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Met Barran
15 janvier 2019

Véronique Barrier ou la danse médaillée

La Ville de Perpignan a donna sa Médaille à une artiste aussi opiniâtre que discrète, aussi fidèle qu'active : Véronique Barrier°

On se dit que, somme toute le bilan, n'est pas vain. Puisque une médaille est là. Mais qui s'en réjouit le plus. Celui/celle qui la donne ou celle/celui qui la reçoit. De quoi cette médaille est-elle le nom? D'une reconnaissance ou d'une mauvaise conscience? Peu importe, pour difficile qu'ait été et que reste le statut d'artiste en province, et à Perpignan. Je (Véronique Barrier) j'aime ma ville. J'ai choisi d'y vivre et travailler. Ce fut portée par un courant de la modernité du milieu du siècle passé.

Je (Véronique Barrier) fis ce choix-là parce que l'on ne peut s'enclaver dans la permanence, la répétition du même, la reproduction d'un modèle ou, dit dans la langue d'aujourd'hui, une pure application locale d'un logiciel universel.
On ne revient pas dans son lieu, comme repli après un insuccès, ou pour une planque au soleil, même si le soleil est à certains plus qu'à d'autres provision de vitamines.


Je n'aurais pu choisir un lieu pour m'y encroûter ou, avec quelque pouvoir en main, y légiférer. Ce n'était pas ma philosophie. J'inclinai plus vers l'utopie, et aujourd'hui encore...le sentiment l'emporte sur l'intérêt.
A Perpignan, chez moi, revenue pour y lancer un défi...d'implantation et m'y épanouir. Avec d'autres, et au service des autres sur le même chemin. Je (Véronique Barrier) danse à Perpignan  depuis... le début des années 1980. En ce temps le paysage culturel de la ville était bien dépouillé, sinon désertique. Peu disposé à enrôler pour un nécessaire développement, une jeune dame, sortie d'un Faculté des Arts.


Un champ artistique, la danse, qui ici comme en beaucoup d'autres endroits (mais ce n'était pas le cas du Montpellier de Dominique Bagouet, puis de Mathilde Monnier) n'a pas spontanément bénéficié de la part des autorités (et d'un public peu ou mal informé) des attentions que méritait  ce langage du corps, du mouvement et du rythme. Un langage qui explore de l' inconnu, de l'insoupçonné ou qui donne de nouveaux contours au connu ou qui est, tout simplement un apprentissage de l'espace. Langage d'éphmères architectures dynamiques. S'y déploient de l'énergie, du courage et un désir inséparable d'une curiosité amoureuse sans sommeil. L'émotion (ne prouve-t-elle pas que nous sommes?) en est le principe et la fin.

Je (Véronique Barrier). C'est une intersection d'ici et d'ailleurs. Intersection qu'elle s'est employée, le talent et l'honnêteté en étant les principales forces, à inscrire sur la scène culturelle et créatif de la ville et du département des projets dignes de grandes capitales.

 
Je (Véronique Barrier) dans son art, jamais abandonné au routinier ou au je me place, toujours mis en doute, est une fée voyageuse autour du dedans et du dehors (des personnes et des choses). Un agent de fiction et volupté.

Puisant et revivifiant sa formation aux meilleurs sources. Ayant compris -très tôt- que la danse ne se résumait pas à une galerie de clichés des petits chats et entrechats. Croisant les figures (devenues grandes) des studios qui inventent et innovent. Et demeurant fidèle aux orientations contemporaines de sa discipline: éloignée de la beauté calculée sur des pointes, au bénéfice des éblouissements de l'improvisation majuscule. Je (Véronique Barrier) danseuse et chorégraphe. La chorégraphie a bien sa place sur le fronton des arts plastiques.

Concevant des projets et réalisant des oeuvres (se refusant à fabriquer des produits formatés, des articles à la mode tiroir-caisse) que, rappelons-nous, ni l'institutionnel ni le médiatique, peut-on le dire sans jeter dans quelque chagrin celui et celle qui, ne s'empressèrent à la considération. Jamais une aide franche et conséquente. Au mieux: un geste miséricordieux. Alors, comment ne pas décourager l'artiste du lieu, engagé et passionné, Je (Véronique Barrier) à peine entr'aperçue dans l'ombre de quelque vedette nationale ou une star internationale pour qui fleurissent reportages, affiches et...trailers (soyons de notre siècle).

Combien, il est plus facile d'applaudir ce qui est déjà fait, n'est-ce pas, que d'aider à quelque entreprise nouvelle?


Je (Véronique Barrier) c'est une bien réelle contribution à l'enrichissement de la mémoire artistique et culturelle de sa ville. Ne lui demandez aucun press-book, elle n'est pas notaire fétichiste de ses actes. Mais et dommage pour celles et ceux qui l'ont manquée- l'oeuvre est bien là. Nourrie de littérature, de cinéma, de chanson, de musique (étant aux premières heures du Perpignan électro-acoustique et acousmatique), de peinture (fille du peintre Madeleine Barrier, et l'une des modèles de la grande Maria Lluís).  

Une oeuvre faite d'audaces créatrices. D'animation de compagnies. De festivals. De journées consacrées, comme il se doit, à l'expression chorégraphique. Par elle (Véronique Barrier, oui!)ont été connu.e.s ou sont venu.e.s à Perpignan (c'est où, àa!) des grands noms de la scène chorégraphique mondiale. Respectés et célébrés, marqueurs de leur époque. Carolyn Carlson, ça vous dit? Ça vous dit, Marc Tompkins?  

Faite aussi d'une implication pédagogique. Héritière d'un sang neuf de la danse, elle (Véronique Barrier) l'a transmis à celles et ceux qui l'ont approchée, qui ont été ses élèves au palais des Congrès, d'abord  ou -depuis 1994- au Conservatoire (peut-être un au-delà du geste miséricordieux ?) En aucun moment de son  parcours (le mot carrière n'a jamais trottiné dans ses rêves) elle n'a contrarié l'honnêteté au coeur de son travail ni l'empathie poétique  pour les autres, public et collaborateurs.  Le sens de l'équipe, ce joli nom de "Compagnie", et cette façon bien élevée de montrer n'y tenir qu'un rôle humble. Le goût de l'expérimentation et du croisement des arts et des techniques au service de la liberté du mouvement.

Ne pas s'encroûter. La caravane toujours en marche. Ne pas craindre le risque de l'aventure. Et cette imagination de Véronique Barrier jamais surprise en état d'hibernation. Présente, Je (Véronique Barrier) telle quelle. Changeante, mais, à la gouverne. En âme ouverte, consciencieuse, et gaie, même quand le morose s'ingénie à énerver l'arc-en-ciel. Telle qu'elle! Qu'elle apporte ses figures libres au spectacle "Amb la força de l'Amor" de Jordi Barre (Toulouse 1991) ou au chef d'oeuvre "Le paradoxe du Miroir" avec la compagnie Caravane (Perpignan 2015). Qu'elle s'empare du bel escalier de la place Molière ou des jardins de Sant Vicens ou de la villa "Les Tilleuls" (Bibliothèque Bernard Nicolau). Qu'elle habite  une "Nuit des Musées". Qu'elle lance un fascinant "Je vole" au Théâtre de l'Etang (Saint-Cyprien) ou qu'elle mêle son écriture à "La Mémoire des sables" (de Carthage) au Campo santo de Perpignan en ouverture des Estivales 2008. Ou, encore, qu'elle dise ses affinités pour le bilinguisme avec le poète chanteur Miluc Blanc ou le poète chanteur Pere Figueres. La danse comme la musique ne transcende-t-elle pas les compartiments linguistiques de notre voyage dans le temps?

2019. Une médaille, tardive?

Preuve cependant que la ville de Perpignan a fini par la (Véronique Barrier) remarquer.

° La cérémonie de remise a lieu lieu il a deux semaines, en la chapelle basse de l'ancien Couvent des Minimes.

xxx

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