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Met Barran
13 juin 2014

La Der des Drs de la Licorne d'hannibal

"La Licorne d'Hannibal'. Décembre 2001-Avril 2014. Nous l'avons tant aimée. Cette belle de papier n'est plus même si l'on nou assure que l'on retrouve ressuscitée en électronique. Elle ne pourra plus être comme avant. De cet avant sa dernière et 34ème  livraison témoigne. Pour un N° de bouclage de boutique comme dirait une mauvaise presse c'est un sacré numéro qui accueille en ses plus belles pages "Didier Pobel, poète de sources sûres" présenté par son ami Bernard Revel. Pas moins d'une vingtaine de poèmes inédits et deux photos dont l'une avec Charles Juliet. Des textes courts, impressions de nature et d'art. A lire toutes affaires cessantes, recommandé à toutes celles et à tous ceux qui  qui espèrent "la fuite animale au galop espiègle?"  Autre "grand invité" le sculpteur Marc Crépy, mage de l'ardoise du Portugal qu'il met en paysages, en feuilles, en rouleaux et qui parle, avec finesse, des civilisation. Dix huit reproductions dans les belles clartés qu'autorise le part-pris du noir et blanc. L'ensemble des illustrations (reproductions de peintures, photographies, dessins) est en noir et blanc. Feuilletons-ensemble. Après l'adieu à la Licorne d'Odette Traby, "reine mère des Cabochards" et de Michel Gorsse, voilà... Valérie Canat de Chizy: "Et l'homme rencontré/ se lève en toi/comme une sève", et plus loin "La peau/ plante/ ses racines/ dans des pousses neuves". Gérard Salgas, dans l'habit du voyageur immobile s'émeut d'"Un déhanchement prometteur: l'ïle de Ré", nous rappelle (à nous joueurs inconscients de la langue) que "les mots sont à déflagration lente" et nous éblouit par la vigueur presque métaphysique de ces vers: "Une feuille tremble encore au bord de l'abîme,/ j'aime son élan contenu, son pouvoir d'invisible" (p. 48) Marc Espelta dédie sa chanson "Noiseuse, à C. Bukowski. (L'auteur de "L'amour est un chien de l'enfer" l'aurait appréciée). Bernadette Pradels s'interroge, en demi-mots qui sont autant de nids refleuris d'enfances (et bien plus). Dans son texte  "me reconnaîtront-elles?" elle écrit sur une peau de torrent "Lancer dans les rapides de cascades lilliputiennes des radeaux d'aspholdèles qui se disloquent sous nos hurlements sauvages". Pierre Lebelâge, l'émigré de Castres, connaît la chanson ("Comme disait Jésus", "Le Bonhomme de neige"); il sait trousser vive la phrase et trouver la bonne rime: étincelante, et musarde. Saint Brassens accompagne et protège sa roulotte poétique. Michel Castéran joue à dégraisser le rire de toute surcharge verbeuse. Marie Prouvost aime René Char, l'homme, le poète, le matinal subtil. Elle lui signe un envoi de gratitude qui se clôt par le vers "il nomma aube le point du jour." Alain Surre est un romantique qui, à l'occasion, trempe sa plume dans une encre qui peut être celle de Cioran et plus avantageuse que celle de Waterman, de vieille mémoire. Il écrit dans "Érosion": "Le monde ne pense pas/ le monde s'évapore/ et la rouille est un vestige à préserver" (p. 60). Simone Salgas, à son tour, nous offre sa chanson. Le vers "je ne sais pas en quelle gare tu m'attends" pourrait en être le refrain ourlé de jolie mélancolie sans accointances avec une rengaine. Thérèse Cau, autre voix féminine (elles n'ont jamais absentes ni mineures dans "la Licorne d'hannibal") évoque son "Octobre et proteste "Même le vent tourne/Devient peu fiable/ Et le soleil tarde!Paresseux à pointer". Claude Rives nous retient avec "la fauconnerie des sauvages nuées" de son évocation d'une "Tourbière cévenole". Pascale Oriot appelle en beau geste calligraphe la littérature à plus de picturalité, à plus de vérité dans la couleur. Si la forme poétique est largement dominante dans le sommaire de ce 34 ° et dernier numéro de "La Licorne d'Hannibal", la prose n'en est pas absente. Elle y bénéficie, par exemple, avec Henri Lhéritier d'une solide contribution. Collages lestes et pétillants d'un auteur qui, en moins de quatre pages, rapproche des "manies linguistiques", des sacs de Chantal Thomass, de la langouste de Cuba, de l'UMP mais aussi  Betty personnage d'un incertain Arnaldur Indrioason et de Madame Bovary d'un très certain Gustave Flaubert. Sans oublier cette déclaration identitaire qui tinte par-dessus les clochers: "je voudrais être plus multi identitaire que ce que je suis, un citoyen du monde, humant le vent de toutes les influences, venues du nord, du sud de l'est ou de l'ouest, pourvu qu'elles ne m'obligent pas à porter un casque et un glaive". Miguel Martinez, avec une fidélité de très bel aloi, et digne doyen des Cabochards Authentiques, propose (avec un clin d'oeil à Amin Maalouf), trois poèmes de son "Journal de Bord" dédié " A mon père et à ses châteaux libertaires en Espagne 36 ": "Comme toujours", "Complainte" et surtout "Au rapport", poème poignant, qui semble avoir été écrit avec la respiration de quelqu'un d'exercé aux arts martiaux. Et puis, il y a Michel Gorsse, le Spencer Tracy des hauts cantons, déboulant en chapka sur son brun destrier, raisonnant le monde en chapelets d'haïku. "Automne", "Hiver", "Printemps" et "Eté'. Dégustons. Allez, un premier verre...Oui, je vous accompagne. "Le corbeau file droit/ sous la nuée des flocons/ l'hiver au cul". Il faut repartir...Allez, ne vous faites pas prier, un dernier..."Le soir s'attarde/ sur le pic de la Dona/ Vénus ouvre l'oeil."(p.82) Patrice Scattolin suit; il a un coeur plus inquiet qui bat au rythme du temps qui glisse et qu'on n'arrête pas, qui recueille les échos du quotidien, ses gestes par excès comme ses gestes par défaut, dans la nostalgie d'une recommandation "Sinon ça s'abîme" (p.85). Bernard Revel fait dire au poète ce que le journaliste n'ose pas dire de lui. "Adieu, ma belle", écrit-il? Femme, journée, apparition, vie ? Si le réel nous force à trancher, et souvent nous égare, la fiction coagule toutes choses, quelles soient perçues, vécues, représentées. Clément Riot nous invite à partager sa "Supplique au grand veneur" d'une beauté grave à la fois classique et "directe". A lire à haute voix. Isarica confie à l'attention de la page blanche un poème de métamorphoses nocturnes. Charly Combes s'interroge sur l'héritage -et les valeurs fragiles-de la littérature. Max Firmin Leclerc lui aussi se pose des questions. Celle-ci, par exemple: "Où vont les goélands, /Dans un vol lourd et lent, / Qui raturent le ciel?." Dans ce numéro ultime de "La Licorne d'Hannibal" (une publication plutôt bien torchée, avec gueule et allant, comme l'on disait au mitan des années du siècle passé),Jacques Queralt dépose deux inhabituels aveux de sieste, l'un onirique et l'autre érotique. Henry Bes -homme de mots autant que de sons- remercie  la Licorne d'avoir...existé. Titre de son  remerciement: "La Licorne et Lou". Lou, entendez comme Lou Reed et non comme Lou Andréas Salomé -ou Lou Garou. C'est un texte taverne musicale, à Paris comme ailleurs, et à l'enseigne d'un "Nietzsche ta mère". Tout au lon des pages, comme la tradition le voulait, la revue accueille des illustrations de Gilbert Desclaux, de Bernard Combes, de Michel Gloaguen (magnifiques photos de chats sculptés), de Michel Bories (+), de René Legoff(+) Ce dernier numéro imprimé (vraiment, le dernier?) se clôt sur un hommage aussi mérité que pudique à Jean-Claude Rey, un ami disparu par Odette Traby, Michel Gorsse et Christian Rey. En quatrième de couverture sont reproduites les 32 Unes de la revue depuis sa création. "Grâce à elle nous avons caressé et aimé la vie" qui ne souscrira pas à ces mots de Michel Gorsse?.

Serge Lecantonnier.

xxx

 

 

 

 

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