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Met Barran
9 juin 2013

Combat

A lire ou relire Octave Mirbeau *(1848-1917), on ne perd jamais son temps et l'on s'y nourrit de moments de belle littérature. Connaissez-vous son combat de la vipère et du hérisson?. Je donne ce titre, par commodité, à un passage de l'un de ses romans. Au cas, où Mirbeau ne vous dirait rien de rien, sachez qu'il a laissé Le journal d'une femme de chambre (1900), dont Luis Buñuel et Jean-Claude Carrière firent un chef- d'oeuvre cinématographique en 1964 et que vous connaissez peut-être. Voici la description de ce combat.

"...Et, tout à coup, tandis que la vipère, d'un rampement lent, frôlait le tas de feuilles, je vis une chose merveilleuse, un de ces drames les plus surprenants qu'il soit donné à l'homme de contempler. Les feuilles sèches, volèrent à droite et à gauche, ey un gros hérisson dardant ses piquants, allongeant son museau, apparut. Avec une rapidité, un bondissement d'attaque qu'il eût été impossible d'imaginer aussi lestes chez une bête d'aspect aussi lourd, le hérisson se précipita sur la vipère, l'enguela par la queue qu'il serra fortement, et se roula en boule, son corps tout entier préservé par les mille pointes dressées, comme des piquants de lance, de sa peau. Et il ne bougea plus.

 Alors, la vipère souffla horriblement. Par des élans vigoureux qui la faisaient s'élancer toute droite et brillante comme un coup de couteau, elle essaya de se dégager de l'étreinte du hérisson. En vain. En vain, elle essaya de le mordre, précipitant sa gueule chargée de venin contre les piquants de l'ingénieux animal, où elle se déchirait. Toute sanglante, ses petits yeux crevés, elle co,ntinuait à se débattre et de mordre l'impénétrable armure du monstre, dans une fureur croissant avec les blessures. Cette lutte dura dix minutes. Enfin, dans sa rage à vouloir se dégager, elle se perfora le cerveau contre les inflexibles épées, et elle retomba, inerte, mince ruban gris taché de sang, près de la boule immobile.

 Le hérisson attendit quelques instants. Puis avec une prudence, une circonspection vraiment admirables, il détendit ses piquants, risqua son museau, allongea à demi le corps, ouvrit ses deux petits yeux noirs, féroces et ricaneurs, sortit ses pattes. Puis, quand il se fut bien rendu compte que la vipère était morte, il l'avala, en groïnant, comme un porc.

 Après quoi, lourdaud, repu, il se traîna sur ses pattes courtes, et fouillant la terre du groin, il se roula en boule, sur un tas de feuilles parmi lesquelles il disparut...."

Et oui, très efficace! Récit littéraire, ou récit (déjà) télévisuel? "Documentaire féroce sur le monde animalier" avec de belles expressions comme : " l'enguela par la queue qu'il serra fortement", et "s'élancer toute droite et brillante comme un coup de couteau".

Si, si c'est du Mirbeau, à la fois réaliste et paraboliste, "capturé" lors d'une visite pour mémoire de son ouvrage "Les Vingt et un jours d'un neurasthénique" (1901).

Léandre  Cocon de Sort.

* Nul ne vous oblige à ne jurer littérairement que par Marcel Proust (1871-1922). Nombreux sont les voyages dans le temps qui nous sont offerts, alors profitons-en!!

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