Il se disait incompris du monde. Il avait une

 Il se disait incompris du monde. Il avait une très mauvaise tête. On sentait que cette incompréhension durable, car, à ses dires, il y avait un moment qu'il était « sur le pont » lui donnait des brûlures d’estomac. Cela se voyait sur son visage. Comment le soulager ? Chez la plupart d’entre nous la compassion est spontanée, presqu’innée. Comment le soulager d’une pareille et si injuste infortune et voir disparaître de son front les ombres de la douleur ? Comment faire cesser le nerveux rabougrissement de ses doigts ? Des doigts jusqu’ici si prompts à faire des pleins et des déliés sur la vie et pour sa gloire. Il se disait incompris du monde et avait, ce matin-là, une tête encore plus mauvaise que la veille, l’avant-veille et les trois mois précédents. On s’inquiéta de lui. Beaucoup de monde l’entoura. Chacun se voulut le plus prévenant, le plus attentionné dans la main tendue qui se referme presqu’aussitôt et le mot qui aide et qui -rarement mais cela arrive- sauve. Un mage s’était même approché, poussé par les « on ne sait jamais », « il n’y a rien à perdre », « essayons, on verra bien ».  Le mage dévisagea d’un air d’abord ahuri, et ensuite avec les yeux du parfait ravissement divin la très mauvaise tête qu'il prenait, enfin, dans ses mains –on aurait dit celles d’un plâtrier- pour la tourner une fois sur la droite, une fois sur la gauche. Arriverait-il à la décoincer ? La foule retint son souffle. La tête s’affichait toujours aussi mauvaise. Le mage réitéra son opération de  sans résultat. Le mage conclut, alors que nulle personne ne le réclamait, « il se disait incompris du monde, il le restera. » La ribambelle des soignants et aide- soignants commença à se disperser, laissant seul l’incurable avec sa mauvaise tête et ses brûlures d’estomac d’être resté si longtemps « sur le pont ».

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