Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Met Barran
27 mars 2012

Chute de Napoléon, et après

François de Fossa (1775-1849),  revenu en France en 1813 lors la retirada des troupes du maréchal Soult et avec les nombreux afrancesados, fonctionnaires ou simples soutiens de l'administration de José Ier, se trouve à Paris au moment de la bataille de Paris, le 30 mars 1814, date qui marque la chute de Napoléon. De Fossa y est avec celui qu'il ne cesse d'appeler dans sa correspondance avec sa soeur Thérèse Campagne, son "bienfaiteur": Miguel José de Azanza, Duc de Santa Fé dont il est l'un des secrétaires particuliers. Voici le reportage que ce témoin oculaire -qui ne passa pas tout son temps sur les cordes d'une guitare-  adresse à sa soeur perpignanaise et autres parents et amis. C'est du live, du chaud, du direct. Nous avons retenu deux lettres, des "articles" de deux lettres qui renseignent sur l'actualité ainsi que les sentiments et opinions de leur auteur.

1) Paris le 12 avril 1814

« Que d’événements dans de peu de jours, ma bonne amie ! et que je suis aise d’avoir vu par moi-même cette étonnante révolution ! Buonaparte chassé du trône, lui et toute sa famille ; celle de Bourdon rendue aux voeux des français ; une charte constitutionnelle qui ménage tous les intérêts et rallie tous les esprits : tel est en peu de mots le grand, l’inespéré changement dont je viens d’être le témoin. Peut-être ai-je encore été plus étonné des vertus, de la modération, de l’amabilité du vainqueur que du bouleversement dû à ses victoires. Quelle différence entre les coalisés à Paris et les français à Madrid ! Disons le à la confusion de ces derniers. J’ai vu l’irruption de ces français, jadis appartenant à une nation regardée comme la plus aimable de l’univers ; je les ai vus transformés en bêtes féroces, satellites du plus affreux des tyrans, violer en pleine paix le sol d’une nation amie ; je les ai vus marquer tous leurs pas par l’indiscipline, le désordre, le viol, l’assassinat et la destruction…Je viens de voir ce que nous appelions des esclaves, des barbares, entrer après une victoire dans la Cour de celui qui avait fait 800 lieues pour aller ravager leur territoire ; je n’ai vu que la discipline la plus exacte, des corps superbes, des officiers remplis d’éducation, des chefs sans morgue, des généraux remplis d’attentions : je n’ai entendu que le mot consolant de paix sortir de leurs bouches ; je n’ai vu que des  traits de grandeur, de modération, d’amabilité, de générosité, du héros qui venait à leur tête…Je croyais depuis six ans que de tels hommes n’existaient plus ; je croyais leur race éteinte ;c’est celle des bourreaux du genre humain qui le sera désormais. Ma plume ne saurait suffire à te  peindre tous les sentiments que j’éprouve. Lis les journaux ; tu y trouveras une faible esquisse de ce qui s’est passé. Témoin oculaire de tout, je puis te garantir l’exacte vérité de tout ce qu’ils contiennent jusqu’à ce jour. __Ce cruel Napoléon avait en quelque sorte lié sa destinée à la nôtre ; plus de secours depuis sa chute ; nous ne savons pas  si notre sort sera de mourir de faim en France, en récompense de l’hospitalité exercée en Espagne dans le tems en faveur des émigrés français…cela n’y fait rien. L’indépendance, la tranquillité, l’intégrité de l’Espagne sont assurées ; c’était l’objet de tous nos vœux : ils sont remplis, nous n’avons plus rien à désirer. »

2) Paris, 24 avril 1814

« Plus je compare la conduite des armées coalisées en France avec celle des français en Espagne, plus je trouve des raisons de haïr ceux-ci et d’estimer les autres. En outre quelle légèreté, quelle inconséquence dans la conduite des français, même vis-à-vis de leur Gouvernement ! Des flatteries les plus rampantes il s en sont venus à des injures les plus grossières ; il n’y a pas encore un mois que Buonaparte était l’homme par excellence, le plus grand des héros, le plus sage administrateur, et à présent on va jusqu’à dénigrer ses talents militaires. J’ai toujours haï, abhorré, détesté cet homme : je le hais moins depuis sa chute : j’ai toujours rendu justice à ses talents, et les français  le regretteront avant quatre ans, surtout si son successeur est d’un caractère pacifique.__On vient d’éprouver ce que c’est que le despotisme, et on a la bêtise de penser, de dire, d’imprimer qu'il faut se jeter à corps perdu dans les bras des Bourbons et qu’il n’est pas besoin de charte constitutionnelle ni de barrière contre le pouvoir arbitraire…En vérité ce peuple-ci mérite bien de tomber sous un sceptre de fer ! »

xxx

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Met Barran
Publicité
Archives
Publicité