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Met Barran
6 mars 2015

"Fidelissima vila nostra"

 Petits sentiers d'histoire

Le 10 mars 1473, le roi d'Aragon, Jean II réunit les Corts à Perpignan. 

« S’il faut en croire Zurita, le vieux monarque avait réuni les habitants dans l’église Saint-Jean, et là, devant tous les assistants, il avait prêté le serment solennel de ne pas quitter la ville avant sa délivrance. La haine contre l’étranger se doublait de la popularité que le roi légitime s’était acquise (Joseph Calmette)

Le 10 avril de cette année 1473 les troupes de Louis XI, que la place de Perpignan ne laisse pas du tout indifférent, arrivent aux portes de la ville et commencent son siège.

Le roi d'Aragon qui était arrivé à Perpignan, "nostra vila" le Ier février 1473 n'en repartira que le 30 septembre, huit mois après, au lendemain de la conclusion d'un Traité de Paix avec l'assiégeant. Ce dit de Perpignan érige les Comtés de Roussillon et de Cerdagne en territoire neutre. Un "ni ni" du XV° siècle. Traité que Louis XI, le diplomate madré dit l'"aragne" ne se sentit pas obligé de respecter. Et le 5 décembre 1474. la ville de Perpignan (imaginez-là derrière ses remparts) est assiégé par les troupes du roi de France, avec ses mercenaires. C'est de fait, disent les historiens méticuleux débrouilleurs de dates et de faits jusqu'à la plus subtile péripétie, le troisième siège que subit la ville, dans le conflit feuilleton qui oppose la France et Jean II, roi d'Aragon.

Un siège impitoyable va se prolonger durant huit mois. Siège terrible, inhumain dans sa réalité comme dans le peu de littérature qui va l'envelopper et le bercer jusqu'à nous: avec famine et cannibalisme à la une. Malgré la résistance du gouverneur Pierre d'Ortaffa et celle des soldats et habitants, il s'achève par la reddition de la ville. A la veille des ides de mars, le 14 mars 1475. Quatre jours auparavant le roi avait conseillé à ses valeureux sujets de capituler. Les portes de la cité exsangue s'ouvrirent.

Pour divers aspects, ce siège occupe une place particulière dans la mémoire catalane locale. On y rattache, anachroniquement semble-t-il, le geste civique de Joan Blanca2. Principalement parce que la conduite héroïque et les sacrifices des défenseurs de la ville lui valurent le titre de "Fidelissima vila nostra"2, de la part de Jean II, par lettres patentes données depuis Girona, le 21 janvier 1475, donc avant l'entrées des Français dans la capitale du Roussillon. Cela réchauffa-t-il le coeur des survivants?

Traduit dans sa plus stricte littéralité, il signifie;

"Nous vous donnons cette dignité entre toutes nos autres villes et cités que la ville soit appelée pour toujours Très fidèle et son peuple également en souvenir éternel de votre grande foi et constance."

Traduit dans une stricte littéralité, il signifie

Si le titre encore cher au coeur des catalans érudits, ou de sensibilités nationaliste, c'est cependant aujourd'hui, le rouleau du temps ayant fait son oeuvre, un titre plus pittoresque et affectif qu'honorifique ou politique.

 

Un autre lettre royale, cette fois-ci adressée de Castello d'Empuries, revient sur la question. La voici dans les mots et le style d'alors, celui d'un grand qui se veut reconnaissant des sacrifices de ses sujets.

"Parlant de vofaltres entenem parlar de tots los homens de aqueixa Fidelifsima Vila, è de qualfevol Eftat, é Condicio de aquella, è axi proffeguireu en nom de Deu voftre partit, que com dit es, no folament vos havem per efcusats, è confefsàm, que del que haveu fet, merexeu gloria, è honot, lo qual mes clar ab benefici à N. Senor Deu hagues plagut vos entenem de donar, empero fie ell del tot lloat. Dat en Cftello à 12. de Mars 1475. »   YO EL REI IVAN"

Perpignan et les comtés de Roussillon et Cerdagne restèrent sous domination française de ce mois de mars 1475 à 1493, où par le Traité de Barcelone, Charles VIII, fils de Louis XI restitue les comtés.

Jean II meurt le 19 janvier 1479 et Louis XI le 14 avril 1483.

L'histoire bien sûr ne s'arrêta pas là. Il y a des dates que l'on commémore, d'autres pas. N'y-a-t-il plus d'exploits glorieux à rappeler? Où commencent et où s'arrêtent les devoirs de mémoires?

 

   1) Une plaque en son nom fut apposée sur un mur extérieur du Castillet en 1975 à l'occasion du 500 ème anniversaire du siège. En 1994 fut créé un "Premi Joan Blanca" qui perpétue le nom de celui qui fut "consol en cap de Perpinyà" mais en 1473/4. Ce prix (honorifique) de fidélité à la ville et à la culture catalane est décerné chaque année à deux personnalités.

  2) Le 20 décembre 1901, le peintre Henry Perrault (1867-1932) qui avait épousé une catalane et disposait d'un atelier à Banyuls-sur-Mer, se vit commander par la ville de Perpignan (municipalité Louis Caulas) un grand tableau. Il s'agit de l'oeuvre "Le serment de Jean II d'Aragon pendant le siège de Perpignan", livré en 1906 à la ville (municipalité Eugène Sauvy) et qui aujourd'hui trône dans la salle des délibérations de l'Hôtel de Ville de Perpignan. 

 

 Siscle Petit-Clio

 

 

 xxx

 

 

 

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