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Met Barran
14 mai 2015

D'Albert Bausil à Edmond Rostand

       La dédicace qui suit est fort connue. Elle est aimée de jeunes comme des vieux poètes qui savent l'importance d'un maître. C'était hier, ce pourrait être aujourd'hui. Ecrite, il y a 110 ans, la fontaine de ses émotions, entre audace et pudeur, coule toujours.

A Edmond ROSTAND

          Maître,

   Autrefois j'ai voulu que mon premier poème parût sous l'égide de votre nom. Il s'en est allé vers vous, avec l'excuse de sa jeunesse, naïvement heureux de croire qu'il rejaillissait un peu de Gloire sur lui -parce qu'il portait en aigrette la Gloire de sa dédicace!

   Aujourd'hui, c'est ma première plaquette que je vous offre. Laissez-moi vite vous dire qu'elle n'ira pas vers le grand public. La plupart des poèmes qu'elle renferme furent commis lorsque j'étais rhétoricien. Or, ce soir, au seuil de mes vingt ans, au moment de la crise où la vision s'affine, où la sensation se précise, où la manière se transforme, j'étais sur le point de les désavouer...Sans doute, plus tard, s'il m'arrive de réaliser un peu de l'idéal que je porte en moi dans une oeuvre véritable, je rougirais de ces pauvres vers maladroits. Et, cependant, je les aime! Je les aime parce qu'ils disent les premiers rêves de l'enfant que je viens d'être, et parce que c'est un peu de mon petit moi-même qui s'éveille quand je les dis...

   Au moment d'aller vers Paris, qui voit avorter ou s'épanouir tant de métamorphoses, j'ai voulu réunir mes premières strophes à l'intention de mes amis. les amis seuls sauront les accueillir pour leur faiblesse et les aimer pour leur humilité...

   Pauvres vieilles chansons de mon adolescence!

   C'est, en somme, une concession-à- perpétuité que je leur assure dans un petit cimetière de province, où l'Oubli aura la pitié de laisser croître beaucoup de ronces...

   Je tiens, cependant, -pour deux raisons,- à vous dédier mes "Primeroses".

   Il me semble que mon désir (exprimé dans "La Muse du Poète", qui est, en quelque sorte, ma profession de foi littéraire) de voir succéder à une poésie nébuleuse et torturée, que si je mettais en tête de mes poèmes le nom de celui en qui chante le plus radicalement le Génie lumineux de France.

   Et puis...je vous ai dit que "Primeroses", était pour mes seuls amis. Et les encouragements que vous m'avez prodigués m'enhardissent à vous considérer comme le plus grand de tous!

   N'est-ce pas votre faute si vous m'avez habitué à vous aimer...au moins autant que je vous admire?

   Jadis, je vous ai dit avec quel orgueil je gardais les reliques qui me venaient de vous. Je n'oublie pas non plus que vous avez été, pour m'encourager, jusqu'à trouver mes vers "très habiles et, ce qui est mieux, d'une si jolie inspiration".

   C'est donc pour vous dire encore mon merci le plus ému

 

 

           "Que je mets tout mon coeur dans un bouquet de rimes,

           "Afin de l'effeuiller, dévotement, pour vous!"

                                                   

 

                                                                                                             ALBERT BAUSIL

 

  Perpignan, mars 1905.

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