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Met Barran
9 mai 2016

Le Mai 1816 de François de Fossa

"...pénible séparation avec le Duc. Si l'on mourait de chagrin je ne serais pas arrivé à Moulins (Lettre du 2 mai).  Ces mots sont de François de Fossa à sa soeur dans une lettre du 2 mai 1816. Il vient de quitter Paris pour rejoindre sa première affectation dans l'armée française. De gaîté de coeur, pas vraiment -comme lui même l'a écrit à sa soeur le 14 avril passé. "L'état militaire ne s'accorde pas plus avec mes vues qu'avec les tiennes, mais rappelons-nous que je n'avais pas d'autre moyen d'existence. La vraie philosophie consiste à se consoler de tout, et à tirer la meilleure part possible de la position où on a été place."

Le capitaine Fossa n'arrive pas dans les meilleures dispositions psychologiques à Moulins. Éloignement de Paris, séparation d'avec les Azanza. Une méfiance pour la province. Une "timidité" sociale, et mondaine. Le Duc dont il est question ci-dessus est Miguel Joseph d'Azanza auprès duquel il travaillait et vivait. Azanza, ancien ministre de la guerre, vice-roi de la Nouvelle Espagne (mexique), ministre multi-portefeuilles des rois Ferdinand VII et Joseph Ier, exilé avec son épouse à Paris.  "J'ai été forcé de me séparer d'un second père, du meilleur des chefs, du plus zélé protecteur, d'un véritable ami" lit-on dans une lettre du 10 mai de François à Thérèse. Des propos qui donnent la mesure de la relation de Fossa à Azanza et pèsent le chagrin de la séparation. Les Azanza -pauvres réfugiés- restent à Paris, ils y demeureront quelques mois encore avant de s'établir à  Bordeaux.

C'est à Moulins, dans l'Allier, que commence véritablement la carrière militaire française de François Fossa capitaine d'infanterie.  Il est arrivé dans cette ville le 31 avril.   "J'ai trotté toute la ville qui me paraît charmante pour chercher un logement; j'en ai trouvé un de convenable et pas trop cher dont voici l'adresse, ou plutôt voici celle à laquelle tu devras m'adresser tes lettres à l'avenir."A M.de F, capne à la Légion de l'Allier, chez M. Modérat, tailleur, rue de St Pierre à Moulins". Dans une autre lettre, il évoque son emploi du temps. " J'ai en conséquence huit heures par jour dont je ne puis pas disposer. La lecture ou la musique occupera le reste de mon tems dans ma chambre, car je ne connais encore qu'une famille moulinoise que je vois très peu et je ne me sens pas très porté à faire de nouvelles connaissances. Mes camarades riches, du pays, se présentent en habit bourgeois dans la société, il faut y jouer, y faire de la dépense, et je ne suis point dans ce cas" (Lettre 10 mai 1816).

Cette lettre indique qu'il n'a pas abandonné la musique, sujet sur lequel il n'est jamais épistolairement bavard. Ses lettres parisiennes n'en disent rien. A Moulins, il donne quelques informations, des détails. Suffisants en tout cas pour nourrir l'imagination du lecteur en lui permettant de se représenter le capitaine seul dans chambre avec sa -ou ses guitares-  mais l'instrument n'est jamais mentionné. Il étudie, il compose, il note, il corrige, il déchiffre, il joue. Quelquefois, il joue en société.

De Moulins, ses supérieurs l'envoyent à Gannat, une autre ville de l'Allier, non loin de Vichy. Il est à la tête d'un détachement de cent hommes. Ses responsabilités d'autorité, le prestige et les vertus de l'uniforme lui ouvrent des portes, le font convier dans des familles de la bonne société de la localité et sans doute lui donnent davantage d'assurance. Statut dont il se montre plutôt satisfait.

"J'ai remarqué que les habitants du Bourbonnais sont très affables. Je vais habituellement le soir dans une société composite de plus de vingt dames et presqu'autant d'hommes. On voit même à Paris peu de réunions journalières aussi brillantes, chez un simple particulier " (Lettre 18 mai 1816). "Je dine aujourd'hui chez le sous-préfet qui est un bien brave homme, et en plus a une femme charmante", écrit-il de Gannat  (Lettre du 18 mai 1816) ajoutant "il n'y a rien de tel que d'être commandant de Détachement".A Gannat, Fossa se lie même d'amitié avec un ancien "ennemi":"J'ai trouvé ici un vieux lieutenant-général le Baron de Sauret qui fut blessé à la bataille de Rorbach; il y a 26 ans qu'il fut fait chevalier de St. Louis et j'ai combattu contre lui en Roussillon et en Catalogne. Nous sommes maintenant fort bons amis, et c'est tant mieux."(Lettre 18 mai 1816). (Il s'agit de Pierre-François Sauret de la Boriesauret (1742 Gannat-1818 Gannat), infanterie, général de division, années de service (1756-1801), baron de l'Empire)

"Maintenant nous sommes logés chez le bourgeois, Gannat une petite ville de quatre à cinq mille âmes, aussi agréable que Prades (nda: signe que la géographie de son département d'origine demeure présente dans son esprit). Dimanche dernier il y avait à la société 45 dames ou demoiselles de la mise la plus élégante et du meilleur ton. Je croyais être à Paris. Cependant il me tarde de revenir à Moulins où j'ai laissé mes livres, ma musique, et tous mes effets."(Gannat 25 mai 1816). De ce qui précède, on peut déduire qu'il n'a pas fait de la musique à Gannat mais qu'il n'y a pas fait un mauvais séjour.

Dans une lettre de Gannat en date du 25 mai 1816, il reparle de son logement:

"Mon logement chez Modérat, est assez commode; il est composé d'une petite antichambre, une chambre avec une grande alcôve, et un cabinet. C'était bien tout ce qu'il me faut. Il me coute 20 francs par mois, plus trois f. À la fille pour ma chambre, mes commissions et brosser mes habits, plus cinq f. À un petit bonhomme pour décrotter mes bottes." On ne connaît pas la durée exacte de sa présence à Gannat, mais une lettre du 8 juillet prouve qu'il a rejoint Moulins. Le 5 juin 1816, il fait part à Thérèse et Joseph Campagne, sa famille perpignanaise, de qui sont ces supérieurs:  "Mon Colonel se nomme Jean Muller natif de Strasbourg. Il commandait l'année dernière un Regt à Toulon, et il eut le courage, lorsque Napoléon était déjà à Paris, de signer et faire signer à tous ses officiers une adresse de dévouement et de fidélité au Roi, elle parvint au Ministre de la Guerre de Bonaparte et tu sais bien que tous ses officiers furent renvoyés."

D'autre part  poursuit-il "Le lieutenant colonel est M. Cartier, Picard, marié à Mlle Capmas, née à Cadix, fille d'un ancien médecin de notre Roi, lorsqu'il n'était que comte de Provence. M. Capmas a perdu 200 mille f. À la révolution d'Espagne, il fut déporté sur les côtes d'Afrique, et il est maintenant en route pour se rendre à Paris. M. Cartier sort de la maison du Roi. Sa femme ne connoit point la famille Garrido".

Mai et juin 2016, les deux mois passés par François de Fossa à  Gannat ne paraissent pas devoir compter pour la biographie musicale du capitaine d'infanterie guitariste?

xxx

 

 

 

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