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Met Barran
24 juillet 2013

rue Azur

J'ai par deux fois croisé le regard silencieux, doux et profond de Claude Simon. A un vernissage d'exposition au Musée d'Art Moderne, à Céret. A une manifestation littéraire à Sant Vicens, à Perpignan. La première fois c'était un écrivain qui écrivait. La seconde fois, il avait été nobélisé. Lui était resté le même. Discret, mais nullement distant. Ce regard silencieux, doux et profond.

Paid attention!  Nos temps sont légers. Vous trouverez toujours, deux ou trois personnes pour vous punaiser, en image sainte, sur le mur de leur désolation. Mettez-vous donc à l'abri!

Vous êtes dans l'erreur, si vous pensez que je peux me passer des grains d'anecdotes pour ma becquée journalière, et que je n'attends pas, comme vous, que des vents généreux ne me les apportent.

Je lui demandai pourquoi il ne peignait pas la vie. J'ai bien vu que je l'embarrassais. Je n'avais voulu être ni brutal ni désagréable. Nous étions dans son atelier, c'était au troisième étage de la rue de la Clochette d'Orsang. Il m'y avait donné rendez-vous "pour que je vois le travail du moment". En m'ouvrant la porte, il m'avait accueilli avec ce brin d'amitié qui dépasse la courtoisie d'usage. C'est lui, l'hospitalier, qui engagea la conversation me donnant à voir ce qu'il "faisait". J'écoutais avec plaisir (celui du "grand commençant") ce qu'il me disait et je voyais bien, qu'ayant repéré en moi le néophyte, il n'osait lancer des mots trop techniques qui m'auraient mis K.O., il se montrait plus paternaliste que pédagogue. Cependant ce que je voyais laissait mes yeux sur leur faim. Ils avaient beau attendre et observer, pas un seul tableau ni un quarantième de toile de jute pour calmer un peu cette faim. Il avait du remarquer que cela "ne passait pas" entre nous, qu'il était le seul à causer (à faire l'article de séduction), et qu'il ne lui servait plus à grand chose de continuer à me montrer ce qu'il "faisait". En effet à quoi bon continuer à exhiber (non sans difficulté et effort parfois: il lui arrivait de déplacer sept épaisseurs de châssis pour atteindre la pièce qu'il ne voulait pas manquer de me "soumettre"), je ne notais rien qui vaille sur ses tableaux. Le rendez-vous était manqué. Nos regards refusaient se se rencontrer. C'est alors pour couper court à un malaise grandissant, que je lui ai demandé "Pourquoi ne peignez-vous pas la vie?", et sa réponse embarrassée mais intelligible, puisqu'elle me poussa vers la sortie, fut "mais parce que la vie ne me l'a pas demandé et qu'elle doit me trouver piètre portraitiste pour oser me poser cette question." 

Où as-tu mis mon tapis volant?-Dans la remise, comme d'habitude, mais époussette-le bien fort, si tu dois t'en servir. Un nuage de poussière, on dirait les dernières paillettes d'un rêve-Ça y est, je vole, et je pourrais prendre en stop ma petite colombe  qui m'attend sur son échelle, rue Azur.

Si mes veines étaient des fleuves je m'y plongerais pour ramener sur le rivage des prodiges de corail. 

Ta mémoire, est-il un seul coffre-fort qui puisse la garder intacte?

par Le Pince Sain Rire.

 

xxx

 

 

 

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