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Met Barran
16 juillet 2012

Eh Polette, mon Amour

Nous sommes en 1793. A Paris, on a tranché la tête de Louis XVI. Le Midi voit rouge aussi. Depuis le début du mois de mars, les hostilités franco-espagnoles ou hispano-françaises font rage. Ce 30 octobre, par exemple, la mitraille compte moults morts et blessés du côté de Banyuls-sur-Mer, au bout des Pyrénées. Jean Llanes, un jeune officier républicain, est l'un des blessés.

Lannes est né à Lectoure dans le Gers, le 10 avril 1769. Il s'est engagé le 20 juin 1792 dans l'Armée des Pyrénées-Orientales. Il a 24 ans. Le" volontaire du Gers" qui sert sous les ordres du général Basset est évacué sur Perpignan. Une consolation pour l'infortuné, le 31 octobre, il est nommé capitaine et devient chef de brigade le 25 décembre. Un bras en écharpe, Jean lannes s'approche de la place de la Loge. Il a dans, sa main valide, le "billet de logement" qui lui a été fourni par les autorités militaires de la jeune République. Il doit pouvoir ainsi être hébergé chez l'habitant. Lannes s'arrête, rapproche le billet de ses yeux et lit " en la demeure du citoyen Méric, rue Cases Cremades". Cette dernière expression ne trouble pas le Gascon qu'il est, il y voit une ressemblance avec le parler de son pays. Mais, où se trouve la rue? On le renseigne, il croit comprendre la langue dans laquelle on lui répond, il remarque chez son interlocuteur le même ton de rocaille qui habite sa bouche. Le voici à demeure! La maison Méric est sise au coeur de la ville, à l'angle de la rue "Cases Cremades" et de la place de la Loge, Il sonne, ou plutôt agite le heurtoir. Lui répond-on au premier coup. On peut douter, en ce temps on ne s'embrasse pas Folleville. Mais la porte de la famille Méric finit par s'entrouvrir.

La famille Méric, elle est composée de Marie-Thérèse Méric, née Mouran -après consultation de l'état-civil. C'est une veuve avec deux enfants. Un garçon: Jean. Et une fille: Jeanne-Josèphe-Barbe. Cette dernière affectueusement surnommée Polette -ainsi orthographiée dans les textes qui l'évoquent. Le père, Pierre Méric, est décédé depuis une quinzaine d'années. Jean, le frère de Polette, sera lui le premier édile de Perpignan (du 4 août 1815 au 28 décembre 1819). Jean Lannes s'installe pour entrer dans les meilleures conditions en convalescence. Un foyer, une table, et si possible de l'affection. Notre militaire porte beau, l'uniforme lui sied bien...et l'écharpe qui soutient son bras ajoute au charme. On lui manifeste quelques égards...Et ce qui pouvait arriver -quand un valeureux sabre vit sous un toit-arriva et Polette rougit, chavire tendrement dans le bras de l'hôte qui la prend par la taille. A l'insu, pourquoi ne pas l'imaginer, de la mère vertu, très vigilante mais trompée. L'idylle n'est pas du goût de Marie-Thérèse, la maman qui non seulement doit s'occuper des affaires domestiques mais faire également barrage au cruel qu'en dira-t-on. Non! Mais! L'hospitalité républicaine est chose bien mais...avec des limites.

La chute de l'ange qu'était Polette Méric, est assez compréhensible si l'on se fonde sur les portraits de peintres ou de littérateurs qui nous sont parvenus du militauire révolutionnaire. A Perpignan, en 1793, Lannes est plus beau que célèbre. Bonaparte est encore loin d'en avoir fait un "géant".

Ce Jean de Gascogne, ce militaire, cet intrus, ce gavatx lui a ravi sa fille. Marie-Thérèse crie: Non! Mais Cupidon le bien ou mal intentionné, lui qui défie tant et tant de montagnes s'en laissera-t-il imposer par le Canigou? L'affaire des coeurs suit son cours, et le 19 mars 1795, est jour d'hyménée. Cependant, dans le menu cortège qui se rend de la rue des "Cases Cremades" (actuellement rue de l'Incendie), aucun badaud n'y reconnaît la Veuve Méric. Elle a boudé la cérémonie. Marie-Thérèse n'a pas cédé. Elle ne porte et ne portera jamais son gendre dans son coeur. Vivre sous un même toit n'est pas possible. Polette et son beau capitaine devenu, rapidement, colonel écourtent leur lune de miel. Jean Lannes file de l'autre côté des Pyrénées, à Figuères, où il rejoint son corps d'armée. Et Polette le suit-il? La jeune femme n'a aucunement la passion de la vie de garnison et, sitôt à Figuères, elle demande à rentrer...non pas à Perpignan (la rupture avec la mère est définitive) mais en France. Elle est convaincante.  Jean, son mari, tout à sa douce,  lui suggère Lectoure, auprès de sa famille. Lectoure, bon. Mais ce sera l'"exil"!

Le 25 juillet 1795, le "Traité de Bâle" met fin à la guerre franco-espagnole et du coup rapproche Jean de sa jeune épousée. Le Colonel Lannes se voit courtisé par la bourgeoisie lectouroise, qui honore son fant brave et glorieux. Le prestige de l'uniforme et du combat bat à plein. Lectoure lui demande de raconter ses exploits (comme cela se fait dans les romans et pas encore dans les fils ou à la télévision). Lectoure, toute rouge de fierté provinciale et patriotique, l'écoute, applaudit. Il en impose, on le respecte. Et "Madame la Colonelle" est dans la même occasion très chouchoutée. Notre Polette Méric est en train de s'épanouir en la belle terre de Lomagne. Mais, une nouvelle fois, la République appelle le valeureux colonel.  Il est affecté à l'"Armée d'Italie" et prend congé, la larme à l'oeil, de Polette. Jean Lannes rejoint son armée et retrouve un petit Corse, né à Ajaccio, la même année que lui. Ils ont alors 28 ans...Campagne d'Italie: Lodi, Bassano, Arcole (cf. les livres d'histoire). Un pont de batailles, un sentier de la gloire, une avenue de la renommée...Ce qui, des médailles sont là pour le dire, ne va pas sans blessures. Lannes n'en sera pas épargné. Mais, sur le terrain des opérations, il se gagna le surnom de "Roland" et quelques étoiles. Le 17 mars 1797, le Directoire le nomme "Général de Brigade". Pense-t-il alors à sa chère Polette, là-bas, à Lectoure?

A Lectoure, comptabilise au fil de l'arrivée des informations, les succès et les plaies de son mari. Mais compter c'est comme filer, cela ne suffit pas. Polette, l'exilée et l'esseulée s'ennuie, ronge son frein, d'autant que dans sa belle famille ce n'est plus le beau temps du début. Les relations se sont détériorées. Bernard Lannes, ex-curé de campagne, est le frère aîné de son époux dont il administre les biens. Il n'a guère de sympathie ni de charité pour sa belle-soeur...Guerres, distances, lettres, rumeurs...minent la paix de bien des ménages. Et le pas est vite franchi de l'épouse vertueuse à la gourgandine volage.

"Les citoyens de Lectoure ne tardent pas à trouver que la générale Lannes menait une vie un peu trop "mondaine" pour l'épouse d'un homme déjà blessé cinq fois en deux mois et qui risquait presque quotidiennement sa vie sur les champs de bataille" (J.C. Damamme, Jean Lannes, Maréchal d'Empire, 1987).

La rumeur, puisque rumeur, il y a, avance même un nom: Cézerac. On prétend l'homme "vêtu à la dernière mode de Paris et fils du greffier de paix." On n'est pas encore, loin de là, dans du Balzac ou du Flaubert, mais on s'y dirige. Et, voici l'arrivée de la jalousie, des effets "meurtriers" du soupçon et du qu'en dira-t-on. Nous sommes en 1798, le général Lannes rentre d'Italie. Mais, il ne profitera pas long temps d'un retour à Lectoure. Bref "repos du guerrier", il repart -sacré métier- pour Lyon, l'ordre en vient de Bonaparte. Il faut accélérer le mouvement des troupes et du matériel vers Marseille, et ensuite Toulon pour l'embarquement pour l'Egypte prévu le 19 mai 1798. La Méditerranée, après les Pyrénées et les Alpes, aggrave la séparation des époux. Les vagues de la rumeur...redoublent.

"Les désordres de la dame Méric et sa vie licencieuse deviennent publics, et particulièrement ses habitudes avec un jeune homme" entendra-t-on dire, plus tard, devant le tribunal d'Auch. Un jeune homme? Quel jeune homme, Cézerac? Mais ce n'est point encore l'heure d'un quelconque procès. Il y a onze mois que le Général Lannes est hors-de-France et qu'il bivouaque au pied des pyramides, là-bas, en Egypte. Ses responsabilités lui permettent-elles de s'adonner calmement à l'arithmétique? En effet, le 17 février 1799, à Montauban (Montauban et non Lectoure) "dame Lannes" met au monde un bébé qu'elle prénomme Jean-Claude. Tout Général de Division et prompt qu'il soit, peut-il assumer arithmétiquement cette paternité? Le "problème" ne serait pas encore résolu, sauf à admettre qu'avant de prendre le bateau, quelque part entre Lectoure et Toulon, Jean et Polette se soient vus et rencontrés dans un effusionnel aurevoir?

De retour en terre gersoise, il n'a guère d'inclination à conter fleurette ou à "renouveler le bail" à celle qui était encore juriduqment son épouse. Le 23 octobre 1799, le tribunal civil du (jeune) département du Gers tranche et condamne "dame Méric" "comme adultère" et déclare Jean-Claude, son fils, "illégitime"...Le divorce sara prononcé le 18 mai 1800. L'union matrimoniale entre la Catalane et le Gascon n'aura duré qu'un septennat. Polette, victime ou volage? Les deux thèses ne manquent pas de partisans ardents. Ce qui est sûr, c'est que l'exil lectourois de Polette Méric, est cause qu'elle n'ait pu avoir une chance d'être "Maréchale d'Empire" et "Duchesse de Montebello".

xxx

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