Césaire for ever
Il ne faut jamais cesser de fouiller, fouiller ses poches, fouiller la terre, fouiller les bibliothèques. Chaque livre est un trésor et contient des trésors. Et plus l'on sait de langues et plus la recherche de trésors s'avère profitable. J'ai farfouillé dans ma bibliothèque et dans son désordre d'un automne avancé. J'ai mis la main sur un livre, un tout petit livre, disons format de poche, qui traitait de "MUNTU: Las culturas de la negritud". Si je donne ce titre en castillan, c'est parce qu'il s'agissait de la traduction dans la langue de Cervantés du fameux "MUNTU. Umrisse der neoafrikanischen Kultur", publié à Cologne en Allemagne, en 1958 par JANHEINZ JAHN. On m'en avait parlé d'une façon très enthousiaste et on me l'avait versé généreusement dans le dossier de cette partie résistane des cultures dont le propos n'est pas de nous décerveler ou de nous opprimer le cervelet, mais de mettre celui-ci au mieux avec les nourritures qui le vivifient et l'agrandissent. Pour aller de l'avant. Je l'avais acquis chez Domingo, une librairie de la ville très commerçante de Reus, en Catalogne. La version castillane que je tenais entre les mains, et dont je caressais la couverture à laquelle le temps n'avait apporté aucune rugosité, avait été réalisée par Daniel Romero et publiée à Madrid, en 1970 aux Ediciones Guadarrama. C'était le n° 98 de la riche et diversifiée collection universitaire "Punto Omega". Ce livre de 300 pages, je l'ai donc caressé, puis soupesé, ensuite reniflé et enfin feuilleté. Parcours cavalier de son contenu. Il est subdivisé en huit chapitres avec un titre bref " SKOKIAN?", "VUDU", "RUMBA", "NTU", "NOMMO", "KUNTU", "HANTU" et "BLUES" . Ce dernier chapitre y traite du "conflit des cultures". Le souvenir me revient d'y avoir appris beaucoup et bien plus que beaucoup sur les mythes, légendes, musiques, danses, chansons et littératures africaines (et, forcément, au-delà). Je me dis qu'il ne serait ni idiot et moins encore inutile de relire "MUNTU". Et c'est à cet instant que mon index droit s'est glissé entre la page 140 et la page 141 et a ouvert le livre sur un très beau poème en italique d'Aimé Césaire, magnifiquement traduit en castillan par Daniel Romero, déjà cité. En 1970, le poème de Césaire m'avait ému autant qu'ébloui. Le même double effet demeure aujourd'hui. Le voici, pour celles et ceux qui voudraient le goûter et... l'écouter.
Yo krakatúa
soy pecho abierto
soy remolino...
y quisiera ser cada vez más humilde, cada vez más pequeño,
cada vez más pesado sin vértigo, sin huella
hasta llegar a perderme
en la sémola viva de una tierra abierta;
fuera, en la atmósfera, habría una bella niebla
sin mancha;
cada gota de agua formaría en ella un sol
cuyo nombre, como el de cada cosa,
sería "conexión total";
y ya no se sabría si era una estrella
o una esperanza lo que ha pasado
o el panacho florido del árbol flamígero
o un desfile de antorchas submarinas
de la medusa aurelia.
Entonces yo estaría totalmente bañado en vida
y sentiría mejor lo que me roza o me muerde
yo me tendería y vería venir hacia mí los aromas ya libres
como manos caritativas
que se abrían paso hacia mí
para mecer sus largos cabellos sobre mi
tan largos como el pasado que no puedo aprehender,
Apartad vuestras cosas, haced sitio entre vosotros
para mi terrible descanso, cuyas olas
entierran ya mi terrible peine de raíces de ancla
que buscan sitio donde anclar.
Sondeo cosas, sondeo;
yo soy el cargador, el que trae raíces,
cargo, y me entraño y me oprimo en el ombligo de la tierra."
Césaire for ever! Oui, je relirais le livre mais pour l'instant je le range sur mon bureau avec d'autres titres prioritaires, urgents et indispensables.
Ce poème figure, sous le titre El cuerpo perdido dans le chapitre NTU du livre de J. JAHN. Il provient de "Sonnendolche -Poignards du Soleil", édité en allemand à Heidelberg, en 1956.
Pourquoi ne pas l'accepter comme une contribution discrète à ce Printemps des poètes 2014 et au prochain 21 mars "Jour mondial de la Poésie". Ne serait-ce que pour débarbouiller le temps des tracts électoraux qui l'embrouillent?
xxx