Richard Meier à Bages.

Si vous en avez reçu l'invitation, n'oubliez pas de vous y rendre. Si vous ne l'avez pas reçue, ce n'est pas une bonne raison pour ne pas avoir le bon goût de vous y rendre. Une exposition Richard Meier, on ne la rate pas. Surtout qu'il y a -à ce que répandent les rigoles de la rumeur- du nouveau. Lui que l'on connaissait jusqu'à présent posé élégamment sur des tables ou coquettement montré dans des vitrines, et en sa belle compagnie d'écrivains, peintres et musiciens, ne voilà-t-il donc pas qu'il revient à d'anciennes amours et qu'il s'accroche aux murs. Cet artififex de la livritude - l'un des premiers, il a lâché, me néologisme dans le lexique prolixe de la librairie- se donnerait-il tout à coup, des galons de peintre et de dessinateur? Voudrait-il en remontrer aux abbés des arts plastiques, abbés crossés, abbés mitrés et abbés crossés et mitrés qui peinent à le reconnaître comme un de leurs pairs lui qui ne leur a pas refusé la gloire d'un ou deux trophées bibliophiliques? Rien de cela. Richard Meier n'est pas un bretteur (pourquoi en découdre?) mais un passeur de sensibilités et d'intelligences. Un homme de rencontres, d'alliances (le terme convient mieux) travaillant pour l'exploration, l'expérimentation. C'est ça :  l'invention. La seule façon de ne pas se laisser alourdir par le système productiviste. Mais un temps, un long temps, lui qui né à Thionville (Moselle) en 1944 était entré en peinture dès 1965, a délaissé son expression directe au profit de ses réalisation à plusieurs mains. L'objet. La lettre et le papier. L'objet privilégié et toutes ses faces: le livre, du volumen à la boîte (box). Cette aventure lancée à partir de 1982, avec ses éditions Voix Richard Meier il l'a menée avec inspiration et bonheur pendant 22 ans, à Montigny- les- Metz (Pour mémoire: la ville natale de Solange Bertrand (1913-2011), puis au début des années 2000, toujours sous la même appellation, à Elne, ville natale de son épouse Marie-Claire mais aussi du peintre Etienne Terrus (1857-1922) et Jean-Louis Vila (1948). Ce fut en 2004, lorsqu'il cessa d'enseigner à l'Ecole des Beaux Arts de Metz et vint s'établir définitivement en Méditerranée. Est-ce sa fréquentation amoureuse des créateurs, dont certains figurent parmi les premières épées de leur discipline, et dont la plupart ont été les âmes vives de la création et de combats véhéments ou plus apaisés -tout n'est pas soumis au feu de l'avant-garde- qui lui ont été liés durant ces dernières cinq decennies, est-ce donc cette constante immersion dans l'art qui court, art de tête autant que de main,  qui a fini par rappeler à Richard Meier qu'il y avait en lui en sommeil, quelqu'un qui bougeait et avait besoin d'être pris par la main -une main qui n'aurait pas sacrifié toute sa force plastique à l'ordinateur-  puis soumis au regard public. C'était le défi de Bages! C'était l'appel de la Casa Carrère, ce petit Beaubourg des Aspres! Ainsi, chez Richard Meier, l'éditeur, où ainsi qu'il aime à le revendiquer, "le travailleur indépendant dans le secteur de l'Edition", un Richard Meier peintre (Qui sait qu'il fut primé à ce titre, en 1994?) a mis le livre en parenthèse sans bien sûr le ranger pour développer la toile, l'ouvrir en grand, et quittant table et vitrine pour aller au sol puis au mur. A vous de vérifier s'il est là sa place. S'il tient la route. A notre avis, il y triomphe par ses éclats chromatiques et ses subtilités graphiques, par la maturité de ses gestes qui ne s'égarent dans aucun rire ou sanglot. Richard Meier nous y dévoile toute la beauté bienveillante de son art. Des topographies poétiques qui font taire les abandons à de trop longs discours?

J. SERAI

Détour Richard Meier. Casa Carrère 9 av. de la Méditerranée 66670 Bages. Vernissage ce vendredi 12 juillet. Vernissage à 18 h 30. Exposition ouverte jusqu'au 15 septembre 2013, de 16 h à 19 h, du mardi au dimanche.