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Met Barran
20 mai 2013

Les Gitans de Millas

Vu non sans intérêt à Millas (Pyrénées-Orientales), samedi dernier, le dernier film du cinéaste André Soucarrat. Un documentaire, comme à son habitude, hors des sentiers battus. Un long-métrage d'une heure et demie environ. Il fut projeté (ce ne furent pas les conditions les meilleurs) dans une salle multisports devant un très nombreux public. Ce film, de fait, en contient plusieurs, et renvoie donc à des dates de tournage différentes et, parfois, assez éloignées d'aujourd'hui. Disons que, mine de rien, près de cinquante ans sont ainsi parcourus. On n'est pas dans une histoire à chaud et c'est tant mieux. Le titre de cette réalisation (la 163ème du cinéaste, oui vous avez bien lu!): Les Gitans de Millas, de Mossa à La Paya...Le parti pris de reportage, au sens télévisuel, est indéniable, avec recours à l'interview et à une variété de points de vue. Et une première constatation s'impose: Soucarrat aime son sujet, à savoir  l'homme pris dans ses deux sexes et dans ses diverses générations, dans ses environnements et face aux regards des autres. Ici, nous sommes dans l'affection et - de l'aveu du réalisateur- de la reconnaissance, de la dette. En effet, il prend soin de nous faire savoir et sur scène et sur l'écran que ce film était en lui depuis longtemps et qu'il le devait à cette communauté, puisque c'est l'un de ses membres qui le sauva enfant de la noyade dans le Tech. Ce geste héroïque valait bien un film même s'il peut paraître quelque peu tardif. C'est fait et, oui, bien fait. Sa performance d'auteur (journaliste, historien et artiste) c'est d'être parvenu matériellement à le faire et à le donner à voir dans le ville même et devant les descendants, directs et communautaires, du sauveteur. Cela pour dire qu'il y avait beaucoup d'émotion dans les séquences qui se rapportent à ce récit, des séquences à caractère monographiques sur la population et son quartier. Il y a dans ce film manifestement de la part de Soucarrat la volonté de saisir plutôt des vérités anthropologiques et sociologiques que de se plier aux traits folkloriques ou aux stéréotype toujours ancrés. Cette partie millassoise est un film en  lui-même. Mais il y a d'autres bonne choses dans le grand format de ce réalisateur des choses de la vie et des relations inter humaines. Il y a tout ce qui se rapporte au regard sur les femmes, grâce non pas )à un coup d'oeil extérieur et supérieur mais au témoignage de Mossa -la première femme gitane à avoir pris la plume (et le risque) de parler d'elle et de ses soeurs, plaidant pour une meilleure intégration à la société moderne (tout change) mais sans toutefois abandonner des valeurs cardinales de la famille gitane ("Mossa, le destin de la femme gitane,1992). Mossa était présente dans la salle et sur scène, où elle a été applaudie. Ainsi, le regard qui dans un premier temps était focalisé sur la population gitane d'un village (largement majoritaire lors de la projection, mais non exclusive) se déportait vers un regard -de l'intérieur- sur la modernité: l'articulation du gitan et du païo ou payo. Autre partie marquée, de la plongée filmique proposée par Soucarrat: la guitare, le chant, la musique. A travers des actes festifs (dans les P.O. ou ailleurs) ou encore à travers le témoignage de Bernard Leblon dont l'essentiel de la carrière universitaire et ses publications concernent les gitans et leur culture, et donc leur musique. Des passages aussi instructifs que passionnants. La musique? Sévillane sans doute, flamenco, bien sûr mais également la spécificité de la rumba catalane. Le dernier tiers du film, comme continuation de cette investigation musicale, est un  grand reportage sur l'artiste Lauriane Guillaumond, plus connue sous le nom de "La Paya", chanteuse constituant un phénomène totalement atypique. En effet, cette jeune femme blonde (originaire de St Etienne) qui semblait s'orienter vers le classique, un beau jour, qui ne le fut pas entièrement semble-t-il pour sa mère (interviewée et présente dans le film), elle abandonne le violon pour la guitare et d'interrogations en rencontres met son coeur et sa voix à l'espagnol. Un seul objectif dès lors pour elle? Conquérir le monde gitan, y être considérée. "Entrer en gitanie" est son expression. Mais, nous apprend le film, chez les Gitans les femmes ne jouent pas de la guitare, alors comment une non gitane pourrait-elle s'y faire admettre? Alors, portes closes? C'est l'histoire de "La Paya" dont la carrière se construit, qui a rencontré des oreilles attentives chez de musiciens gitans, jeunes ou moins jeunes qui occupe le final. "La Paya" s'exprime aujourd'hui sur des scènes qui ne sont pas seulement celles des férias mais aussi des scènes de casino ou de festival. Du côté de la Grand-Motte ou des Saintes-Marie, on sait qu'une nouvelle étoile s'est elevée! On le sait aussi à Millas et... à Trouillas, où elle se montra pour la première fois, début 2011, aux côtés de Naia et de Jordi Barre (peu de temps avant sa mort). La culture gitane revendiquée par "La Paya" est, comme tout le film de Soucarrat, un bel hommage aux Gitans (de Millas et d'au-de-là, on y voit allusivement le quartier St Jacques ainsi que l'évocation du livre controversé de Fernanda Eberstadt "Le chant des Gitans" -2007).

Rapporté par le Petit Marquis De La Dèche 

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