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Met Barran
18 août 2018

Un touriste "rue de la Barre" à Perpignan

Je sais bien que le perpignanais autochtone, ultralocal, blasé de sa ville n'y prête plus guère d'attention et s'il lui en prêtait davantage dans un sursaut de défenseur patrimonial touché par la grâce de Stephane Bern  ne lui consacrerait qu'une lichette de son énergie communautaire pour en défendre les intérêts patrimoniaux:  historique, commercial, architectural, esthétique et pour tout dire romantique. Sans doute un regard extérieur, étranger, touristique, un regard de "revenant", également, sera plus éveillé, curieux, sur le- qui- vive. Il s'attadera, observera, remarquera ce qui pour le Perpignanais cloué à sa ville est devenu un décor neutre. Un segment urbain, une tranche de quartier, une rue, un passage...un signe d'identité locale qui vaut bien (pour qui ne se broie pas le crâne  à valoriser et à hiérarchiser les choses en pierre ou pas) d'être considéré, chouchouté quand bien même on ne saurait lui attribuer le prix du Dévôt-Christ. Connaissez-vous la rue de la Barre? L'un dit oui, et l'autre accompagner-moi. Elle est en coeur de ville et elle est unique. Il n'y en a pas deux. La Barre! La Barre! Qu'est-à dire? Ce nom nous vient de loin et du peuple, quand il avait droit au chapitre avant qu'on ne l'administre de pied en cap. Son explication, à l'Université de financer quelque étudiant en lexicographie pour en atteindre la racine sémantique.Cette "rue de la Barre",  elle est sur un côté voie de plein air et sur l'autre voie couverte longeant des immeubles. Certains signés Jean Charpeil ou Férid Muchir- Perpignan n'a jamais été pauvre en bons architectes. On y circule, on y travaille, on y vit. L'intérêt se cristallise sur la voie couverte. Ici la rue  à la fois trottoir pour esquiver l'espiègle comme le voyou automobile, que promenoir, espace de flânerie. Elle peut également servir d'abri de jour -ou une nuit- de pluie quand, empereur des distraits,  vous avez oublié (en dépit des précautions réitérées auxquelles vous a invité le ou la préposé.e météo de la TV multi- chaînes) le parapluie, le chapeau ou le manteau. Ce promenoir, ce passage n'est pas très large et des trois piétons qui cahin-caha, fumant ou pas -c'est mieux- avancent de front, à la première personne arrivant de face l'un d'entre eux, subito presto, doit se reculer ou prêter le flanc à un apéritif de rixe.  Un passage protégé, cependant, sans vols à la tire, de sac à main ou de portable. Il n'est pas interdit de rêver!"Rue de la Barre", le touriste qui aime flâner et que l'office, mis à sa disposition, a conseillé 'd'aller voir...juste de l'autre côté de l'endroit où vous vous trouvez...oui! très beau et ancien: une aubaine de travailler ici". La carte du coeur de ville à présent déployée devant lui, le touriste repère cette "rue de la Barre", et il quitte la place de la Loge (l'ancien grand théâtre de la ville) pour l'aller visiter d'un bon pas, "elle vaut le coup, même si, lui a-t-on souri, nos historiens n'en font pas des pavés dans la presse et des tonnes en librairie". C'est par la rue des Marchands que ce touriste  y accède. Ca été son choix! Il voit alors devant lui une assez longue perspective. Avec sur la droite, une chaussée, qui suit l'alignement des façades de maisons et de quelques monuments orgueil des natifs et vrais amoureux de la cité, et sur la gauche un long "trottoir", il est couvert couvert, a des allures de portique, et longe une succession de boutiques d'offres commerciales variées. Le touriste les découvre au fur et à mesure de sa marche (syndrome du lèche-vitrine) , et qui lui assure qu'il est dans une rue commerciale, unilatéralement commerciale -pour dire juste, avec nombre de devantures et d'entrées et sorties de clients.  Mais, lui n'est pas là (on dirait un quinquagénaire, il arbore un t-shirt deux étoiles) pour en faire l'inventaire. Non plus pour s'approvisionner, boire ou manger...Ce qui a attiré son attention, en lui donnant l'impression de l'avoir vu ailleurs, en d'autres villes visitées pedibus cum jambis  ou -plus cool- à la télévision ou en DVD) et en mieux -tranche-t-il dans un pointu soliloque comparatif... Ces curieux encorbellements (Est-ce bien le mot? C'est que ne suis pas de la corporation.) soutenus par des piliers (Est-ce le mot juste, ou celui de colonnes, conviendrait-il mieux) de tous calibres. Les uns ont bien vécu, d'autres ont été rajeunis et, peut-être même n'ont pas été accouchés dans le même lit de pierre, paul ou jacques. C'est en avançant, le sourcil cartésien, l'oeil perspicace comme doit l'être celui d'un Inspecteur des Beaux-Arts ou des Bâtiments de France, qu'il s'avise des différents designs (soyons de notre temps). Certains de ces objets volumiques sont cubiques, d'autres coniques. Il en est qui relève des mondes vintage de la pierre (marbrée même), d'autres ayant déserté la pierre taillée pour une maçonnerie très vingtième. Surgissant, alors  d'une rue perpendiculaire (la "rue Mirabeau", dira la vidéo-surveillance) un passant pressé (hommage furtif à Boris Vian), le bouscule lui faisant tomber le bénéfice de ses premières réflexions. Il se retourne, le quidam est déjà loin. allergique à tout contrat à l'amiable. Le touriste s'est remis en marche (on remarque une légère claudication) et regarde devant lui, plus inquiet qu'antérieurement, comme s'il balançait sur la valeur de ce qu'il voit, même s'il sent bien le poids historique du lieu et sa puissante âme sociale... et, d'ailleurs, il lui suffirait de presque rien: de quelques minutes de concentration socratique ou zen, pour sauter dans le tram ou le trolley qui remonte le temps...oui, parfaitement... s'il en avait le temps, mais le touriste qu'il est sous la Barre n'a pas encore atteint l'âge de la retraite), oui... jusqu'au moyen -âge (car cette ville a bien dû avoir son Moyen-Âge? C'est alors qu'il entend une voix comme venue des des baffles d'un festival d'électro-musique qui lui souffle: "c'était au temps de nos rois fainéants, des rois de Majorque, et le cinéma même muet n'existait pas encore). Intrigué, le touriste veut savoir où s'arrête cette enfilade de piliers ou colonnes (mais non, voyons, ce ne sont pas des poteaux: ils ne sont pas faits en bois) de soutènement dont les hauteurs varient à peine, mais ici (plan fixe de la vidéo-surveillance) assez visiblement pour l'équilibre de l'ensemble, bien sûr. Il lui arrive de regarder vers le plafond voûte, comme dans l'appréhension de quelque effondrement; non c'est du propre et du solide, aucune fissure, le danger ne vient pas d'en haut. L'enfilade lui paraît plutôt longuette et par ce fait formidable à son jugement. Le Perpignanais lambda (ça se disait dans un naguère du temps) prend-il la mesure de ce que sa ville possède de singulier avec cette bien exceptionnelle succession légèrement sinueuse, cette cette file, cette  rangée unique (Certes, certes, ce ne sont pas des arbres feuillus pour satisfaire l'écologiste? Certes, certes, ce ne sont pas des verticales chromatiques de Daniel Buren pour satisfaire les suceurs invétérés art contemporain, celui qui ne s'embrouille pas en remakes mythologiques, bibliques ou... régionalistes). Il n'y en a pas deux. En ce moment, le touriste est en train de s'excuser auprès d'une passante épaule nue et tête haute qui le trouvait -et elle n'a pas eu à choisir longtemps ses mots pour le lui dire) encombrant. Il se trouve au début d'une mini-impasse dont il cherche en vain sur le mur cantonal le nom et ne sauvera son souvenir qu'en le fixant à l'enseigne du "Cotton Girls". Il y a de plus en plus de monde. Mais tout le monde porté par son sexe, son âge, sa profession ou pas, ses illusions ou pas n'a pas les yeux en vadrouille, et un nez libre humant le corps de pierre ou de béton, oui... du sol au plafond. Pas digne d'être qualifié de chapiteau, le geste stylé n'y est pas! Et là, où il repère un socle, c'est une foi minimaliste qui l'a emporté. Non, tout n'est pas beau, ni art, et alors? Il chemine -on dirait un ancien agent de ville- jusqu'à l'angle avec une rue qui, très explicitement, lui donne son nom de voirie: "rue de la Cloche d'Or". Non ce n'est pas fini. La perspective se prolonge. Il ne peut s'empêcher de se retourner pour voir le chemin parcouru et si la rangée tient bon -en changeant le point de vue. Il a marché, il a beaucoup marché. Tiens, il paraît s'immobiliser! Que ressent-il? Léger malaise? A quoi pense-t-il? Il n'a pas de smartphone, ce qui lui aurait permis de photographier et de faire album et, à la fois, de prendre des notes, c'est toujours utile, des notes! Peut-être a-t-il le souci de l'heure?. Voilà qu'il se gratte le front et redémarre. Deux jeunes femmes, l'une voilée, l'autre pas qui sont en très sonore conversation, le croisent et l'ignorent. Voilà! Il est au terme de sa peine (une peine volontairement acceptée), lit sur la plaque "rue Maréchal de Mailly". Des gens en jaillissent, d'autres s'y engouffrent. Il quitte le promenoir, descend sur la chaussée. Au-delà plus de portique, ce qui ne veut pas dire: fin  du commerce. Il lève sa tête et porte son regard au loin, de la fin au début de sa conquête de cette "rue Mailly" qui lui avait été conseillée. Il semble qu'il en veuille encore, jamais satisfait, le touriste. A rebours, donc! Au mouvement de ses lèvres, le décrypteur des images de la vidéo-surveillance, constate qu'il émet non pas des sons mais des chiffres,... il compte. Effectivement, il compte. Première portion...et 10 (en fait 12, si on y ajoute une colonne contre un mur et une colonne en vitrine). Deuxième portion...et 10. Plus 3 dont une "charnière", double: colonne ronde contre pilier cubique. Dans la révision de cette troisième portion, il est à la hauteur gourmande d'une pâtisserie de "spécialités catalanes", il regarde sa vitrine, il se sent un petit creux -c'est pas chou ça!- mais il ne craque pas, il continue d'additionner 2, 3, 4, 5, 6, 7. Dernière portion, la quatrième: 3. Ouf! 32 (ou 33 ou 34). Le touriste est content. Le Perpignanais sait-il que cette belle collection mérite reconnaissance, entretien et honneur dus à toute oeuvre d'art, mais aussi, pourquoi pas, allez, courage, chers édiles municipaux, célébration festive: LA GRANDE FÊTE DES 32 PILIERS DE LA SAGESSE PO POPU POPULAIRE. Le touriste salue et...quitte la scène de la Barre.  A propos qu'a donné l'investigation lexicographique du mot...BARRE!

xxx

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