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Met Barran
4 mai 2013

Parcours Joan Blanca

De quoi Joan Blanca est-il le nom? D'un prix très honorifique marqué par une oeuvre d'art. Prix à caractère civique plus que littéraire, même si pour la première fois de son histoire il a été remis à l'occasion de l'annuelle remise des prix littéraires de la Nit de Sant Jordi perpignanaise (la veille du Ier mai). Ce prix date de 1994 et fait suite à l'apposition, en 1975, d'une plaque en hommage à Joan Blanca Consol en cap de Perpinyà sur un mur du Castillet, pour commémorer le cinquième centenaire du siège de Perpignan par Louis XI (1423-1483). Il récompense une fidélité de plus ou moins long cours à la ville de Perpignan et à la langue et à la culture catalane. A ce jour 36 prix -à raison de deux par an- ont été remis et tous acceptés avec un frisson de fierté.

Mais, pour fier qu'il se sente, le primé est assez mal à l'aise lorsque, très innocemment, on lui demande mais, dis-nous, qui c'est ce Joan Blanca? Il n'a pas grand chose à dire sinon à évoquer un fait d'histoire et d'héroïsme controversé sinon tempestivement rejeté. Sur ce Joan Blanca, qui préféra laisser sacrifier son fils qu'ouvrir à l'ennemi les portes de sa ville, la documentation archivistique est bien plus mince que celle de l'ancien papier à cigarettes Job ou Nil. Vain sacrifice, puisque quelques semaines après ce refus jeté du haut des remparts, l'ennemi assiégeant entrait dans la ville.

Comme cela arrive souvent, la mémoire des événements s'étant éteinte et le passé étant éclairé par l'histoire, on se mêla de broder, d'enjoliver, d'écorner, de nier...et Joan Blanca a volé jusqu'à nous avec ses deux ailes: l'histoire et la légende. Et, à chaque fois que l'histoire battait fort, elle revigorait et revivifiait d'autant la légende. Que Joan Blanca ait existe, nul doute! Qu'il ait fait ce qu'on lui a attribué, le doute est persistant! Bref, les primés d'aujour'hui, ceux du 27 avril, sont les héritiers des deux. Pas de quoi, naturellement, être moins fier puisque la biographie de J.B. baigne dans la plus épaisse brume !

Mais une légende qui s'accroche à la mémoire populaire depuis son présumé auteur, l' A. Bosch et son livre Sumari...(1628) qui en a imprimé le texte et constitué les fonts baptismaux est quand même quelque chose de bien sympathique et qu'il importe de saluer comme un bien joli coup de fiction. Depuis lors, on ferraille, on frappe, on s'esquive, on estoque, on tombe et puis, une fois encore, on se relève. On va parfois jusqu'à mêler Abraham et les Antiquités à cette affaire. L'historiographie locale -mais elle n'est pas la seule- est faite de duels acharnés.

L'avocat François de Fossa (1726-1789) déclencha les hostilités  en 1777 contre l'abbé Joseph Xaupi (1688-1778). Il fut le premier, semble-t-il, à s'attacher à retirer le héros de son âge médiéval et à la réduire une taille plus humaine, c'est-à-dire enveloppée de moins de contre-vérités ou de vertus hypothétiques. Une bonne source que celle de Fossa, à laquelle puisèrent de nombreux amants de toujours ou d'une jour de la belle dame Clio. Si un Louis Moreri s'appuie sur Bosch, par la suite, les auteurs de grande Histoire et de grand Dictionnaire de se réfèrent Fossa. Et, sur le terrain perpignanais, il y eut deux familles se regardant presque comme chiens de faïence, au fil des ans et des siècles, celle de ceux entichés de la raison et de la méthode scientifique, et celle ceux qui pensaient qu'il n'y avait pas lieu de se guérir d'une (soi-disant faiblesse) pour l'imaginaire ou le merveilleux.

Ainsi, ici et ailleurs, se bâtit, une nouvelle culture historique et politique, au fur et à mesure  que se construisait une citoyenneté et un patriotisme à deux étages, celui de la petite patrie et celui de la grande patrie, un état-nation où les périphéries "acceptaienté" de ses laisser mettre en ordre par un centre. A bas donc Bosch sacré le "mentider", et les gens de l'erreur ou de la fable,  écrivaient les uns, d'artcile en ouvrage (les Jean de Gazanyola (1755-1854 D.M. J. Henry (1778-1850), Pierre Vidal (1848-1929), Joseph Calmette (1873-1952) persuadés de tirer leu épingle progressiste du jeu. Mais d'autres par leurs écrits "conservateurs" ou dissidents constituaient des poches de résistance, des laudateurs.  Ceux pour lesquels le trait d'héroïsme gravé dans la mémoire collective populaire ne pouvait être rayé comme par un deux et deux font quatre.

De petites voix, peut-être, sur le pupitre de la vérité qui doit assommer,  et des esprits d'obédience différente -le coeur des une pointant vers le monarchique constitutionnel ou pas, le coeur des autres battant républicain, démocrate ou point trop. En 1838 dans son  Guide pittoresque du voyageur en France par P. A. E. Girault de Saint Fargeau (1799-1855) cite Jean Blanca parmi les huit hommes les plus célèbres de Perpignan. en 1841, Abel Hugo (1798-1855), le frère aîné de Victor, le mentionne en l'orthographiant Blancha dans sa France pittoresque ou tout comme, en 1843, Alphonse Beauchamp  (1767-1832) dans sa Biographie universelle ancienne et moderne...Joan Blanca, parmi les vicissitudes, et les vents qui soufflent par-dessus les ponts des siècles, survivait. Le goût et la mode des voyages, avec la recherche de la note locale, du pittoresque et de la singularité, lui firent quelque bien.

On aime boire sur le terrain même la légende. Deux voyageurs, Louis Domairon (1745-1807), et James Erskine Murray (1819-1844), l'ont fait. Le premier, jésuite biterrois, en parle dans une lettre de Le voyageur françois datée du Ier avril 1761, le second, jeune Écossais de 24 ans, est à Perpignan une partie de l'été 1835. En revanche, Etienne Arago, fils de Perpignan, ne le cite pas en 1858, dans liste des "Perpignanais qui se sont distingués soit dans les sciences, les lettres et les arts, soit dans la carrière des armes» du Perpignan confectionné avec J.B. Grivel pour Histoire illustrée des principales villes du Roussillon.  

Le personnage tient l'éphéméride. Il est, en mars 1816, au théâtre de Perpignandans une "comédie musicale" d'un certain E. Sèbe (inconnu parmi les bataillons de biographiés), il est en 1829 au centre d'un article de l'abbé François-Joseph Fortaner (1765-1845), il est en 1857 dans un poème du professeur de seconde Louis Fabre (1795-1883), il est en 1887 dans un poème de Josep Bonafont (1854-1897), d'Ille -sur-Têt, il est en 1911 dans un cours de catalan de Louis Pastre (1863-1927), publié par la Revue Catalane. Il inspire et suscite des mots et des verts en français comme en catalan.

Et, alors que d'aucuns pensaient avoir corrigé, à force de lumières, le souvenir Joan Blanca, on voit ce dernier aller prendre racine et fleurir de l'autre côté des Pyrénées. Dans sa traversée de ce qui est et montagne et frontière son nom se voit modifié de Jean ou de Joan il devient  Juan o Joan Blanca(s). De quoi, noterons-certains, ne plus y retrouver le sien. L'historien de la couronne d'Aragon, Victor Balaguer (1824-1901) n'y va pas par quatre chemins. Le père du nationalisme catalan, annexe dès 1857 le Perpignanais comme figure héroïque symbolique. La Renaixença est bien en marche.  

Ainsi par l'Histoire (qui prend des allures de contre-histoire officielle), par la Littérature, le poème ou le théâtre, se réécrit un destin de J.B. C'est par exemple, en 1866, par la plume épique de Claudi Emili Girbal (1839 – 1896), puis, en 1879, par celle tragédienne de Francesch Ubach Vinyeta (1843-1913). (Sa pièce en quatre actes, tout simplement tirée Joan Blancas, sera crée au théâtre Romea de Barcelone le 12 février 1880 et il n'est pas interdit de penser que du public venu de Perpignan y assista. Joan Blancas était tellement dans l'actualité culturelle qu'elle fit l'objet d'une parodie).

A cette époque se nouaient de forts contacts sud-nord. Exemple: En 1883, le voyage à "Banyuls de la Marenda, Perpinyà i Elna" d'un bel échantillon de catalanité créative avec notamment Marià Aguiló, A. Gaudi, Àngel Guimerà, J. Verdaguer. Contact avec, entre autres, Justin Pépratx (1828-1901), père de la Renaixença roussillonnaise. Le travail "procatalan" en deçà des Pyrénées ne pouvait qu'épauler le maintien populaire de l'image de Joan Blanca. 

En 1906, est placé sur un mur de la salle Arago de l'Hôtel de Ville de Perpignan un grand  tableau d'histoire peint par Henry Perrault (1867-1932), représentant "Le Serment de Jean II". (Joan Dos, 1398-1479) Le roi à la fidélité duquel J.B. aurait laissé immoler son fils. Ne peut-on imaginer J.B. représenté parmi les personnages présents: Retour fictionnel et anonyme du héros dans sa cité. Héros que remémore une revue espagnole de Madrid, "Ilustracion Militar", spécialisée dans l'armée de terre et la marine, dans un assez long article du 15 mars 1907 consacré à "Perpiñan 10 de marzo 1475" et qui ne manque pas de  souligner le fait héroïque de "Juan Blanca". Le 15 septembre 1907, soit moins de six mois après la publication de l’article, mais sans que l’on puisse dire, bien entendu, s'il existe une relation de cause à effet,  une rue de Barcelone, dans le quartier de Gràcia qui, avant 1900, s’appelait "Méndez Nuñez" est rebaptisée "Juan Blancas." Cette rue existe toujours en 2013 sous le nom de "Joan Blancas"... 

En 1914, le Pastorellet de la Vall d'Arles publie son "Fam y Sanch" (1475) qui met en rimes le terrible siège de la capitale du Roussillon par Louis XI et la bravoure de J.B.. La même année, on peut lire dans le "Dictionnaire des Bibliographies roussillonnaises" de l'abbé Jean Capeille, une notice plutôt fournie sur "Jean Blanca". La guerre de 14-18 va-t-il emporter le souvenir du héros perpignanais! Non point, même s'il ensemence dans l'imagianire d'autres graines de héros. Preuve de la persistance mémorielle de J.B.,  Calmette et Vidal dans leur Histoire du Roussillon (1923) remettent la figure perpignanaise du XV° siècle à l'heure de l'Histoire moderne. Avec le temps, ainsi qu'on le chantera plus tard, tout s'en va.

Ce dut être l'impression ressentie par Alfons Mias (1903-1950) poussant un coup de colère à propos de la perte de mémoire "tant en sabreu de demanar a un jove de Palaldà qui era en Camboliu com de demanar a un jove de Perpinyà qui era en Joan Blanca". Joseph Borallo, curé de Saint-André, semble répondre au cri de colère de l'instituteur palaldéen en publiant un éloge: Un héros roussillonnais : Jean Blanca (Tramontane, 325, 1950, pp 319-320).  L'abbé Borallo se situe dans une lignée où l'ont précédé l'abbé Xaupi et l'abbé Fortaner.  Cette lignée eclésiastique était- elle une lignée rebelle et indomptable?

Une lignée anti establishment ou politiquement correct,  comme ces expressions ne se disaientt pas encore? Cependant juste à la suite de l'article de Borallo on pouvait lire ceci cet entrefilet de la rédaction de la publication: "L’histoire de Jean Blanca a été contée par divers historiens et écrivains roussillonnais et demeure controversée. Contrairement à l’opinion du chanoine J. Borallo, dans leur Histoire du Roussillon, publiée en 1923, Calmette et Vidal la classent résolument dans le domaine de la légende. Voici ce qu’ils écrivent au sujet du siège de Perpignan de 1474-1475"  (etc...). Ah! Cette légende, véritablement indestructible! De l'imaginaire chiendent! Malgré les argumentaires raisonnés et méthodiques des savants, la "fable" ne met pas genou à terre, elle résiste et trouve humus où reverdir de plus belle. Tout se passe, en fait comme si la critique d'un fait venait le consolider, et le perenniser. Légende à travers les siècles. De nos jours les historiens ne sont pas restés sur les ligbnes arrières et ont fait le siège de Joan Blanca.

C'est le cas d'Alice Marcet, l'historienne catalane la plus écoutée. Tout en se rangeant du côté des anciens,  Calmette et Vidal, elle apparaît volens nolens comme le dernier maillon d'une chaîne de maintenance de la légende Joan Blanca. Alors, il faut bien qu'une cette légende remplisse une mystérieuse fonction psycho-sociologique pour ne pas avoir disparu comme tant et tant d'autres "balivernes" racontées au coin du feu. En attendant Joan Blanca donne son nom à un prix que  trente six personnes ont reçu de 1994 à 2013.

Micer Fal'què Pott

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