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Met Barran
11 mars 2018

François de Fossa, Mme de Staël et Pierre Assouline

Lisant un livre magnifique qu'on ne lâche pas des mains, passionnant, instructif, bien écrit, le "Retour à Séfarad" de Pierre Assouline, de l'Académie Goncourt, je tombe (p. 235) sur une référence à Mme de Staël. L'auteur se trouvant à Zamora, entre Salamanque et Valladolid porte son regard sur une femme qu'il contemple ainsi: 

"(...) ni désoeuvrée ni débordée, elle aurait pu incarner la Delphine de Mme de Staël, non pour son physique ni pour sa paella, bien sûr, mais pour ce que son tout exprime, un côté j'ai des occupations pour chaque heure, bien que rien ne remplisse entièrement mon existence, et voilà, j'unis les jours aux jours, et cela fait un an, puis deux, puis la vie."

La fin de paragraphe me résonne familièrement, je l'ai lue...non pas sous la plume de la mère du romantisme français...mais sous celle François de Fossa, une de mes fréquentations. Fossa, lecteur de Mme la baronne de Staël? il le fut, comme il le fut (il l'a laissé écrit de sa main) de François-René de Chateaubriand? Oui, lecteur même si l'inventaire postmortem de sa bibliothèque en 1849 ne note aucun de leurs ouvrages. Chose sûre, les mots de Staël cités par Pierre Assouline, se trouvent tels quels dans une lettre que notre chef de bataillon (il a mérité son grade en Espagne en 1823) adresse à son filleul François Campagne, un lettre rédigée à Angers le 24 avril 1825.

(...) Aussi je vis à peu près seul; je vois que le général et une respectable famille amériquaine que la médisance ne saurait atteindre. J'y retrouve les moeurs patriarchales, la franchise aimable du nouveau-monde. J'ajoute à cela quelques promenades sur le dos de mon jeune cheval espagnol dont je fais l'éducation, et tu as la mesure de mon bonheur. C'est ainsi comme dit Mme Staël "que j'ajoute les jours aux jours, et cela fait un an, puis deux, puis la vie."

Le prénom de Delphine n'est pas donné. Delphine étant le personnage principal et le titre que donne à son  premier roman de la grande baronne des lettres. Un roman épistolaire dont la première édition est de 1802 (Paris, J.J Paschoud). Il n'est guère vraisemblable que Fossa  ait découvert le livre l'année même de sa publication car il sert, à ce mement là, outre-mer, au service l'Espagne, au Mexique, très exactement à Acapulco. Après 1802, le livre sera réédité plusieurs fois dont une nouvelle 1809 (Paris, H. Nicolle)? En 1804, Fossa est revenu en Europe... Peut-être s'en procure-t-il un exemplaire lorsqu'il vient au cours du deuxième semestre 1810 à Paris en tant que membre d'une délégation diplomatique espagnole conduite par son protecteur et sauveur le duc de Santa Fé, Miguel Josef de Azanza

D'autres éditions suivront, confirmant le succès de l'oeuvre de Germaine de Staël -Holstein( 1766-1817). Delphine bien entendu figure dans l'édition des "Oeuvres complètes" qui sont publiées en... 1820 (Paris, Treuttel et Wurtz).  Il est évident que Fossa l'a lue. La date de sa lettre  citant "Mme Staël" se situe entre deux dates marquantes dans sa biographie.  Celle de la mort de à Perpignan le 16 janvier 1823 de sa soeur Thérèse. Celle du mariage du perpignanais d ela rue Na Pincarda, avec Sophie Vautrin à Strasbourg le 29 décembre 1825. Delphine roman épistolaire que! N'est-ce pas un roman de même genre que suggérerait le nombre volumineux de lettres de François à sa "bonne amie" Thérèse (et quel roman aurait-il pu être si ses "réponses" avaient été conservées). N'est-ce pas un roman du même genre que celui (fantasmé faute de lettres de l'un et de l'autre) mais qui trouva son happy end dans une cérémonie nuptiale et trois enfants?

Que Fossa ait été porté vers la littérature de la baronne de Staël ne peut guère surprendre par la figure aristocratique  qu'elle représentait, le partage des mêmes idées royalistes et l'expérience de l'exil, même si leurs vécus y furent fort différents. Mme de Staël l'introductrice du mot "romantique" dans la langue française. François de Fossa, un pré-romantique, façon lRené de Chateaubriabnd. Cette sacrée baronne qui traverse les temps nous permet de rapprocher sur ce modeste papier François de Fossa, compositeur du début du XIX °siècle très tardivement arraché à l'oubli  et un Pierre Assouline, prince républicain des lettres de ce début du XXI° siècle, admiré par l'intelligence stylistique et la force picaresque et émotionnelle de ses travaux autant (dit à titre très personnel) par ses fidélités à la rigueur et à la fantaisie, à Don Quijote et Unamuno.

xxx 

 

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