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Met Barran
6 décembre 2008

JEAN THIERY (1924-2008) UNE BELLE EPEE DU JOURNALISME REGIONAL

Une casquette à carreau, un duffle coat, une écharpe autour du cou. Il descend de son vélomateur et le range, devant le journal ( l'édition régionale du Midi Libre) place Arago, Perpignan. Il est journaliste. Il se dirige vers le Café (s'appelait-il le Cintra, ou l'American bar), où il allume une cigarette, puis commande un demi. Tu passes par-là, et il t'interpelle, t'invite et ça cause. Il cause, plaisir des mots, des bons mots, des pointes. "On s'en fait un autre p'tit père".  il harponne et désarçonne. C'est un jeu, sa gymnastique du matin. On ne commence que vers dix heures dix heures trente dans son métier. Son sport favori: la conversation, pour lui qui ne goûte ni les jeux du stade -bien que d'origine de Reims- ni ceux du ring. Son affaire: la dispute intellectuelle. Non pas pour tchatcher sur tout et sur rien. Tout ne l'intéresse pas, et le rien, il n'y touche pas. Il lance une anecdote pour dégonfler une rumeur, il construit dans sa tête une hypothèse qu'il te soumet. Il pratique l'antiphrase ou la prétérition, jamais l'interrogatoire musclé, et fait son petit marché aux nouvelles dont il remplira x feuillets. Il y a beaucoup de monde qui passe dans un café. Il est journaliste. Il a l'adresse de faire parler, et la précaution de vérifier ce qui lui a été dit ou qu'il a cru comprendre avant d'écrire et de publier. Il ne lance rien en aveugle: question de crédibilité. Et de crédibilité, il en a. Tant du côté du monde politique, enfin de cette frange qui dit faire marcher les affaires publiques, comme du côté du monde culturel, où il est véritablement dans son élément. Comme un poisson dans l'eau. Un poisson sacrément brillant par l'intelligence, la connaissance et le style. Tout de go, ruisseau en tempête, se tranquilisant en eau plus classique ou se cabrant en remous baroques, courant vif comme l'écriture jamesellroyienne, jusqu'au point final. C'est vivant, rapide, efficace, plein dans le mille. Dans la louange , dans la réserve et la tance.  Mais, notre homme (poids plume dans la vie), titille et brocarde plus qu'il ne semonce. Journaliste des plus avertis, il n'ignore pas qu'il a un certain privilège de pouvoir. Il n'en abuse pas, ou alors contre  les superstars des mal-embouchés, mais jamais à coups de hache. JEAN THIERY a consacré au journalisme toute sa vie et fut, longtemps des années 50/60 aux années 80/85 la première épée de la presse locale. Premier en tout, pourrait-on dire, ce qui valut à ce localier et fier de l'être quelques jalousies à l'ombre des autres titres en concurence dans la paroisse La Dépêche, L'Indépendant...Le chroniqueur, un brin systématique pour les uns, trop lyrique pour quelques autres, faisait référence en matière d'analyses culturelles: théâtre (héritage Jean Vilar), littérature (enthousiaste d'Aragon, il fut l'un des premiers à l'être de Claude Simon), musique (il fut le tambour d'une belle empoignade entre la municipalité et des mélomanes pour l'acquisition d'un piano Stenway), peinture (c'est le territoire où il était le plus lu et- craint, en particulier par les jeunes pousses de la génération Viallat; lui était plus proche du sculpteur Roger Mauréso, sur le front de l'école des Beaux-Arts), et cinéma (sait-on qu'il fut l'un des co-fondateurs avec Marcel Oms et quelques autres des "Amis du Cinéma", aujourd'hui enveloppé dans la très institutionnelle cinémathèque eurorégionale "Institut Jean Vigo?". JEAN THIERY avons -nous appris n'est plus... Devenu retraité, il ne s'était plus manifesté. Il s'est éteint voici déjà quelques jours dans le sud-est, près de sa fille Eva  qu'il avait rejointe, il y a plusieurs années, après la mort de son épouse Jacqueline. Journaliste qui n'avait jamais mis ses convictions politiques -de gauche- dans sa poche ni tut son jacobinisme, il ne semblait pas avoir compris grand chose à la catalanité que développaient, depuis les mêmes colonnes du Midi Libre, un J. Tolzà et un P. Verdaguer. Pour lui, cette catalanité avait l'air une petite guerre des tranchées, aussi dépassée que droitière. Non, il n'avait pas toujours raison, mais l'entêtement n'est pas la gale des défauts, et le stylet de l'impterinence fait du bien à des peaux en danger de se durifier. Sous le nom de Jean Thiery, de J. T. ou de La Hire -pseudonyme dont il usa mais en clin d'oeil au compagnon de Jeanne d'Arc plutot qu'au nom de plume d'Adphe D'Espie, apparenté à Aristide Maillol. Durant le temps qu'il tint sa belle plume en éveil, il nous fit du bien. Et ne manqua jamais à ses amis. Il avait 84 ans.

Amy PARMI-DHOTRES

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