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Met Barran
24 décembre 2008

JACQUES GAUDEL (Brest 1912-Canohès 1984)

"Non, il n'y a aucun clairon dans l'air appelant à une quelconque commémoration. Tout juste une claie qui s'entrouve dans la mémoire. Cet homme, celui que je vais évoquer, fut un proche, un ami. Rencontré et apprécié assez tard. Il avait déjà beaucoup vécu, aimé, lutté , il est des moments d'histoire qui ne faut pas de cadeaux à certains êtres. Lui en apportait les séquelles dans son souffle. Il avait été photographe de plateau de cinéma et beaucoup bourlingué quand je le connus, il habitait à Canohès (66000), dans un lotissement qui venait de sauter les limites du vieux village. Jacques Gaudel (1912-1984) était lié à l'encadreur d'art René Fourquet, au sculpteur Roger Mauréso, au prospecteur d'art autre Claude Massé, au notaire mécène Marius Rey. Etre dans le compagnonnage de ces cinq êtres d'excption était aussi instructif que stimulant, enrichissant par tous les pores de la vie. Ce qui, le plus, surprenait chez Gaudel c'était un prestige qui l'auréolait auprès des plus jeunes, prestige acquis dans une période sur laquelle il demeurait élégamment discret, même taquiné suivant des stratégies interrogatives rusées. C'était, moins le fait qu'il avait appartenu au monde du cinéma, ou qu'il avait été lié à une étoile internationale de la scène et de l'écran Jany Holt (1912-2005), voire même qu'il ait fait la guerre, ait été prisonnier et blessé, il ajoutait, dans ce domaine, un tablier de pudeur à sa naturelle discrétion. Non, le prestige, pour nous qui tenions là "un historique", il le devait d'avoir fait un bout de chemin avec les Surréalistes. En participant à telle ou telle exposition (inter)nationale. Prestige du peintre surréaliste, et mieux puisque plus rare d'illustrateur et de graveur: une province même la plus fertile n'est pas riche en toutes choses.  Graveur sur bois: ah! la belles xylographies! Des tirages tels des accouchements! Celui qui avait eu la chance de pénétrer chez lui (et Denise, son épouse), qui avait bénéficié du privilège de découvrir son "bateau" imprimerie avec presse à main et tutti quanti d'indispensable à l'exercice de cet art de la belle composition et de la belle représentation: plombs, caractères (bas et haut de casse) et encres. Un atelier d'imprimerie de l'avant offset c'était un jardin de délicats parfums, fleurant bon le printemps littéraire, avant que le politique n'inscrive ce dernier dans notre calendrier grégorien. Là, enfin, on découvrait la grandeur de l'humble Jacques Gaudel: magicien du livre illustré. Le livre, conçu non pas comme un banal produit broché proposé à la tournante commerciale, mais comme une oeuvre d'art, unique ou à tirage limité, généralement en feuillets mobiles. Le respect réciproque et la confiance se tissant entre nous, l'idée de faire des bouquins originaux avec des auteurs régionaux débutants ou confirmés nous vint. Lui en exprima le souhait, je lui servis de "recruteur" d'auteurs. Bien plus que d'une édition, ce fut, à chaque fois, un beau geste d'amitié: sceller des noms sur un joyau scripto-visuel. C'est ainsi que Jacques Gaudel "réalisa" (au sens que la radiophonie et la télévision donnent habituellementau métier de réalisateur) des oeuvres comme en 1975 La Nomade de Georges Roquefort et en 1977 Contes immoraux et fantasques de Jean-Louis Roure. Deux auteurs qui, en ce temps, avaient des poèmes hébergés dans la revue surréaliste "Phases" d'Edouard Jaguer, alors héritier d'André Breton mais plus par le canal Jean Schuster que celui de José Pierre, les spécialistes saisiront le distinguo. L'un des grands titres de la série catalane d'objets d'art de l'imprimeur illustrateur de Canohès ce fut en 1982 Monsieur Antonio et autres récits de Ludovic Massé (1900-1982), l'auteur eut tout juste le temps de le voir imprimé avant de s'éteindre. Certains datent de ce livre la redécouverte éditoriale du grand romancier du Vin pur. Autre entreprise conséquente, ce fut en 1976 Le rendez-vous de Perpignan George Sand-Frédéric Chopin sur un texte de Casimir Carrère, l'un des auteurs les plus vivaces de la Compagnie des Tréteaux qui avait fait les joies de la scène perpignanaise, entre 1918 -1938, puis dans la première décennie d'après-guerre. Naturellement Jacques Gaudel, disciple en typographie et linotypie de l' intelligence graphique d'un Louis Jou avait autoproduit "aux dépens d'un amateur" aimait-il écrire sur la couverture de certains livres un Ferdinand contenant un choix de contes d'Alphonse Allais (1854-1905) dont il partageait la qualité d'humour. C'était en 1978, il y a trente ans. Jacques Gaudel, en très peu d'années, enrichit de quelques beaux trésors le patrimoine imprimé et graphique des Pyrénées-Orientales. Les Médiathèques et Musées lui rendent-ils justice dans leurs catalogues, c'est ici une toute autre histoire."

J.Q.

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