Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Met Barran
24 novembre 2018

Le Castillet à Perpignan a 650 ans, ET ALORS?

Perpignan fait ce qu'elle peut avec ce qu'elle a. Elle n'a pas d'antiquité(s), mais elle a un pied dans le moyen-âge et l'une des preuves de cet ancrage est son (nôtre, vôtre) CASTILLET/ CASTELLET. Alors, pourquoi sous une forme ou l'autre -c'est l'intention qui compte- ne pas le célébrer. Un anniversaire en est toujours une opportune occasion. Surtout qu'à 650 ans (âge attribué à sa première érection), l'âge est déjà des plus vénérables même si c'est du vénérable lilliputien comparé aux cheveux blancs de Mathusalem et à ceux (on s'interroge encore sur une nuance de gris) de Lucy. Six cents cinquante ans, le Canigó -au loin, par-dessus les forêts, la Têt (née Tétis) longiligne mais boudeuse, où avait canoté un improbable "Pere Pinya/ Indiana Jones" et cette Basse, que les orages engrossaient parfois et précipitaient hors du  lit avec des riffs à faire pâlir Jimi Hendrix. Tet et Basse communiaient d'amour et sans vergogne aux pieds de l'auguste édifice (au jugement de la postérité patrimoinalisante du XX siècle). On dira que tout au long son existence, le "petit château" en a connu de vertes et de pas mûres, des histoires, des anecdotes, des disgrâces et des craques . Comme sentinelle et vigile par le passé quand l'ennemi chatouillé la pierre de trop près, quelles que soient les couleurs de son bonnet et de son gilet et quel que soit le gonfalon du grand frère auquel on fait sa plus obséquieuse révérence. Mais également comme orgueil, icône et idole du coeur de ville, depuis que Prosper (Mérimée) et les siens chasseurs en province éparpillèrent  aux quatre vents de l'hexagone les sains pollens du "respect du patrimoine" pour féconder des mentalités ataviques, rétives, ou pour le moins dédaigneuses...Délabrement et ruine ont eu moins de poètes.

Castillet témoin, miroir, et valeur. Castillet: "moignon" (pardonnez!) d'un ancien bras protecteur de la ville. "Échantillon" et "survivance" (pour le dire autrement) d'une ancienne fortification effacée du tableau de la ville, détruite par des OPA immobilières, moteurs d'une croissance urbaine carburant aux essences de l'irréversible Progrès. Heureusement tout ne fut pas rasé et la partie épargnée des remparts (d'anciennes enceintes d'autodéfense militaire et non pas de décors de cinéma ou d'opéras, Perpignan n'étant ni Cannes ni Orange) est, tout à coup,  devant les yeux du promeneur en centre-ville qui veut savoir s'il s'agit d'une construction véritable ou d'une giga-maquette. Bâtisse architecturale en état ayant bonne figure, que l'on dessine, photographie ou filme. Sur laquelle on se documente et que l'on visite si tant est qu'un escalier étroit et tournant n'effarouche pas. De la terrasse la vue sur le pourtour est assez belle et, guide en main, vous pouvez recréer  "un fait héroïque", remontant à 1475 - et de trempe bien horacienne ("Dulce et decorum est pro patria mori")- qui valut à la ville le titre de "Fidelíssima" décerné par Joan II, roi d'Aragon et Catalogne).  Ou, ce fait artistique, d'un "enveloppement" du Castillet en mai 1984 par l'artiste Josep Grau Garriga (1929-2011), une action vécue par certaines vestales de l'offre touristique et de l'intégrité monumentale comme une profanation.

  L'appropriation du monument par l'image ne date pas -de Visa pour l'Image. L'archive n'est pas avare en représentations picturales, graphiques, lithographiques, cartes postales. (De Teyssonières à Deloiry, l'histoire de son illustration reste à faire.). Les hommes et les siècles ont fait que ce vestige cristallise une intimité de la ville (pour tous ceux qui ne craignent aucune contamination de chauvinisme par la connaissance de son histoire) comme une singularité objective (pour tous ceux qui ne réduisent pas la ville à une voie de circulation mais à une opportunité de flânerie et de découverte de "choses d'intérêt" (autre que professionnel ou commercial.)  Fortification, cachot, bureau administratif, musée des arts et traditions populaires (Qui se souvient de Georges Henri Rivière?).  Repère historique, réservoir de mémoire collective, signe identitaire, symbole de tradition et catalanité  (le 3 octobre 1977 le président catalan en exil Josep Tarradellas et Paul Alduy, maire de Perpignan s'y rencontrent). Monument (qui n'intéresse pas uniquement les experts de l'ingiénrie militaire) réduit par l'économie touristique au décorum et au gadget civils: carte postale, pin's et magnet. Surtout "témoin immobile" (presqu'une Statue de commandeur) marqueur d'espoir et de bonheur à la Saint-Jean et dépositaire d'un legs de mystères, de secrets et de légendes, avec ou sans masque de fer, damoiseau ou demoiselle aux créneaux ou aux oubliettes, ravissements du lieu que content nos meilleurs pigeons à quelques étourneaux, l'automne arrivé.

  CASTELLET/CASTILLET, ah comme il aimerait avoir comme vous et moi des yeux et des oreilles  et tout savoir de ces musiques qui, à ses pieds solidement empierrés, sonnent... et ce jazz... et ce rock... et  ces sardanes...Mais qui sont ces foules qui passent, silencieuses ou braillardes! Alors, dites-moi, il y a 650 ans (à quelques semaines près, ne chipotons pas) en quelle (s) langue(s) ces processionnaires se parlaient-ils? Que chantait-on, que dansait-on, et quel instrument nous aurait fait danser et chanter si nous avions été des contemporains?

Une sélection de VINGT OEUVRES parmi les résultats du Concours Artistique lancé à l'occasion de ces 650 ans sont visibles depuis le 23 novembre et jusqu'au 16 janvier 2019sous la Verrière de l'Hôtel Pams de Perpignan, rue Emile Zola.

xxx

Publicité
Publicité
Commentaires
Met Barran
Publicité
Archives
Publicité