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Met Barran
16 décembre 2018

F. Fossa,W. Scott & Ch. Dickens

L'épistolier François de Fossa ne déteste pas tremper sa plume dans une langue moralisante et en travailler la tournure jusqu' au trait de sagesse populaire, ou l'aphorisme. Quelquefois, il fait appel à des auteurs, à ses bons auteurs qu'ils s'appellent -nommément cités- Mlle de Scudéry, Mme de Staël ou J.-F. Regnard, quelquefois il utilise une citation dont il laisse dans l'ombre l'auteur. (Notes...)

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    Politiquement modéré, notre capitaine ( Fossa rentré d'Espagne en France est entré dans l'infanterie avec ce grade) est de tempérament rageur et, paradoxalement, accommodant. Rageur, disons en coulisses, sous le sceau d'un courrier mais réaliste et pragmatique quand il se doit d'affronter la scène. Il aime alors verser quelques gouttes de sa philosophie pour l'information (l'"édification" de Thérèse, sa soeur, au cas où cette dernière désespérerait de son xiquet, de son frérot: "Plus je vis et plus je suis persuadé de la vérité de cette sentence que j'ai trouvée dans un poète anglais : "L'homme n'a besoin ici-bas que de très peu de choses, et il n'en a pas besoin longtemps" (Lettre 31 mars 1816).

    L'intérêt de Fossa pour la langue anglaise est connu et ancien. N'envisage-il pas un moment de partir en Amérique (aux États-Unis) et à un autre moment en Angleterre. L'anglais comme le castillan, il commence à l'apprendre en Espagne, puis au Mexique et sa passion pour sa belle de Cadix: Jane/Juanita/Jeannette Lynch Vaughan, anglo-irlandaise, accentua son ardeur linguistique. L'anglais, il l'écrit. Lecteur, sans doute, l'est-il aussi ? Il ne cache pas le plaisir des livres et le besoin de leur compagnie. Lit-il des ouvrages anglais dans la langue de Shakespeare, il ne le précise pas. A-t-il accès, seulement, à des traductions? Peu importe. L'essentiel serait de découvrir qui, dans la réalité, est ce (sine nomine) poète anglais. En marche donc, vers la découverte.

Le hasard, parfois, fait bien les choses.  Ce hasard a pris, pour nous, la forme d'un livre -qui connut sa première existence en feuilleton hebdomadaire- un livre qui traînait sur une table et s'orne de ce titre "Le magasin d'antiquités". Son auteur est Charles Dickens, un grand. Il s'agit de la traduction d'un de ses romans "The Old curiosity Shop" datant de 1840.... Anglais? Allons-y! Je le feuillette...on ne sait jamais... et -comme aimanté par une présence - je m'arrête page 153 (non, il n'y a là aucune symbolique) et je lis:

 “ Puissions-nous , s'écria Richard en piquant sa fourchette dans les flancs d'une grosse pomme de terre rissolée, puissions-nous ne jamais connaître de pire moment que celui-ci! J'aime cette manière d'envoyer les pommes de terre avec leur peau; il y a quelque chose d'agréable à tirer ce tubercule de son élément natif, si je puis employer cette expression, et c'est un plaisir que ne connaissent pas les riches et les puissants de ce monde. Ah! L'homme ici-bas a besoin de bien peu de chose, et il n'en a pas longtemps besoin! Comme c'est vrai cela...après dîner.”

Ah! Ah! Çà y est: j'ai trouvé! L'innominato de Fossa c'est...notre Dickens. Mais, très vite, il me faut déchanter, car ce Charles Dickens (1812-1870), connu principalement comme le père d'Olivier Twist et David Copperfield, est né... 37 ans après de Fossa. Un sacré bail!  Les dates, les chiffres ne trompant pas (bien qu'il arrive que nous nous trompions en les comptant), il faut bien nous rallier à l'évidence: le géniteur de la phrase sur notre table de travail ce ne peut pas être lui. Il ne sera -comme Fossa- qu'un emprunteur, un " citationniste". La belle phrase, pimpante et signifiante, il l' a faite sienne-ça continue à se pratiquer de nos jours- pour souligner sa cause, éclairer sa philosophie, parfaire sa radioscopie et...sans doute frimer, ce qui, bien sûr n'est, dans la grande galerie des glaces de l'histoire, ni erreur morale ni péché esthétique.

Fossa, souvenons-nous, reproduit la citation dans une lettre de mars 1816. Or,  à cette date, Dickens est "vieux" de... 4 printemps et, comme il n'est pas le Mozart de la littérature anglaise, il ne peut l'avoir écrite en la même date.  Impossible étant aussi français qu'anglais!  D'ailleurs, Dickens, il attendra presqu'un quart de siècle pour la glisser dans le quatrième titre de sa bibliographie. Ainsi le père de plume d'Oliver Twist et de David Copperfield n'est pas le (sine nomine)  "poète anglais", que nous cherchions à découvrir, à démasquer. Qui peut donc bien être l'auteur? Non, Fossa tu ne nous aide pas,  Alors qui? Il faudrait quelque fin limier de la trempe de Sherlock Holmes, mais ce grand détective est encore loin de pouvoir s'éveiller dans l'imagination d'un non encore advenu Arthur Conan Doyle (1859-1830).

Oui, le hasard fait bien les choses. En déplaçant sur le coin gauche de ma table, un document pour en ramener un autre à ma vue, je reconnais  une note concernant l'inventaire post-mortem de François de Fossa et entre autre de sa bibliothèque. Note, semble-t-il, précieuse puisqu'elle contient cette mention "oeuvres de Walter Scott". Le père d'Ivanhoé (1819) est l'unique auteur anglais. Ah! Ah! Serait-ce la bonne pioche? Posons-nous un peu: Walter Scott (1771-1832). Un vrai contemporain de François de Fossa (10775-1849).  Sa bibliographie consultée, il appert qu' à la date de 1816, il a déjà publié un nombre non négligeable d'ouvrages, aussi bien de poésie que de prose. (Le poème "La bataille de Waterloo" (The field of Waterloo), dédié à la princesse de Wellington est de 1815 ou le roman Waverley de 1814.).  Mais l'ouvre de W. Scott est abondante pour y repérer d'un coup de dé (aiguille dans une meule de foin): "L'homme n'a besoin ici-bas que de très peu de choses, et il n'en a pas besoin longtemps". Il faut pour cela quelque preux chevalier de la scotty, ce que le bafouilleur de ces lignes n'est pas. J'arrête ls frais. La seule chose que nous lui permettrons d'avancer pour conclure, c'est que de Fossa et Dickens ont probablement eu accès à la même source. (La recherche continue...)



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