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Met Barran
20 juillet 2014

Lulu et Sirius

1-L'homme comme la plupart des animaux n'est pas à l'abri d'une vie de sac et de puces.

2-Sur la margelle du Puits des Possibles un papillon aux ailes bleues faisait, à l'ancienne, du gringue à une cigogne unijambiste avec un long col blond.

3-Quand il était petit, Lulu, aimait aller voir avec ses parents les lâchers de parachutistes. Il s'émerveillait de les voir jaillir par une trappe du gros oiseau et les voir fendre l'air, puis s'épanouir comme des fleurs, tomber comme flocons de neige et, enfin, se poser sur le pré, juste à côté du château des Jonquères d'Oriola, parfois sur l'un des peupliers de la haie de séparation d'avec la grand'route. Maintenant que Lulu est redevenu petit grâce aux interventions répétées de Peter Pan mais qu'il ne peut se rendre près du château des Jonquères d'Oriola puisqu'il a perdu ses parents et que les parachutistes font les guerres ailleurs, Lulu se contente de lire, et de battre dans ses mains lecture faite, dans les journaux les tombées, les chutes, les dégringolades de ces parachutistes fanés que sont devenus des présidents, des premiers ministres, des chefs de meute partisans, ou des fondés de pouvoir d'associations d'anciens livreurs de pizza "la vita e bella" et de vieux ramasseurs manches retroussées de bouses fumantes de vache ou d'autruche. En vieillissant, Lulu est retombé en enfance, hissé sur la chaise haute que lui avait offerte tonton Cécé, il cherche les plaisirs que son âge, son état et sa bourse peuvent lui proposer. Lulu, aujourd'hui, aime le ciel des sondages quand le dit ciel s'assombrit grave, ne naviguant qu'en moutons noirs pour celles et ceux (ah! comme les humains aiment vivre d'illusion!) qui s'y voulaient soleils radieux.

4-La poésie n'est plus ce qu'elle était. Elle ne hante plus les trottoirs et les hôtels. Elle se déguise, souvent, en baronne de La Barre édentée pour recevoir ses audiences au coeur des forêts. L'autre soir, en m'ouvrant la porte, j'ai cru la reconnaître. Ses yeux pétillaient mais sa bouche était un antre très noiraud. Un  clair de lune, dépêché par sa maman en colère, ma grand'tante,  est venu jusqu'à moi me criant "Taille-toi! Tu n'as rien à faire ici!". La poésie n'est plus ce qu'elle a été.

5-On lui notifia que son intention de progresser était des plus louables mais que de progrès il n'y avait même pas l'intention d'un nuage de lait dans une tasse de café bien chaud. Il ne s'en formalisa pas. Il les regarda, le regard fataliste. Il sucra son café et le but a petites et douces goulées, veillant à ne pas brûler ses lèvres pour ne pas jurer contre l'équipe d'examinateurs qui avaient prononcé le verdict et, à cet instant, s'éloignaient.

6-Un ami véritable ne te laissera jamais les clefs de sa maison pour prévenir en toi une pulsion soudaine qui t'assaillirait et t'inclinerait à le dévaliser.

7-L'Académie Française ne sera peut-être pas de mon avis, mais je pense qu'il n'est ni aisé ni productif de manier une langue dépendante de ces barbarismes que l'on nomme aphtes.

8-Chaque langue a ses écrits diamants. Il en est un, en castillan, retrouvé en feuilletant des pages du poète Garcilaso de la Vega (début XVI° siècle). Le voici tel quel (le traduire en une autre des langues de celles que les oiseaux et les anges peuvent connaître, ce serait le salir, lui manquer de respect, l'abattre de sa beauté souveraine): "Un hombre mora allí de ingenio tanto/que toda la ribera adonde él vino/ nunca se harta de escuchar su canto." ("Numeroso" in "Poesia completa")

9-Toujours trois camps. Celui des pour, celui des contre, celui de celles et de ceux qui ne bougent pas, qui ne pensent pas, qui ne disent mot, des "et, surtout, foutez-moi la paix avec vos histoires que je ne comprends pas et que ne veux pas comprendre". Et puis, il y a les pour, lesquels, parfois, manifestent. Et puis, il y a les contre, lesquels, parfois, manifestent. Toujours trois camps dont les équilibres numériques ne sont pas rompus par les quelques transfuges du pour vers le contre, ou du contre vers le pour ni non plus par le ralliement vers le contre ou le pour de quelques pacifistes ou sots. Tout cela est bien beau, M. Sirius, mais il faut que tu nous aides à filtrer, à tamiser...car, M. Sirius, il pleut des jetons mortels et des jetons qui handicapent. Jusqu'à quand? Combien de tombes, combien de veuves, combien d'orphelins, combien de martyrs vous faut-il, M. Sirius pour chahuter les belligérants, les crapahuteurs et les gunfighters de la bonne cause et leur crier "Stop! ou je mets toute la planète à l'amende et à l'ombre". M. Sirius, vous ne pouvez pas me laisser penser, que les petits poings des hommes n'ont que la vertu de la bagarre qui les démange et que l'érection de nouveaux Monuments aux Morts qui justifie leurs mauvais tours de menottes? Les Morts pour, les Morts contre, les Morts autres. Toujours trois camps! Des bombes, des larmes, des cimetières. Des bombes, des larmes, des hôpitaux. Et, après les bombes, les larmes, les hôpitaux et les cimetières, des discours "commémoratifs" devant les Monuments aux Morts, le jour de la "prétendue" Victoire.

10-Un nez de femme bien poudré peut valoir de bonne amorce érotique.

11- Le pessimisme ne verse pas plus vite au défaitisme qu'un optimisme cabossé.

12- Il est présent partout (presque, presque n'exagérez pas!), le peintre Claude Viallat, de bon aloi. Présent au musée Fabre à Montpellier (une rétrospective pimpante, la preuve que l'on pouvait être avant-gardiste et poseur de chefs-d'oeuvre). Présent au château de Ratilly -quelque part dans l'Yonne (avec des oeuvres nouvelles, originales et plaisantes à l'oeil, comme au toucher, s'il était permis de les caresser ). Présent, encore, au prieuré de Serrabona 1(de longue date orphelin de vitraux, le prieuré a appelé (par on ne sait quelle voix) à la rescousse l'ancien Support/Surface, rivalisant aujourd'hui avec un Matisse ou un Soulages pour redonner une âme de lumière à de très nobles pierres et colonnes). Bonne continuation à l'été Viallat.

Eric-Christian Ruette de Loizir

1 Serrabona. C'est dans le département des Pyrénées-Orientales.

 

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