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Met Barran
10 mars 2019

Et le Président trancha

Ils étaient venus de tous les coins du territoire. Certains avaient du emprunter pour financer leur voyage aller et retour. D'autres avaient demandé et obtenu une semaine exceptionnelle de congé. L'affaire était des plus sérieuses et il fallait se résoudre à lui trouver au plus vite une solution qui plût à tous et à toutes. L'assemblée était au grand complet. Nul ne s'était fait remplacer et parlerait donc en son nom. Le président battit des mains pour éteindre les bavardages d'avant débat. Chacun y alla de son intelligence et de son accent. D'aucuns ayant éparpillé leurs notes peinaient à les rassembler. C'était certainement les meilleurs d'entre eux -cela dit sans volonté discriminatoire. Les "écoutez-moi" et les "non, monsieur ce n'est pas ce que je dis" ne manquèrent pas. Festival de chamailleries. Un port de tête à gauche, suivi d'un port de tête à droite, le Président présidait. Et l'assemblée se déroulait, s'échauffait, s'allongeait en verses et controverses, en gloses et contre-gloses. Souvent tirées de derrière les fagots de l'avant dernière taille de la vigne du pain de Sucre du grand-père. Mais, connaissez-vous une plus convaincante argutie que celle tirée d'une bonne bouteille de vin millésimée et génialement étiquetée comme on sait le faire chez nous. Le Président acquiesçait, mais ne parlait pas, ses yeux laissaient transparaître comme des lueurs d'harmonie avec ce qui se disait. Cependant le moment approchait et il lui faudrait trancher. C'est à lui qu'il revenait de conclure. Il fit mine de regarder sa montre mais s'aperçut qu'il n'en portait pas. Le temps réservé au débat touchait à sa fin. Le dernier intervenant allait prononcer sa dernière phrase emmaillotée pour la postérité. Alors, le silence se fit dans la salle et le temps d'une brève récréation, les mouches que l'on avait autorisées à pénétrer dans le saint des saints républicains, purent voler en paix. Et pareil à un essaim d'abeilles toutes les attentions se  portèrent en même temps sur le Président. Il ne broncha pas de son poste. Il était aimé de ses majorités comme de ses oppositions parce que conciliant. Malgré les dialectiques à la serpe qui s'étaient affrontées, éventrant les uns, scalpant les autres, il ne fallait pas en douter, ce qui allait sortir de sa bouche serait le suc de la vérité  démocratique.  Sur tous les rangs on s'impatientait. Et on scrutait la moindre moue annonciatrice de la sentence. L'impatience était la même sur tous les bancs. Un tantinet plus nerveuse (remarqua sous une moue le Président) chez ce jeune loup au cheveu en brosse du fauteuil cent cinquante neuf que chez ce cheval de retour à la crinière enneigée du fauteuil soixante-dix-neuf qui tant lui ressemble.  Le Président, M. le Président, savait ce qu'il avait à faire. Qui a l'oreille fine et sait écouter, est le plus prompt à décider.  Enfin, M. le Président, allait prendre la parole  et quitter l'âge de la moue pour celui du discours. La salle retenait son souffle. Le Président se dressa en prenant appui sur la table de sa tribune. Il racla sa gorge -s'y reprit à quatre fois -pour que rien , pas poil de corde vocale, n'encombrât le passage de la vérité. Toute l'assemblée, le vit grimacer (en fait son visage exprima furtivement une souffrance, car il n'est de sentence pour bénigne qu'elle puisse nous apparaître qui n'ait coûté peu ou prou à celle ou celui (ici c'est lui) qui la prononce et le Président, droit comme un I et sur un ton de baryton Martin, trancha:

"Mon avis est le suivant: pourquoi pas ?"

xxx

 

 

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