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Met Barran
11 juillet 2019

DULUCQ, le peintre de rue, n'est plus.

Nous l'avions connu au début des années 70, grâce à Phlippe Olivier, son ami et condisciple des Beaux-Arts de Bordeaux. Philippe, alors chanteur qui deviendra marionnettiste et rejoindra le sud-ouest. Et lui, Jean-Pierre Dulucq, peintre, formé, après Bordeaux, à Paris, dans l'atelier de Chapelain-Midy. Jean-Pierre (Bibiou pour les proches) choisit de s'installer à Perpignan et d'y développer son métier de peintre et y fonder famille.

Courageusement, à la seule force de ses pinceaux. Dans une période de remise en cause de la peinture figurative et décorative, où se trouvaient ses valeurs. Lui n'avait nul besoin qu'on lui fasse la leçon. Il savait comment s'appelait sa liberté: plaisir à peindre, mettre la vie en tableaux.. A dialoguer avec ce que ses yeux avaient remarqué d'intéressant ou de pittoresque, dans son environnement. Cet environnement, ce fut pour une très large part, le coeur de Perpignan. Il y avait résidence et atelier. Ce coeur de ville sera sa grande passion, son "plein air". Places et ruelles, bâtiments, commerces et surtout les gens...Un coeur de ville au rythme duquel il vivait mais dont il savait également s'éloigner, pour plier aux souhaits de sa palette un arrière-pays ou un littoral. Dulucq n'était pas un peintre photographe ou documentariste, mais un peintre comédien, au sens où il dansait avec les formes, où baignait de fantaisie la figure ou la scène qu'il composait. Il ne concevait la géométrie que par son versant souple, doux, insoumis.  Sa grande liberté et son bonheur: peindre. Un idéal qui avait été celui d'un Desnoyer ou d'un Bonel desquels  il revendiquait quelque héritage autant que de Cézanne. Aucun genre ne l'effrayait, il avait pour chacun les atouts nécessaires. Il goûta même à la fresque. Et dans toutes ses créations il y flottait un esprit de fête, de gaieté, de bonne société.

Ses talents graphiques et chromatiques étaient reconnus. Il allait au chevalet avec la même conscience du bien faire que celui  d'un artisan mais n'était pas un productiviste. Il s'accordait du temps. Pour poser son regard, rouler une cigarette, boire un pot, partager une blague ou un souvenir. Il ne se mettait jamais en avant. Ni ne mendiait de cimaises ou quelque coup de pouce médiatique. De la même manière qu'il avait su à son arrivée à Perpignan se joindre aux élèves des cours du soir de l' École d'Art (car il y eut une école d'art!) , de même se plût-il à travailler dans l'ambiance d'académies. Discret, studieux, tel un débutant. Il y avait en lui quelque chose d'un autre temps, de la nostalgie. Il y avait en lui une sensibilité humaniste par où se marquait sa résistance à tout ce qui était hyperréalisme, et numérique? Son crédit allait à l'imagination et à la mémoire, plus qu'à la spéculation ou à l'invention. Sa peinture a été qualifiée à très juste titre de "peinture hédoniste" (J.M.C.) et on a vu en lui un représentant de "l'Art à la portée de tous" (Paul Hallenaut). Il était, c'est vrai, un exemple du "peintre de la rue", inscrit dans le tissu social, interactif.

 Jamais en marge de la vie culturelle de sa ville d'adoption, membre du  "Collectif des Artistes de la Révolution » (allusion à la rue de la Révolution Française) Preuve de son activité et de l'impact de ses oeuvres, Dulucq figure dans l'ouvrage "Art & Artistes en pays catalan au 20° siècle » (Jeune Chambre Économique -Perpignan, 2000). En 2004, Dulucq est lauréat d'un grand concours d'expression plastique lancé par Mme Brigitte Bélair sur le thème: « Rues, ruelles, places, placettes ». Un thème qui ne pouvait que le ravir. On le vit sur les cimaises du palais des congrès Georges-Pompidou. Perpignan commença alors à ouvrir un assez bon oeil sur lui qui déboucha ses dernières années sur l'animation d'un atelier et des expositions de fin d'année avec ses élèves (mairies du Centre ou du Haut-Vernet). Il avait aussi des admirateurs et des soutiens en dehors de Perpignan et du département. Partout où une place était offerte à l'art populaire. que ce soit à Claira ou à Saint-Estève, ou  en Aquitaine ou Aveyron. En 2009, il fit une de ses plus belles expositions à la Galerie des Hospices, à Canet. En 2010, il était l'Invité d'Honneur du Salon des arts plastiques de la ville du Soler. En 2012,  était présentée une sélection de ses travaux à l'Hôtel de Région (avenue du général de Gaulle). Fin 2017-début 2018, il partageait avec un autre artiste et sur le thème des "Féminités", la Maison de la Catalanité.  Une notoriété en ascension: Invité à des festivals (ex.: "Sirocco", rois de Majorque), membre de jury (ex. "Biennale de Printemps")...Sa dernière participation aura été à l'exposition "TOUTES TOILES DEHORS", à Vingrau.

"Qui ne connait Jean-Pierre Dulucq le peintre populaire que l’on rencontre dans le centre historique de Perpignan, assis sur sa chaise pliante, devant son chevalet, peignant et bavardant avec les passants. Un artiste aux cheveux «  poétiques » qui l’auréolent évoquant à la fois Raymond Peynet et le Petit prince de St Ex., toujours souriant, la tête dans les étoiles et les pieds sur le trottoir." Ces lignes extraites d"un article de Paul Hallenaut, paru dans "Le Petit Journal" sont le très juste portrait d'une figure artistique, sociale et généreuse qui vient de nous quitter et attriste la communauté artistique et poétique.  

Que Sylvie, son épouse, et toute sa famille trouvent ici l'expression de nos condoléances les plus émues.

xxx

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Commentaires
M
merci pour ce beau témoignage qui retrace la vie de cet Hédoniste avec un grand tallant .
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Met Barran
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