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Met Barran
20 mars 2014

Mécontent, François? Souvent

Revenu de Perpignan, où il a passé auprès des siens un long été 1804, François de Fossa se retrouve à Barcelone, en attente de trouver l'occasion et un moyen de retrouver la ville de Cadix, où l'attend sa bien-aimée Jeannette, avec laquelle il avait formé avant son départ des voeux de prochain mariage. Mais la réalité souvent s'amuse à écorner les voeux. Et l'espoir et les projets se voient contrecarrés. Des difficultés que l'on n'arrive pas à surmonter (trouver par exemple un emploi), des contrariétés nouvelles. Depuis qu'il a remis les pieds en Europe, et malgré son idylle amoureuse, François de Fossa, militaire en congé, qui s'essaierait bien à copier de la musique pour mieux être mais n'y réussit pas, sait ce que vache enragée et galère veulent dire. Des relations, certaines familiales, l'émigré n'en manque pas, et il n'est pas avare de démarches auprès de l'un ou de l'autre, de plus -à distance- le soutient de sa soeur, Thérèse Campagne à Perpignan ne lui fait jamais défaut...Toujours mécontent et prêt à en découdre avec celles et ceux qui ne font pas ce qu'ils/elles devaient faire en sa faveur. Voici ce qu'il écrit de Barcelone le 6 février 1805'

   Voilà, ma chère amie, deux courriers que tu ne m'écris pas, & je suis très en peine sur le compte du petit. Je ne te pardonne pas quand tu es occupée de ne pas obliger Campagne à me marquer en deux mots la cause de ton silence. Par ma foi je crois que tu deviens aufsi phlegmatique que lui.

   Garcia m'a demandé de nouveau si tu voulois le chocolat, & j'aurois été surpris de cette demande d'après l'ordre que je lui avois donné vingt fois de l'envoyer à Figuères, si la connoifsance que j'ai de son caractère ne me faisois voir qu'il est faché de devoir donner le chocolat au prix marqué, parce que ces données ont beaucoup augmenté depuis la guerre?

   Jaubert m'a marqué la naifsance & la mort d'un nouvel enfant dans le même jour: il ne sait pas absolument de quoi je lui parle, au sujet des reçus de Garrido. Je suis d'avis que tu lui écrives toi-même un petit billet pour lui expliquer cette affaire, & pour le consoler de la perte de son fils.

    Pons t'envoie les deux incluses, & il demande la réponse de Mde Ribeill à une autre qu'il lui avoit mandée le mois pafsé.

    Dortaffa vient de me donner une grande preuve que ce n'est qu'un fieffé coquin. Je lui avois fait de nouveau les propositions les plus modérées, il ne veut pas en entendre parler. Mde Reart est encore une coquine, & le marquis d'oms ne vaut pas mieux qu'elle. Voilà plus d'un mois que je vais tous les trois ou quatre jours chez elle, sans, sans avoir jamais pu la voir. Je lui ai écrit une lettre qui n'a pas eu plus de succès, & c'est toujours Mr d'Oms qui me reçoit, m'amuse, m'entretient de paroles vagues, & me fait perdre mon tems. Je vais dans peu les faire afsigner tous les deux elle & d'ortaffa: je garderai par devers moi l'assignation, & j'empêcherai au moins par là les droits de ma créance de tomber en vétusté. Si les choses venoient à changer, ou ma bourse à se remplir, je leur fairai alors un procès dans les formes.

   Plus d'espoir donc pour le moment du côté de ces M.M. par conséquent plus de mariage avec jeannette. je n'ai pas envie d'augmenter le nombre des malheureux: il n'y en a déjà que trop dans le monde. J'irai pourtant à Cadix, j'y irai pour l'assurer de vive voix que ce n'est point à mon inconstance ni à mon infidélité qu'elle devra attribuer ma conduite. Plut-il à Dieu qu'elle voulut entrer dans mes idées: nous irions aux Etats unis de l'Amérique: nous nous établirions dans un pays libre; j'y deviendrois cultivateur & nous abandonnerions pour toujours l'affreux séjour de l'Europe, dont les habitans n'ont plus d'homme que l'extérieur.

   J'ai commencé vingt fois la lettre pour la Duchesse: vingt fois je l'ai déchirée. Je ne saurois ployer mon esprit à l'adulation. Devenu Républicain, je ne trouve pas une exprefsion quand il s'agit de faire une cour servile à des gens que le hazard seul a placé au defsus de nous: j'en trouverois mille si je ne devois que rendre hommage à la vertu. En outre j'espère si peu de tous ces êtres-là, & je suis d'avance si persuadé de l'inutilité de toute espéce de démarche que je suis tenté de demander tout bonnement à la Cour, moi-même en droiture, mon changement à quelque Régiment ou garnison que ce soit. Si on me le refuse, je fais semblant de partir pour l'Amérique, je me fais faire prisonnier par le Ier bâtiment anglais que je trouve: je prête serment de ne pas servir contre eux durant la guerre: on me renvoie ici & voilà le Roi d'Espagne obligé à me nourrir gratis tout le tems de la guerre. Adieu."

xxx

 

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