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Met Barran
29 mars 2012

La montagne

"J'avais cru dépasser le chagrin quand je reviendrais, des années plus tarda, pour la première fois, dans le Roussillon, où je m'étais pourtant interdit à moi-même de retourner; je parcourais, presque serein, oublieux, tel un touriste qui avait déjà simplement des repères, des avenues de Perpignan, les quais de la Basse, les ponts qu'elle avait l'habitude de traverser quand elle descendait, le samedi, du bus du Moulin à Vent; je revoyais sans peine la place du Palmarium, la rue de la Clocher d'Or, les alentours du castillet avec l'écho des sardanes de l'après-midi. J'avais réussi, pensais-je, en arrivant sur la place Cassanyes, à l'autre bout de la ville, à ce qu'elle ait moins de place dans ma tête, à ne plus avoir de remords, de regret, à ce que disparaisse même un jour le besoin de l'évoquer. Mais non, elle était là, immense, quand le train repartait -dans les collines des Albères, les autres montagnes, les vignes, les chemins des mas, les étangs de Salses, et c'était comme si la nuit descendait, à midi, de chaque côté de la voie ferrée".

Cette belle page (p. 79) est extraite du dernier livre de Jean-Noël Pancrazi intitulé La Montagne et accompagné de l'humble mention "récit". Il vient de paraître aux éditions Gallimard qui a publié nombre de ses écrits. Les 90 pages qui le composent se lisent d'une traite. C'est une fontaine d'images, de sensations, de sons et d'odeurs. Et une très belle écriture pour dire l'expérience émotionnelle d'une vie, avec gravité, pudeur, mélancolie mais aussi lucidité. En fait, un long poème-pont entre les deux bords de la Méditerranée, entre Sétif et Thuir, entre les Aurès et le Canigou, entre les divers âges de l'homme, entre le père d'Ajaccio et la mère de Porta. Entre des flashes de mémoire et des pulsations de coeur d'un être qui souffre de n'avoir pas suffisamment aimé. Le livre paraît en ce début d'année 2012, c'est-à-dire cinquante ans après les accords d'Evian et la fin de la guerre d'Algérie, date à laquelle l'auteur et sa mère arrivent en Roussillon. La Montagne c'est du paysage sans idéologie. Une pièce rare!

Vincent

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