou à l'un de ses Ministres (le chimiste Montpelliérain et Ministre de l'Intérieur Jean-Antoine Chaptal (1756-1832), lequel dans ses "Souvenirs sur Napoléon" a laissé écrit:

"Je lui ai entendu dire plusieurs fois que, de tous les objets qui l'avaient frappé dans sa vie, les pyramides d'Egypte et la taille du géant Frion étaient ceux qui l’avaient le plus étonné.

Voici ce que l'on peut lire dans "Bonaparte et les Bourbons" du comte L. remacle:

"Il (Bonaparte) donne dans tous les genres de luxe royal. Il a ses coureurs, ses valets de pied, ses Mameluks de la Garde. Il n'a point encore de nain, mais on peut dire qu'il a son géant. Il vient d'attacher au ministère de l'intérieur un certain Frion, homme de six pieds huit pouces, qui promenait dans Paris depuis deux ans son inutile et gigantesque personne, et qui n'a pas d'autre recommandation que sa taille. On dit qu'il a été nommé inspecteur des fêtes publiques. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'il accompagnait Bonparte au Louvre, lorsqu'il vint voir les progrès de l'industrie nationale. Le titre d'inspecteur ne va pas mal à un homme qui peut y voir de plus loin que tous ses concitoyens. (...) Frion, devenu géant du Premier Consul, ne l'est pas seulement par sa taille: il l'est encore de profession." (in "Bonaparte et les Bourbons. Relations secrètes des agents de Louis XVIII à Paris sous le Consulat (1802-1803)"-Plon, 1899, p. 141.)

Alors ce "géant du Premier Consul" fut-il réellement remarqué et employé par Napoleon Bonaparte?

Soixante dix ans après sa mort, voici ce que l'on peut lire dans un article intitulé "Le tambour-major" et imprimé dans le "Conteur vaudois" par le Journal de la Suisse romande (du samedi 17 juillet 1880):

«Il est à remarquer que Napoléon Ier recherchait toujours avec le plus grand soin les hommes de la plus haute taille pour leur confier ce poste. Etant premier consul, et dans les premières années de ce siècle, il se trouvait à l'Opéra, lorsqu'au moment où le rideau se levait, un seul homme, placé au milieu du parterre, semblait demeurer debout, et ceux qui se trouvaient sur les banquettes de derrière s'époumonnaient en lui criant de s'asseoir. C'était un géant nommé Frion, natif de Perpignan. Qui avait six pieds six pouces.

«Frion fut obligé de se lever, car il était assis pour désabuser les crieurs qui le croyaient debout. La salle entière éclata d'un rire fou et des applaudissements frénétiques témoignèrent de l'admiration de l'assemblée pour le géant. Le premier consul, témoin de cette scène, parut désireux d'avoir cet homme pour tambour-major de la garde; Frion refusa en disant qu'il craignait de faire paraître les grenadiers trop petits. On apprécia fort ce scrupule d'honnête homme et de géant."

François Frion rêva-til d'être tambour de la garde?

Une notice nécrologique du "Journal des débats" du 28 janvier 1819 laisserait entendre que non

« La mort vient également d’enlever, sinon un des grands hommes, du moins un des hommes les plus grands de notre siècle. Tout Paris se rappelle avoir vu dans les promenades publiques un individu d’une taille gigantesque, mais beaucoup trop élancée pour son élévation. Il avoit six pieds six pouces, se nommoit Frion, dit Picard, et étoit employé au Conservatoire des Arts et Métiers. A une époque où l’on étoit plus jaloux de ce qui étoit extraordinaire que de ce qui étoit vraiment beau, on proposa à Frion la place de tambour-major de la Garde ; Frion refusa ; il avoit des goûts pacifiques, il n’aimait point à faire du bruit, et il étoit aisé de s’apercevoir que l’attention générale dont il étoit l’objet le fatiguoit extrêmement. Il est mort le 10 de ce mois à Perpignan sa patrie. Il n’étoit âgé que de 45 ans.(…) ».

Mais peut-être plutôt que le pacifisme est-ce la médecine qui ruina l'espoir d'être enrôlé comme tambour de a garde? Il existe un document aux Archives du Conservatoire National des Arts et métiers qui est un " Certificat de visite/ de l'hôpital militaire de Perpignan", il est libellé comme suit.

« François Frion, fils, est affligé d’une taille extraordinaire, que la nature en le formant est sortie de ses bornes ordinaires, ce qui est un état contre-nature, d’après les règles de sa marche. Cette manière d’être est un vice général de la machine qui en altère les fonctions physiques au point de lui rendre la santé très (fragile?), et les actions de son corps difficiles et pénibles au point qu’il ne peut les supporter que pendant une courte durée de temps.

En conséquence, nous estimons que le citoyen est hors d’état de pouvoir faire ni supporter les fatigues attachées à l’état militaire.»

Ce document porte une mention très précise:

"Le 3 nivôse de l’An IV de la République signé Molard." (24 décembre 1795) calendrier républicain.net). Qui est donc ce Molard? Est-ce la même personne, un parent ou un homonyme Claude-Pierre Molard que l'on trouve au Conservatoire des arts et métiers et qui en est depuis l'an IX (1800) l'unique administrateur. De ce Conservatoire dont Frion appartiendra au premier personnel et en sera le sous-bibliothécaire.

 

xxx

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Met Barran
Publicité
Archives
Publicité