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Met Barran
21 novembre 2017

De FOSSA guitariste à Cadix et Madrid (1)

On ne sait si c'est de sa propre initiative, ou sur le conseil d'un ami ou confrère compositeur que sa musique a commencé à être éditée. Est-ce à la sollicitation de quelque libraire-éditeur informé de ce qu'il écrivait d ela musique et pinçait les cordes de guitare? Le seul nom d'éditeur que l'on trouve explicitement mentionné par la plume de François de Fossa dans sa correspondance est Meissonnier. Il le fait de Lyon dans une lettre datée du 19 janvier 1820. Il y est dit explicitement qu'il vient de dédier une de ses oeuvres à Thérèse de Bonnefoi, nièce de Mme de Marguerit (dans d'autres lettres orthographié Margarit). Il s'agit indique-t-il " de charmants duos pour deux guitares extraits des oeuvres de l'immortel Haydn". "Je ne sais pourtant" -continue-t-il- si l'éditeur Meissonnier 1 qui me demande toujours ma musique, se décidera à graver celle-là: ils sont tellement accoutumés à la mauvaise qu'ils savent difficilement apprécier la bonne".

 Des énoncés comme "me demande toujours" et "se décidera à graver celle-là" contiennent une ambiguïté qui ne permettent pas d'assurer s'il a déjà été édité ou pas encore par ce Meissonnier, duquel il ne précise ni prénom ni adresse. La dernière phrase de la citation précédente est colorée d'une touche d'ironie qui nous montre un compositeur qui n'a pas une modeste idée de lui-même. Cette phrase qui est de 1820 semble faire écho à ce qu'il avait écrit à sa soeur lorsqu'en 1807, depuis Madrid, et à la suite de concerts qui lui valurent à ce qu'il écrit d'être appelé le "Hayden a de la guitare", lettre dans laquelle il se plaçait dans une position...avantageuse: "Je me flattais d'autant plus de la réussite que ce pays-fourmille d'amateurs de cet instrument, & qu'ils n'ont pas un seul morceau de musique passable dans le genre moderne". Il avait alors 32 ans. Il en a en 1820, 45. Il n'a perdu aucun gramme d'auto-estime. Mais il est vrai que cela n'est confié que sous le couvert de courrier à une soeur qui ne doit pas manquer de faire la part des choses dans ce qui confie le jeune "frérot".

"Je les ai exécutées différentes fois avec des musiciens de la chapelle du Roi a, et devant un nombreux concours. Cela m'a donné de la réputation et a excité contre moi la jalousie des compositeurs espagnols b, qui heureusement jouifsent de peu de crédit en Europe. Mes quatuors ont été trouvés bons en dépit d'eux, et ce qui m'a prouvé qu'ils n'étaient pas tout-à-fait mauvais, c'est qu'on s'est emprefsé à les critiquer. Le fait est qu'on en parle beaucoup à Madrid, et que ceux qui les ont déjà exécutés témoignent encore plus d'emprefsement à les rejouer que ceux qui ne les ont point entendu à les entendre c. Yls m'ont procuré beaucoup de connaifsances utiles. Quelques uns de mes protecteurs d les ont approuvés et j'ai plus fait de chemin dans leur esprit par ce moyen que par tout autre de ceux que j'aurais pu employer. Ainsi va le monde». (Lettre Madrid 13 octobre 1807).

a. Haydn

b. Ce qui est plutôt valorisant pour un inconnu arrivant dans la capitale de se voir jouer par des musiciens installés, reconnus, privilégiés.Mais il ne fait pas l'unanimité chez les compositeurs

c.  Hélas! Fossa ne nous donne pas plus de nom de compositeurs que de noms de musiciens. Quels pourraient être ces musiciens de la chapelle royale? Et quels sont plus particulièrement les compositeurs espagnols dont il se distingue en les déconsidérant. José Lidon Blazquez, maestro de la "real Capilla" (1748-1827). Félix Máximo López (1742-1821), Francesco Vaccari (1775-1825), premier violon (mais démissionaire en 1808, à l'arrivée de Joseph Ier) Francesco Federici (?-1830) ou  Melchor Ronzi (?-?, José Nono (1776-1845), lesquels comme Federico Moretti (1769-1839) sont étrangers, italiens, comme tant d'autres (Luigi Boccherini (1743-1805) installés à Madrid. A Madrid, à l'arrivée de Fossa, on trouve aussi Blas de Laserna (1751-1816). Ce compositeur travaille pour les théâtres de la Cour ("El Principe", "La Cruz", en 1807, ouvre un magasin de musique au n°6 de la "Calle del Principe". Il y transporte toute la musique qu'il avait à l'"almacén de papel raado, frente a la Soledad". Ainsi que D. Josef Rodriguez León (?-?), "músico de la real capilla de S.M." qui, en cette année 1807, de l'arrivée de Fossa, est présenté également dans la presse comme compositeur de "música militar nueva para las bandas de los regimientos" et comme faisant des arrangements pour guitare.

François de Fossa ou, plus précisément "Francisco Fosa" a, un sous-lieutenant démissionnaire b venu à Madrid d pour tenter sa chance dans la musique, il est difficile d'imaginer qu'il n'a pas eu de contact avec tel ou tel des musiciens cités ci-dessus? (Aucun document toutefois ne le confirme). Une plausible rencontre, néanmoins, a pu se faire -effet d'un contexte- à l'occasion d'une présentation par un ami, lors d'un concert chez quelque amateur, ou d'une visite chez un fabricant de guitares ou d'un dépôt de manuscrit ou d'un achat de copie de partitions chez un libraire ou marchand de musique ("almacén de música y papel rayado"). Bref en tout lieu où un passionné de guitare se rend, s'il veut progresser et ses faire connaître dans cette discipline musicale. Peut-être l'aura-t-on vu chez les luthiers Marcos Antonio González "Calle Majaderitos", ou Manuel et Juan Muñoa également en cette rue...Nous ne savons pas si le nouveau-venu dans la capitale (où il avait déjà fait deux séjours: le premier en octobre/décembre 1796, le second du 24 février au 12 mai 18o4 b) s'est doté d'une guitare madrilène, et si oui quelle fut signature de l'artisan qui l'a fabriquée. Avec quelle.s guitare.s est-il arrivé chez son hôte Cipriano Salinero, domicile auquel il séjournera plusieurs mois? Difficile de l'y imaginer sans son instrument.

a. C'est le nom que le Perpignanais adopta pour pouvoir aller en Nouvelle-Espagne en cachet qu'il était un émigré français et c'est le nom avec lequel il apparaît la première fois dans un journal. " Voici ce que l'on peut lire dans la Gaceta de Madrid, en date du 24 janvier 1800 : « Asimismo se ha servido S.M. en la compania de infanteria fixa de Acapulco promover a Teniente al Subteniente D. Bartolome de la Parra ; y para esta Subtenencia al Cadete D. Francisco Fosa." La promotion date du 20 janvier 1800.

b. De retour en Espagne, Fosa qui a en tête d'être placé dans l'administration ou le commerce démissionne. Décision qui ne ne lui permettra pas de jouir d'une appréciable pension.

c. Fosa revient en Espagne après avoir servi pendant deux ans à Acapulco comme "subteniente" (sous-lieutenant).

d: En fait, il n'était pas parti de Cadix pour demeurer à Madrid. Il devait même de se rendre en France, à Perpignan, auprès de sa famille. Ne parvenant pas à trouver à s'employer dans la ville andalouse et malheureux d'une rupture amoureuse :

e: L'adresse qu'il donne à sa soeur pour la réception de son courrier est:  D. Franc° de Paula Fosa calle de Veionca (en fait Veronica) entrando por la del Fúcar, casa nueva, quarto 2° a mano derecha". Est-il exagéré d'avancer que Fossa fit vibrer des cordes de guitare en ce domicile?

"Je mourais bien d'envie de retourner en France; mais qu'y aller faire? Pour t'y être à charge, jamais je ne m'y serais décidé, et jamais je ne t'aurais dit vrai sur ma position pour ne pas me le faire dire de ta part. Mais puisque tu crois voir jour à me placer à Toulouse ou quelque part que ce soit, j'y cours: et plût au ciel que j'eufse les moyens de partir aujourd'hui même sans plus de délai" (Lettre de Cadix 5 juin 1807). "j'attends d'un moment à l'autre l'ordre d'aller à Figuères et je n'attends que cela pour partir. J'ai bien besoin d'être quelques tems auprès de toi pour égayer un peu mon caractère qui est devenu insupportable  pour tant de coups reçus du sort". "Mais je te répète de ne dire à personne que je vais à Perpignan.Je veux y être seul, absolument seul, le tems que j'y séjournerai. Ta société, des livres, de la musique: voilà ce qui peut me tenir lieu de tout, en attendant que j'ai quelquechose à faire dans notre Patrie."(Lettre de Cadix 26 juin 1807). Le 21 juillet, il reçoit son "brevet d'aggrégation à la place de Figuères" et il part le 26 juilletdans un "un carrou, c'est-à-dire de la manière la plus incommode dans cette cruelle saison", comme il l'indique en une lettre envoyée le 30 juillet à sa soeur depuis Ecija, entre Cordoue et Séville. Mais la place de Figuères l'attend...toujours. "Ta dernière n° 101 m'a décidé à pafser par Madrid, où je serai rendu s'il plaît à Dieu dans une douzaine de jours. Je voudrais fort y trouver Caillé: je ne doute pas qu'il ne m'y fit obtenir quelque chose. " écrit-il à sa soeu le 12 août, l'informant de ce qu'il est arrivé à Madrid à "le 11 août à 7 h du soir".

Sa correspondance de Fossa, entre 1794 et 1798, permet de parler de deux guitares qui pourraient être en sa possession. L'une qui lui fut envoyée par sa soeur de Perpignan et une autre qu'il acheta à Cadix, lorsqu'il y fut bloqué en attente pendant quinze mois d'embarquement pour la Nouvelle Espagne, en qualité de page du vice-roi nouvellement nommé Miguel Josef d'Azanza. Guitares qui ont fait la traversée de l'Atlantique, puisque existe une preuve épistolaire que Fossa, alors Fosa, jouait de la guitare sur le Monarque. Faisant à sa soeur le récit d'une tempête essuyée au cours de leur traversée en 1798, entre le 10 avril et le 17 mai, il écrit: "Les gens du métier disent que nous l'échappâmes belle, mais moi qui ne connaît point le danger j'étais si loin de croire que nous étions si près d'aller voir les antres de Neptune, que j'étais à pincer la guitarre fort tranquillement lorsque tous les matelots étaient à invoquer tous les saints du paradis et à faire des voeux qu'ils n'auraient certainement pas pas tenus parce que comme dit l'italien : «Passato il pericolo, gabbato il santo. a"

a. Le péril passé, adieu le saint. Une variante certainement de "Passato la festa, gabbato el santo". L'italien, peut-être un des langues que connaissait Fossa en plus du français comme le latin, catalan, l'espagnol, l'anglais

Dès le 17 août 1793, une lettre- la première de la correspondance conservée (archives départementales, à Perpignan) adressée de "Bañolas" au mystérieux "Sr An. ducup en   Pexona", en fait "M. Antoine Ducup en personne" (qui était alors l'amant de Thérèse Fossa -des letres postérieures nous l'apprendrons), évoque la guitare: "(...) Quant à moi je me trouve actuellement assez bien, ne pensant qu'à manger, boire, dormir, me promener et jouer de la guitare, faute d'avoir reçu mes livres et mon étui que je crains bien de ne plus avoir et dont je sens beaucoup la privation (...)" Mais la guitare à laquelle il fait allusion n'est peut-être pas la sienne puisque le 4 octobre 1793, il écrit à sa soeur: "j'ai reçu par le porteur...et l'étui de mathem. où il manque deux ou trois pièces essentielles; mais il vaut mieux que rien. Envoie moi aussi par le retour de Dn Franco mes bottes et la guitare avec un ou deux cahiers de musique s'il se peut". Cette guitare sortait-elle des mains d'un fabricant d'instrements de musique de Perpignan ? Celle qu'il a achetée à Cadix, un relevé de dépenses dans une lettre datée du 9 mai 1797 (il y a près de quatre mois qu'il attend d'embarquer sur Le Monarque pour le Nouveau-Mexique) nous apprenons  qu'il a fait l'"achat d'une guitare pour 8 dourous". Vient-elle remplacer ou s'ajouter qui de Perpignan lui parvient à Gérone? Il ne nous donne aucun détail, et nous ne saurons chez qui il l'a achetée parmi les luthiers de la ville: Dionisio Guerra, dont l'atelier se trouve "calle del Veedor", ou les frères Joseph et Juan Pagès, "calle Arco de Garaicoechea, no. 45.", ou Josef Sebastián Benedid Díaz "calle San Francisco 66" ou "Plazuelo del Paillero". Une chose est certaine: la guitare compte énormément pour ce jeune homme de vingt ans vigoureux et aventureux qu'est Fossa. Que ce soit à Cadix qu'il écrit plus volontiers Cadiz   ou à Puerto Santa Maria qu'il écrit également Port Ste Marie, où vit son amoureuse. De Puerto Santa Maria le 8 octobre 1797, il expose à Thérèse Campagne: "la plus inutile des miennes [dépenses] est celle que je destine à l'entretien de ma guitare et qui se réduit à des cordes, papier de musique & je ne regarde pas comme mal employé l'argent que j'y dépense, vue que c'est mon plus grand amusement et que c'est une diversion aussi  utile qu'honnête et qui tient lieu de beaucoup d'autres moins décentes".

Amusement-diversion qui lui est des plus bénéfiques, musicalement, "mondainement", sentimentalement également. Avant de prendre la mer, fau au blocus par le flotte anglaise, Fossa, l'un des quatre pages au service du vice-roi Azanza, a pincé de la guitare pour son vice-roi (amateur de cet instrument) et son entourage, ainsi que au fil des semaines d'atente de plusieurs "belles" de... Cadix dont Vicenta d'Onieba,  et Juanita.

"Nous sommes dans la maison quatre ou cinq amateurs de violon et de guitare et nous nous amusons assez souvent à exécuter des duos et des trios qui sont tout du goût du vice-roi qui aime beaucoup la musique. Ce dernier nous a présenté dernièrement dans une société de cette ville où l'on reçoit tout ce qu'il y a de mieux: le Prince de Monfort et le marquis de Moncade son frère y vont journellement. Il y a dans cette maison musique complète deux fois par semaine et j'y ai exécuté samedi passé un trio concertant de violon, guitare et basse qui m'a attiré les applaudissements de toute l'assemblée. Je dois pourtant avouer que la qualité de familiar de vice-roi a plus contribué que mon habileté à me les mériter. Quoi qu'il en soit le sus dit trio a été tout du goût des dames qui m'ont prié de leur en faire souvent entendre de pareils." (Lettre 25 octobre 1797)

"Une fois la semaine seulement le samedi depuis huit heures du soir jusqu'à dix et demie je vais au concert duquel je t'ai parlé ou je joue de temps en temps des trios et des quatuors de guitare, violon, alto et basse, j'y vais par rapport à la musique et parce que le vice-roi le veut"..."L'étude, la musique se partagent tous les moments de mes journées." (Puerto Santa Maria, Lettre 18 janvier 1798).  

Fossa le guitariste fait alors la connaissance d'"une jeune demoiselle que j'avais déjà eu l'occasion de voir quelquefois dans la maison où se tenoit le concert duquel je t'ai parlé maintes fois" confie-t-il à sa soeur sans lui révéler le nom: "elle est née -poursuit-il- au port de St Marie, mais d'un père irlandais et d'une mère anglaise". Il s'agit de Jane Lynch & Waughan, le plus souvent nommée Jeannette et parfois Juanita. Ce sera sa grande passion et le grand tourment du page quand 6 ans plus tard il revient sous-lieutenant d'infanterie d'Acapulco. Muse de Fossa, cette Jane le fut, et lui inspira même des vers en espagnol et des morceaux de musique. Mais, c'est aussi leur idylle qui, après avoir été au bord du mariage vole en éclats, causa en grande partie ce départ, sa fuite d'Andalousie. Cadix-Puerto Santa Maria est un grand moment de la biographie sentimentale et musicale du guitariste perpignanais. La musique qu'il met en vente à Madrid en est sans doute fortement marquée. Il a eu des illusions et conçu quelques rêves, mais il y aura été plus malheureux qu'heureux, déçu, berné et humilié économiquement, socialement et sentimentalement.    

La lecture de la rubrique "Música" de la "Gaceta de Madrid du 15 mars 1808" indique qu'à "l'almacén de la carrera de S. Geronimo, frente a la Soledad", on trouve de la musique de "D. Francisco Fosa". A savoir (tel qu'imprimé):"adagio y rondó:un minué y una contradanza: minué flauteado: minué patético y contradanza para guitarra, de D. Francisco Fosa". (D. l'initiale classique du Don, et Francisco Fossa, son nom castillanisé qui lui permit, en 1798, de se faire passer pour un Catalan d'Espagne, et de pouvoir partir pour le Nouveau Mexique, et ensuite de revenir en métropole sous des apparences d'espagnol ultramarin. Dans la même rubrique, on lit: "(...) y también con acompañamiento de guitarra, puesto por D. Josef Rodríguez León, músico de la real capilla de S. M." Le dit "almacén" fut ouvert en 1805 par Tadeo Mintegui. Le "Diario de Madrid" du 30 octobre 1805 signale que l'on y trouve des oeuvres pour guitare " del Caballero Moretti" i de los Señores Sors, Carulli, León, Laserna, Doisy y otros". (En 1805, Fosa ne peut appartenir à ces "otros", puisqu'il est toujours à Cadix). Le magasin existe en 1814 (mais à cette date Fossa est retourné en France, à Paris), il est connu comme "Almacén de la viuda de Mintegui". Le magasin fait face au "Convento de La Soledad" localisé à "La Puerta del Sol" au commencement de la "Carrera de San Jerónimo". Des lieux et une géographie qui -l'hypothèse n'a le mérite d'aucune audace- que Fossa connaîtra. Et ce magasin qui propose sa musique (en manuscrits, en copies) Fossa l'aura découvert en flânant dans le vieux Madrid ou y étant conduit par quelque ami madrilène comme Cipriano Salinero qui l'héberge ou quelque autre de ses connaissances, par exemple ce mystérieux mais incontournable Pons, colonel Pons, proche des Fossa et qui traverse pratiquement toute la correspondance, précieux quant à un recours financier, une recommandation ou pour une simple récpetion de courrier (venant de Perpognan) en temps de suspicion et d'ouverture des lettres.

Le magasin de la "Calle de San Jerónimo" n'est bien sûr pas le seul où l'on vend de la musique des compositeurs cités plus haut et qui sont les référents de l'époque. Il y a aussi "Escribano, calle de las Carretas" ou le magasin de la "Calle del Principe", ouvert en 1807 par le compositeur Blas de Laserna. On se doit d'y ajouter aussi des librairies: celles de Campo ("Calle d'Alcalà"), Dávila ("Calle de Las Carretas"), ou Alonso ("frente a las gradas de S. Felipe")... C'est en ces lieux que les amateurs trouvent les nouveautés musicales et parfois leurs auteurs: Pagliara, Moretti, Sors (Ferando Sor), Carulli, León, Laserna, Doisy, Ferreira; Abreu (écrit parfois Hebreu), Laporta, Ferrandière (ou Ferandier) et...Narciso Paz. Ce dernier doit retenir l'attention car dans le catalogue des oeuvres de Fossa, il en est une qui lui est dédicacée? Paz et Fossa se connaîtront-ils à Madrid à ce moment là? Et se sont retrouvés, plus tard, en 1814/ 1815 à Paris? Paz, le compositeur "afrancesado", joséphin et Fossa, le compositeur émigré français, protégé par l'afrancesado, Duc de Santa Fe, ministre du roi Joseph Ier, à présent en exil, réfugié en France.

c. Un instant de gloire, avec un parfum de vanité qui ne l'éloigne pas pour autant du mieux faire, de l'acquisition de connaissances.

d. Fossa ne parle d'aucun de ses protecteurs. Dommage. Cipriano Salinero -au début de son séjour à Madrid- et des relations de ce dernier. Azanza, sans doute dont on sait depuis Cadix-Puerto Santa Maria et l'attente forcée pour embarquer pour Véracruz, en Nouvelle Espagne, mais pas avant son retour à Madrid et aux affaires, comme ministre des Finances.

C'est dans cette période - une séquence de sept mois- entre le 11 août 1807- le jour mettant pied à terre d'un "carrou"  a et le 15 mars 1808, date de la lettre où se trouve l'expression "Hayden de la Guitare", que François de Fossa tente à Madrid disons sa chance musicale et la guérison de ses humiliations et blessures. La chance ne lui sourit pas et l'avenir avec ses soubresauts politiques (chute de Godoy, le Prince de la Paix, l'abdication de Carlos IV, l'invasion napoléonienne...) ne tournera pas à l'avantage de ses espoirs musicaux.

a: Mot catalan orthographié en roussillonnais: Chariot.

Voici comme il relate à celle qu'il appelle presque dans chacune de ses lettres "ma bonne amie" la chute de Godoy

"(...) Point de réponse encore de mon mémoire: ce n'est pas étrange d'après la fermentation publique actuelle. Nous venons de voir de grandes choses: nous en verrons vraisemblablement de plus grandes; mais je ne doute pas que tous ces changement ne tournent à mon avantage & à celui de la nation espagne. Le prince de la paix, ce colofse terrible est enfin tombé Le peuple incendie dans le moment que je t'écris tous les meubles de la maison de son indigne frère a. La sienne a été respectée parcequ'elle appartient actuellement au Roi qui l'a confisquée. Le règne de la tyrannie & des frippons est fini: celui des honnêtes gens commence. Je commence à entrevoir un avenir plus heureux./ Nous attendons sous peu la Ire Division de l'armée française: elle est attendue avec impatience./ Adieu je sera plus long la pne fois." (Lettre de Madrid 19 mars 1808.

a: Luis ou Diego? Qualifierait-il dindigne Diego Godoy qui, à travers Cipriano Salinero, lui a promis de le proteger?

Qu'en sera-t-il de l'avènement des "honnêtes gens"? Le sort de Francisco Fosa va-t-il s'améliorer profondément. Un signe d'un avenir possiblement meilleur, il le voit dans l'arrivée au Ministère des Finances ("Hacienda") de Miguel Josef d'Azanza, l'ex-vice-roi de Nouvelle Espagne, et jusqu'alors Conseiller d'Etat en disgrâce, là-bas en Andalousie, sur ses terres près de Grenade. Mandaté par le nouveau roi, Ferdinand VII, Azanza qui n'st pas encore Duc de Santa Fe arrive le 28 mars 1808 à Madrid. Rappelons que c'est une douze de jours plus tôt que dans sa lettre du 15 mars 1808 il a fait part à Thérèse Campagne du surnom qu'on lui a donné (mais il ne dit pas par qui) de "Haydn de la Guitare". Les événements qui vont se succéder mettront en dans le plus lointain arrière plan les activités du compositeur de musique. Ses lettres n'en font plus mention. Elles s'intreessent surtout à l'actualité politique et prennent l'allure de comptes-rendus ou reportages journalistiques. Fossa devenant comme un correspondant de presse. Et sa famille de la rue de la Fontaine Na Pincarda vivant presque en à peine différé les dits événements. grâce à lui, à sons sens de l'observation et de l'analyse, à son goût de l'anecdote, à la franchise de son propos et à la vivacité son style. L'histoire à chaud. Un bel exemple de compte-rendu événementiel que ces lignes du 26 mars 1808.  

 "La révolution qui vient de s'opérer sous mes yeux n'a presque pas, ma chère amie, d'exemple dans l'histoire. M. Godoy, ci-devant le Prince de la Paix, voyant que toutes ses fourberies & coquineries allaient être découvertes à l'arrivée des français a fait tout son possible dans les derniers jours de sa gloire pour persuader Charles IV & à son épouse qu'ils ne pouvaient trouver leur salut que dans la fuite. Trois fois ils l'ont intentée tandis qu'ils amusaient le public par de faufses proclamations; mais toujours ils ont échoué dans leur projet. La mafse du peuple de concert avec la maison du Roi leur a présenté une opposition aufsi énergique qu'invincible. Enfin après bien d'inutiles efforts pour calmer l'effervescence générale bien décidée surtout contre Godoy & ceux de son parti, Charles IV a été presque forcé d'abdiquer la couronne le 19 de ce mois, en faveur de son fils Fernand VII. Ce jeune Prince qui donne à la nation  les plus fortes espérances, a fait son entrée dans Madrid avant hier à cheval, revêtu de l'uniforme de ses Gardes du Corps. Sa suite était très peu nombreuse: il était sur de tous les coeurs. Une foule immense du peuple l'a escorté jusques à son palais au milieu des acclamations de toutes les clafses d'habitans. S. M. A rendu ces jours-ci une infinité de décrets qui tendent tous plus ou moins directement à la félicité publique. Il s'entoure des plus honnêtes gens de son royaume. Entr'autres Mr d'Azanza est rappellé à la Cour pour y remplir le ministère des finances. Tu sens combien cette nouvelle nous interefse à tous: aufsi ne veux-je pas différer de t'en faire part- je vais aujourd'hui diner chez Pons, qui vint me voir hier & oublia de m'apporter une lettre à toi qu'il venait de recevoir: je diférerai à cacheter celle ci jusqu'à ce que je lise la tienne pour y répondre aujourd'hui même si son contenu l'exige.

Le 24 courant le Grand Duc de Berg a est entré dans cette ville à la tête de 18 mille hommes de toutes armes. Nous en avons aufsi un nombre afsez grand dans les environs. S. M. Leur a témoigné tant de confiance qu'elle avait donné ses ordres avant d'entrer elle même pour faire sortir d'ici tous les régiments espagnols. Notre garnison qui se composait auparavant de plus de 12 mille hommes est réduite dans le moment à la maison du Roi, au corps d'invalides, & à un bataillon des volontaires d'aragon. Nous attendons Bonaparte d'un moment à l'autre. La Cour parait fort tranquile sur ses vues: le public ne l'est pas trop. Ses troupes sont si insolentes, si mal disciplinées, & ells sont en si grand nombre dans toute l'espagne qu'elles ont l'air de la regarder comme un pays conquis. Les espagnols viennent de montrer dans cette dernière révolution qu'ils conservent encor des restes de leur ancienne énergie. Dieu nous préserve qu'ils s'imaginafsent qu'il était besoin d'en montrer contre les troupes françaises! Il renaitrait encor des héros de leur cendre qui préféreraient la mort à l'esclavage.-Quant à moi je ne puis croire que Bonaparte vienne ici souiller tant d'années de gloire: aufsi fais-je mon pofsible pour rendre service aux individus de sa nation & pour persuader aux espagnols que ce sont nos frères, & qu'ils ne portent chez nous que des vues désinérefées & utiles aux deux nations.

Je viens de chez Pons qui m'a remis ton N° 126 du 12 de ce mois. Tout ce que j'ai à te dire au sujet de son contenu, c'est d'abord que je n'ai pas reçu un sou de ma pension b depuis quelque tems avant que je sortisse de cadiz, ni ne pourrai la percevoir selon toute vraisemblance jusqu'à ce que mon sort soit décidé: il le serait sans nul doute à l'arrivée d'Azanza si nous n'étions cernés de toutes parts de troupes étrangères dont on ignore les intentions. Je serai trop heureux si je me trouvais dans ce moment dépendant uniquement des honnêtes espagnols qui sont à la tête des affaires. (Lettre de Madrid 26 mars 1808).

a Joachim Murat (1767-1815). "El día 23 de ese mes de marzo, y con la excusa de mantener el orden en la capital, el general Joachim Murat, gran duque de Berg y cuñado de Napoleón, se apostaba en Madrid con sus tropas. Murat reprimió a sangre y fuego la revuelta madrileña del 2 de mayo" disent les biographies espagnoles.

b De sous-lieutenant (démissionnaire)

Autre exemple, cette lettre du 2 avril 1808:

"C'est justement le jour de ma fête a , ma bonne amie, que je devais te donner enfin une bonne nouvelle. M. Azanza arriva lundi dernier 27 mars: il me reçut de la meilleure manière du monde, mafsura qu'il regarderait comme un devoir sacré de me placer avantageusement, & &. Depuis le 28. je fais les fonctions de son secrétaire privé & je suis seul dans l'exercice de cet emploi parceque Zavaleta a  n'est pas encore venu. J'imagine que j'aurai un appartement & le couvert chez lui b lorsqu'il aura une maison. Dans le moment cela n'est pas possible car il est logé très-étroitement chez une de ses connaissances. Il a laifsé à grenade toute sa famille qui ne viendra à la Cour que lorsqu'il pourra la loger d'une manière convenable.

Mon genre de vie est très actif dans le moment. Je me léve à six heures: avant 8 heures je vais prendre les ordres du Ministre pour ses correspondances particulières, & reste auprès de lui jusqu'à dix: à cette heure là je l'accompagne au bureau des finances d  De là je vais chez moi travailler &res du soir je retourne chez Azanza & à 7. il signe les lettres que j'ai écrites durant la journée. Si tu voyais comme je suis fêté par ces mêmes personnes qui auraient peut-être rougi de me saluer il y a quinze jours! Voilà ce que c'est que le monde. La faveur d'un Ministre me donne actuellement un mérite que personne ne m'avait reconnu..

Dieu soit béni! Me voilà enfin chargé d'une occupation honnête & en pafse d'obtenir un bon emploi. Que de graces n'ai-je pas à rendre à la divine Providence qui a bien voulu m'arracher au désespoir qui me rongeait depuis si longtems!-Je crois que j'engraisse à vue d'oeuil depuis huit jours. Une seule chose me tourmente...Ces troupes françaises qui nous cernent, que viennent-elles faire ici?) Quels sont à notre égard les projets de cette nation soumise...c...toute l'europe? Le peuple les regarde avec des yeux de rage, & si ce peuple plus à craindre qu'on ne pense venait à s'imaginer qu'ils ne sont pas les alliés de Ferdinand 7, il se ferait égorger pour deffendre son roi.Celui-ci ne se présente pas une seule fois en public (& nous le voyons matin & soir) que l'enthousiasme le plus pur ne fafse entendre autour de sa personne mille voix qui répétent à l'envi: vive le Roi, périfsent ses ennemis! -Si ceux qui se disent nos alliés & sont entrés chez nous comme tels portent dans ce pays des vues contraires au Gouvernement actuel, je prévois qu'il y aura bien du sang répandu avant qu'ils puissent réduire les habitans de ce royaume: ceux de la plupart de nos provinces se feront hacher plutôt que de se soumettre- Dieu veuille nous préserver de ce cruel fléau Le bas peuple de Madrid est cruel comme il l'est dans tous les pays, mais j'ai remarqué que lorsqu'il n'est pas poufsé à bout la générosité fait la base de son caractère: tu en jugeras par le trait suivant dont j'ai été témoin hier matin.

Deux soldats français avaient volé un mouton & avaient encouru la peine de mort. Le propriétaire désespéré d'être la cause qu'on otât la vie à deux de ses semblables pria quelques uns de ses amis de l'accompagner chez le Général pour demander leur grace. Dans un instant il se fit un grand rafsemblement de peuple  qui enleva les coupables d'un quartier de troupes françaises malgré leur résistance & les conduisit au palais du Roi, en criant grace, grace. Le Roi leur fit dire que comme ils n'étaient pas ses vafsaux il ne pouvait rien prononcer sur leur sort & les renvoya au Grand Duc de Berg  Là defsus la populace se porta chez celui-ci qui s'imagina au ier abord que c'était la mort des coupables qu'on demandait, mais sachant que c'était leur grace il fut forcé de l'accorder pour appaiser le peuple qui la voulait absolument, & il ne l'a pas fait sans admirer la générosité de la populace espagnole."

a: 2 avril: Saint François de Paule. 

b: Les finances étaient-elles recherchées par Fossa?Dans un lettre du 27 février 1804, il avouait: "Je ne trouverais rien de meilleur que d'obtenir une place dans les finances  à Barcelone, ou partout ailleurs dans la Catalogne". Dans une autre lettre, le 29 juillet 1805, il fait mention d'une recommanation d'Azanza à l'intendant de Cadiz "pour qu'il me trouve un emploi dans les finances". Ce n'est ni à Barcelone, ni à Cadix, mais à Madrid que les finances...l'emploient. Ce qui améliore l'état économique d'un sous-lieutenant démissionnaire qui ne percevait jusqu'alors qu'une "chétive pension" et survivait d'hospitalités, et d'emprunts, à tel ou tel de ses compatriotes: un Birotteau, un Canclaux, un Salinero, un Pons, 

c: Un fragment de phrase a été biffé.

d: Le premier avril."

Journaliste" et analyste politique, l'épistolier Fossa ne manque pas de talents. Talents de narrateur à destination confidentielle, familiale. Littérature documentaire pour les siens. Observateur avisé mais prenant parti. Homme de valeurs et donc d'émotions. Il travaille, il a retrouvé confiance. Mais la guitare et les solos, duos, trios et quatuors en paraissent...  oubliés....Nous sommes à la veille de la "guerra de Independencia". Fossa -comme Goya- sera témoin des journées du "2 y 3 de Mayo 1808"

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Met Barran
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